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de la Méditerranée; mais la fondation du royaume d'Égypte est, pour ainsi dire, antérieure aux fastes de l'histoire. Les livres hébreux, en nommant l'Égypte terre de Cham, donnent à connaître qu'ils faisaient remonter l'origine de la population jusqu'aux temps les plus voisins du déluge. La civilisation de l'Égypte paraît donc avoir été antérieure à celle de la Palestine et de la Phénicie; d'ailleurs, il n'est guère probable que les Égyptiens aient été prendre leur écriture chez des peuples qu'ils avaient en aversion.

L'histoire, tant sacrée que profane, nous montre constamment l'Égypte en guerre avec les Phéniciens et les Philistins. Nous ne connaissons guère de monumens égyptiens antérieurs à la 18. dynastie (1). Si l'écriture démotique était la plus ancienne, c'est là, c'est sur les monumens des rois prédécesseurs de Sésostris, qu'il faudrait en trouver des traces. Mais ils ne nous offrent que des hieroglyphes. Il en était de même, je crois, des plus anciens monumens écrits dont l'histoire fasse mention, des colonnes posées par Thoth ou Seth; et certes, il est naturel de penser que les premiers caractères phonétiques eussent été des représentations d'objets. Lorsque les langues étaient en grande partie monosyllabiques, les objets rendus par des monosyllabes devaient à leur tour paraître propres rendre les monosyllabes, et comme Re signifiait le soleil, de même le disque du soleil figuré a signifié R ou Re. Il n'a pas fallu une grande culture d'esprit pour en venir là. Aussi les plus anciens caractères chinois ont-ils été de même des représentations d'objets, quoique la trace s'en soit presque perdue dans l'écriture chinoise actuelle, de même que les caractères égyptiens démotiques ne ressemblent plus guère aux caractères hieroglyphiques, quoique leur dérivation de cette source soit incontestable. Lorsque, d'après ces premiers exemples, on s'est une fois accoutumé a l'idée qu'un objet figuré pourrait représenter un son, on a pu prendre les caractères à volonté, en convenant du son que chacun représenterait; ainsi, déjà l'é

(1) Les monumens égyptiens remontent jusqu'au premier roi de la XVIe. dynastie; ils sont indiqués et expliqués dans la Seconde Lettre à M. le duc de Blacas; l'impression de ce nouvel ouvrage est terminée depuis le mois d'août dernier, mais l'exécution des planches en a retardé la publication; il vient de paraître. N. du R.

criture cunéiforme a été une écriture de convenance. On trouve un exemple de la marche que M. Seyffarth assigne à l'écriture égyptienne, en supposant qu'une fois empruntée des Phéniciens, elle soit par calligraphie, devenue hiératique, et enfin hieroglyphique. C'est absolument prendre les choses à rebours et contre toute vraisemblance; au lieu qu'il est naturel de penser, avec M. Champollion le jeune, que, transportée des monumens sur les papyrus, l'écriture égyptienne soit d'abord devenue linéaire, et ensuite, par abréviation, hiératique et démotique. Tous les faits aussi viennent à l'appui de ce système. Si les rapports entre l'écriture hiératique et démotique sautaient moins aux yeux, on pourrait dire que, passant entre les mains du vulgaire et devant servir aux usages différens et fréquens de la vie commune, l'écriture est devenue de plus en plus compendieuse. Peut-être aussi est-il permis de croire que, dans cette dernière espèce d'écriture, quelques élémens étrangers à l'Égypte se sont mêlés; car, loin que l'écriture démotique ou vulgaire puisse dater, comme M. Seyffarth le suppose, des temps où le vulgaire n'avait point d'écriture, mais où cet art était tout entier entre les mains des prêtres, il me paraît plus probable qu'elle a pris son origine dans des temps beaucoup plus récens, où l'Égypte, entourée de nations civilisées, était avec elles en commerce régulier, et où les besoins des affaires exigeaient une écriture courante.

