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ANNEXES

I.

DES CONTRATS D'ASSOCIATION.

Il est très curieux de constater comment les associations s'organisent en fait, quels sont les systèmes habituellement suivis pour assurer aux sociétaires la propriété de leurs meubles et la jouissance de leurs locaux.

On répète à chaque instant qu'il y a lieu de faire entre les diverses sociétés des distinctions essentielles.

La meilleure preuve que cette prétention n'a rien de fondé résulte de la nature même des choses. Il suffit de comparer les contrats sous lesquels les religieux qui composent une congrégation abritent leurs droits collectifs, avec les contrats qui sont nécessaires à toutes les associations d'agrément ou de charité, aux loges maçonniques et aux sociétés politiques, pour être convaincu de l'identité de la situation juridique de toutes les sociétés

non reconnues.

Ceux qui crient à la mainmorte, en commentant avec des airs de découverte une convention passée entre cinq ou six religieux dans le but de donner quelque stabilité à leur couvent, n'ont qu'un seul mérite: celui d'afficher publiquement leur profonde ignorance. Sous l'empire de notre droit privé, il ne saurait plus être question d'une tentative sérieuse de rétablir la mainmorte sans l'intervention du pouvoir. Mais toutes les associations qui ont

quelque souci de l'avenir cherchent les moyens légitimes de prolonger, au moins pendant un certain nombre d'années, une existence prospère et tranquille. Toutes recourent dans ce but aux mêmes procédés, car pour toutes les difficultés à vaincre et les lois à respecter sont absolument les mêmes.

Ce n'est pas à dire que l'on ait constamment observé les prescriptions du droit civil, que l'on se soit toujours montré scrupuleux observateur des dispositions du code napoléonien. Des fautes ont été commises, des actes nuls ont été passés. Mais ces actes et ces fautes ne sont point particuliers à un genre de sociétés. Ils se rencontrent dans toutes les associations, quels que soient leur objet et leur doctrine. Que personne ne prétende donc s'ériger en censeur indigné; aucun parti, aucun groupe, aucune société n'a le droit de revendiquer en ces matières l'innocence, l'impeccabilité, et de jeter la pierre à ceux qui ne partagent pas ses idées.

Dans la réalité, comment les choses se passent-elles?

Les associés ont besoin d'un local. Pour eux, comme pour les autres citoyens, il n'y a que deux moyens de jouir d'un immeuble: la location ou la possession.

Le premier mode est le plus simple. On s'adresse à un propriétaire, on détermine une rétribution périodique, et la société vit en paix dans une demeure dont la jouissance lui est garantie par la loyauté et par le droit civil.

C'est ainsi que de grandes communautés religieuses établies à Gand, les béguines, occupent, moyennant un certain prix de location, de véritables petites villes, bâties dans le style ogival et appartenant à la branche aînée de la famille des dues d'Arenberg. La loge la plus ancienne qui existe dans la même ville, le Septentrion, s'est efforcée, vers 1866, de se créer une position à peu près analogue à celle des béguines. Le local qu'elle occupait était jadis désigné au cadastre sous le nom de la communauté

maçonnique. Il fallut régulariser cette situation. On chercha un propriétaire et on le trouva dans la personne de M. Metdepenningen, qui acquit l'immeuble le 28 août 1866. Quelques années auparavant on avait suivi le même système à Bruxelles: M. Fontainas, avocat et vénérable de la loge les vrais Amis de l'union et du progrès, avait acheté, suivant acte notarié du 21 décembre 1861, le local de l'association.

Ce moyen n'est pas sans inconvénients.

D'abord il est peu pratique quand il s'agit de fonder une société. Il est souvent difficile de trouver un immeuble qui puisse, sans de notables changements, servir de siège à l'association; cela est vrai surtout lorsque la société est nombreuse, qu'elle a besoin de gran des salles ou d'installations spéciales. Tous les particuliers ne sont pas disposés à faire des frais considérables pour louer leurs propriétés. Et les associés ne sont pas non plus tentés d'entreprendre des aménagements coûteux sur le terrain d'autrui.

Seconde question fort délicate. Est-ce que dans ce système la société n'est pas toujours à la merci d'une seule personne? Tant que les relations avec le propriétaire se maintiennent dans une note bienveillante et sympathique, il peut être permis de repousser toute inquiétude. Mais les sentiments varient et le propriétaire peut venir à mourir. Que faire dans ces circonstances? Est-il prudent de se confier absolument aux bonnes dispositions d'un vivant et de ne pas songer à l'éventualité d'un décès ?

La plupart des associations ont voulu des garanties contre les incertitudes de l'avenir.

Mais quelles garanties établir?

Dans plusieurs sociétés on a cru qu'il était nécessaire de recourir à des combinaisons aléatoires, où la clause de réversibilité joue un rôle assez important. Un petit nombre de personnes, dans lesquelles les sociétaires ont pleine confiance, deviennent propriétaires du local,soit à titre de

donataires, soit à titre d'acheteurs; il est stipulé dans l'acte de mutation que la propriété passera sur la tête des survivants et que le dernier ou les derniers d'entre eux seront propriétaires absolus et définitifs. L'association n'est plus dans la dépendance d'une seule personne; elle relève d'un groupe de propriétaires et n'a pas à craindre le moindre froissement personnel.

A Liége, lorsque les francs-maçons ont été expropriés de leur ancienne loge par la construction de la station centrale, ils se sont transportés dans un local acquis par trois d'entre eux. Ces trois membres, agissant en nom collectif, ont même loué à la ville une partie de leur immeuble pour y établir une salle d'école. Même système, paraît-il, pour la Legia, cette grande société de chant, à laquelle M. le sénateur d'Andrimont n'est pas tout à fait étranger.

De telles situations juridiques étaient jadis envisagées comme parfaitement légales. Aujourd'hui il y a des juristes qui les attaquent en parlant de pactes successoires, de substitutions, de mainmortes.

Il est dit que tous les actes qui seront de nature à procurer quelque sécurité aux associations, et par cela seul qu'ils seront plus ou moins efficaces pour produire ce résultat, devront être dénoncés comme frauduleux et illicites.

Mais les associés n'ont pas seulement à se préoccuper d'un lieu de réunion, ils ont aussi à régler la possession d'un certain actif et de quelques meubles. Un grand nombre d'associations ont par conséquent songé à sauvegarder leurs intérêts au moyen d'un acte de société soit entre tous les sociétaires, soit entre un certain nombre d'entre

eux.

Cet acte revêt parfois la forme civile et parfois la forme commerciale. On peut contester sa valeur en tant qu'il établirait une société civile ou commerciale, mais il nous

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