Si cette supposition est fondée, comme les faits le prouvent, ce ne serait pas les papyrus démotiques qu'il faudrait étudier de préférence pour voir clair dans l'antiquité égyptienne. Mais, quoi qu'il en soit de ces papyrus, il est sûr, que dans l'inscription de Rosette, l'étude des hiéroglyphes seule peut conduire à l'explication des monumens anciens. M. Seyffarth ne niera point qu'avec la clef trouvée dans les hiéroglyphes de cette inscription, M. Champollion n'ait réussi à lire les noms de plusieurs rois et divinités de l'ancienne Égypte, tracés pareillement en hieroglyphes sur les monumens. Avec la même clef, M. Salt, de son côté, en a fait autant et est parvenu aux mêmes résultats. Il n'en saurait être de même pour l'ecriture démotique, qui ne se trouve point sur les monumens; et comme ainsi les points de comparaison manquent, il règne encore quelque incertitude même sur la manière dont le nom Ptolémée est écrit dans la partie démotique de l'inscription de

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Rosette. C'est donc sur une base bien peu solide que tout le système hiéroglyphique de M. Seyffarth se trouve établi.

Mais en partant de ce point, M. Seyffarth est tombé dans une autre erreur. Il a voulu retrouver dans chaque hieroglyphe un élément démotique calligraphié, une véritable lettre. Il semble prêt à nier qu'il ait existé des hiéroglyphes symboliques; c'est donner un démenti formel à Horapollon, à Clément d'Alexandrie, et autres anciens; c'est abuser du passage de Cosmas: parce qu'en général les hiéroglyphes étaient des symboles de lettres, il ne s'ensuit point qu'il n'y en ait pas eu d'autrement symboliques. Le contraire est plus que probable, puisque les hieroglyphes étaient des caractères sacrés et devaient servir à exprimer les idées d'une religion toute symbolique M. Champollion a donc agi prudemment en consultant aussi Horapollon pour l'explication des monumens, et la manière dont il explique, d'après lui, l'abeille sur le cartouche prénom des rois, est bien plus vraisemblable que celle de M. Seyffarth, qui dissèque cette abeille pour en faire des lettres; avec de pareils expédiens on n'est jamais embarrassé pour arriver à un certain résultat. Afin de se mettre encore plus à l'aise, M. Seyffarth admet qu'un hiéroglyphe peut être le symbole ou signe de plusieurs lettres; c'est, sans contredit, le moyen de lire tout comme on veut. Supposons que pour le sens requis par M. Seyffarth il faille Osiris, et que les caractères semblent offrir Chnuphis, il accordera au cla valeur d'o, à la lettre suivante celle de la lettres, et ainsi du reste. Aussi M. Seyffarth lit-il les hymnes hieroglyphiques couramment; mais ce qu'on parvient à lire de cette manière ne nous fait guère avancer dans la science de l'antiquité; c'est rétrograder pour retomber dans les rêveries de Kircher et consorts. Tout ce que M. Seyffarth nous donne comme le contenu des différens papyrus trouvés dans des tombeaux, prouve évidemment qu'il n'est pas à la hauteur des nouvelles découvertes, qu'il n'a point assez médité le Précis de M. Champóllion et qu'il ne connaît aucunement le Panthéon égyptien. De là vient qu'il considère encore Osiris comme la principale divinité de l'Égypte, que les Égyptiens invoquaient pour en obtenir les bénédictions de la vie. Mais Osiris, mentionné partout dans les monumens funéraires de toute espèce, tombeaux, stèles, papyrus, était bien décidément le dieu des morts. J'ai reçu dernièrement de Memphis une Stèle, sur laquelle est sculptée une

défunte agenouillée devant Osiris, Isis et Horus. Les noms de ces trois divinités se trouvent en haut de leur figure, et sont absolument semblables à ceux que M. Champollion donne pour tels dans son Précis.

Lorsque M. Seyffarth ne fait pas difficulté d'accorder au même. caractère hiéroglyphique la valeur de différentes lettres, on peut s'étonner qu'il fasse un reproche à M. Champollion de prendre le lion, tantôt pour un L, tantôt pour un R. Mais ce reproche, que j'ai trouvé aussi dans un article du MonthlyReview, est en tout cas mal fondé quiconque a un peu étudié les langues, doit savoir que les lettres L et R se prennent souvent l'une pour l'autre.

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Je suis fâché que M. Seyffarth ait employé tant de peine, et quelquefois tant d'érudition, à faire un livre si peu utile et si coûteux; car on doit acheter un peu chèrement la conviction que ses Rudimenta hieroglyphices ne mènent à rien de satisfaisant; mais je me console en pensant que l'examen de son système doit servir à faire apprécier de plus en plus l'excellence des principes adoptés par M. Champollion.

Puissions-nous voir ces principes de plus en plus développés et confirmés par de nouvelles découvertes! C'en a été une bien intéressante que celle de la Table d'Abydos éclaircie par les travaux des frères Champollion, dans la première Lettre au duc de Blacas. Me trouvant, il y a environ un an, à Londres, je fis connaître cet ouvrage à un savant anglais, M. Lee, qui avait écrit une brochure pour prouver, par des raisons tirées de l'histoire, que le tombeau découvert par Belzoni ne pouvait être, comme M. Young et autres le croyaient, celui du roi Psammus, mais devait avoir une origine bien plus ancienne. Il a été agréablement surpris en trouvant son opinion confirmée par la comparaison du cartouche-prénom qui est sur la table d'Abydos, exactement semblable à celui du Pharaon représenté sur les parois du tombeau, et il a tiré parti de cette découverte dans une nouvelle brochure qu'il a publiée au sujet de cette tombe (1), qui était celle du roi Pétosiris.

(1) On a vu dans la description de ce tombeau, imprimée à Paris il y a 3 ans, que M. Champollion le jeune avait eu la même opinion sur le nom du roi pour qui le tombeau avait été fait.

G. TOME V.

N. du R.
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La première Lettre à M. le duc de Blacas nous en faisait espérer une seconde. L'extrait des lettres de M. Champollion jeune, inséré dans le Bulletin de novembre 1824, annonçait une ample moisson de découvertes dans les antiquités du riche Musée de Turin, nous en espérons aussi le développement.

Ces espérances ne seront-elles point remplies? J'applaudis à la marche prudente de M. Champollion; il ne veut rien donner qu'avec entière connaissance de cause; mais on doit nous pardonner un peu d'impatience lorsqu'il s'agit de choses d'un si grand intérêt. Je désire surtout voir publier le Tableau chronologique ou Canon royal, dont il est parlé dans ces extraits, et qui, comme supplément à la Table d'Abydos, doit jeter tant de jour sur l'histoire des Pharaons.

Un supplément à la seconde partie du Précis serait également utile; sur les stèles que je possède se trouvent plusieurs signes que j'ai vainement cherchés dans l'alphabet. M. Champollion doit en avoir également recueilli beaucoup de nouveaux sur ce nombre de monumens qu'il a eu l'occasion de voir à Turin et à Rome plus il sera facile de comparer et d'étudier, plus on peut espérer de voir clair dans ces mystères.

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Agréez, Monsieur, etc.

D. J. VAN Lennep. 493. IL SISTEMA GEROGLIFICO DEL SIGNOR CAVALIERE CHAMPOLLION IL MINORE, dichiarato ed esposto alla intelligenza di tutti. Le système hieroglyphique de M. Champollion le jeune, exposé et mis à la portée de tout le monde; par le Dr. Ippolito ROSELLINI, prof. de langues orientales à l'Univers. de Pise. In-8°. Pisa; 1825; Nistri.

Nous voici déjà parvenus, et en peu d'années, à la seconde époque de l'état moderne des études hieroglyphiques; elles passent en effet du cabinet des érudits et des archéologues dans l'enseignement public, et c'est à S. A. I. et R. le grand-duc de Toscane, que les lettres savantes sont redevables de ce premier et utile exemple. Ce prince a fondé, l'année dernière, une chaire de langue et d'antiquités égyptiennes, dans l'Université de Pise, d'après les principes établis par M. Champollion le jeune, et S. A. a chargé de ce professorat M. Rosellini, qui enseigne les langues orientales dans la même Université. C'est pour répondre aux intentions généreuses de son souverain, que M. Rosellini a rédigé pour ses élèves le petit Manuel que nous

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