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courant constant d'air pur autour de l'animal. L'expérience dura dix heures, le poids de la glace fondue monta à 4028,27. Cette glace fondue représentait nécessairement la chaleur cédée en dix heures par l'animal. Mais, à ce propos, Lavoisier fait observer, avec beaucoup de raison, qu'un cochon d'Inde enfermé pendant dix heures dans une enceinte à 0° a dû ne pas conserver exactement la température qu'il avait au moment de son introduction dans l'appareil, qu'il s'est refroidi au moins par ses extrémités, et que par suite la glace fondue représente un peu plus que la chaleur renouvelée par l'animal pendant l'opération. En outre, toutes les humeurs exhalées par l'animal se sont refroidies à 0°, elles ont contribué à fondre de la glace, et leur poids s'est ajouté à celui de l'eau recueillie. Pour cette double raison, Lavoisier pense que le poids de 4028,27 est trop fort, et qu'il faut le diminuer d'au moins 615,19 pour faire disparaître les causes d'erreur précédemment signalées et arriver à l'estimation de la quantité réelle de chaleur renouvelée par l'animal. En conséquence, il fixa à 3415,08 la glace qui aurait été fondue, si la répartition de la température du cochon d'Inde était restée la même pendant toute la durée de l'expérience, et si l'on avait pu éliminer l'effet produit par ses diverses exhalations. En rapprochant ce résultat de celui qu'il avait précédemment obtenu, Lavoisier fut conduit à cette conclusion :

1° Un cochon d'Inde brûle, en dix heures, par la respiration, 38,333 de carbone suffisants pour fondre 3268,75 de glace.

2° Un cochon d'Inde cède, en dix heures, au milieu

ambiant, une quantité de chaleur capable de fondre 3418,08 de glace.

Le rapport entre la quantité de chaleur produite par la respiration et celle que perd l'animal dans le même espace de temps est donc :

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Dans cette expérience remarquable, la chaleur due à la combustion du carbone dans l'acte de la respiration représente les 96 centièmes de celle que perd l'animal par le rayonnement, l'évaporation et le contact des gaz au milieu desquels il vit. La compensation est presque absolue; cependant Lavoisier fait observer en outre que la chaleur perdue a été mesurée dans un milieu à 0°, tandis que l'activité respiratoire a été observée à 14° ou 15°: nul doute, ajoute-t-il, que la quantité d'acide carbonique exhalé n'eùt été plus considérable si la cloche qui servait à l'évaluer avait été maintenue à la température de la glace fondante, comme le calorimètre employé pour apprécier la chaleur perdue. Lavoisier n'était donc pas pleinement satisfait de ses recherches, il ne les considérait que comme une première indication, comme un premier pas fait dans cette voie qu'il avait si glorieusement ouverte, et qu'il se propo · sait de parcourir. Pour lui, la cause de la chaleur animale était la combustion du carbone des matériaux du sang veineux; cette combustion s'effectuait dans le poumon; la chaleur, ainsi dégagée, était employée à favoriser l'évaporation de l'eau dans les bronches, à élever la température du sang, et à satisfaire à l'augmentation de chaleur spécifique qu'éprouvait le sang veineux en deve

nant sang artériel. Lorsque, dans les capillaires, le sang artériel repassait à l'état de sang veineux, sa chaleur spécifique diminuait de nouveau, et il laissait dégager une certaine quantité de chaleur qui servait ainsi à entretenir la température des parties éloignées du poumon (1). En conséquence, Lavoisier se crut autorisé à établir que :

« Lorsqu'un animal est dans un état permanent et » tranquille, lorsqu'il peut vivre pendant un temps con>> sidérable, sans souffrir, dans le milieu qui l'environne; >> en général, lorsque les circonstances dans lesquelles il » se trouve n'altèrent point sensiblement son sang et ses >> humeurs, de sorte qu'après plusieurs heures le système >> animal n'éprouve point de variation sensible, la con>>servation de la chaleur animale est due, au moins en » grande partie, à la chaleur que produit la combinaison » de l'air pur respiré par les animaux avec la base de >> l'air fixe que le sang lui fournit (2). »

Cependant Lavoisier n'abandonna pas l'étude de la respiration. Déjà, dans son mémoire de 1783, il avait vu que l'acide carbonique exhalé ne représentait pas exactement la totalité de l'oxygène absorbé dans le poumon; à côté de la combustion du carbone, il y avait un autre phénomène dont il ne s'était pas encore rendu compte, que personne ne soupçonnait, et dont il signala l'exis tence et détermina la nature dans un beau mémoire sur les altérations qui arrivent à l'air dans plusieurs circonstances où se trouvent les hommes réunis en société, lu

(1) Mém. de l'Acad. des sciences, 1780, p. 406. (2) Mém. de l'Acad. des sciences, 1780, p. 407.

devant la Société royale de médecine en février 1785 (1). Il analysa l'air des salles d'hôpital et des salles de spectacle, et démontra que, dans tout espace limité où les hommes sont réunis, l'air est altéré par la diminution de la proportion d'oxygène et l'augmentation de la proportion d'acide carbonique. Mais il fit aussi des expériences sur des cochons d'Inde enfermés dans des cloches de verre remplies, tantôt d'oxygène pur, tantôt d'air atmosphérique. De ses analyses il conclut que : Pour 100 parties d'oxygène absorbé, 81 parties seulement sont expirées par l'animal sous forme d'acide carbonique et 19 parties ne se retrouvent pas dans les produits gazeux de l'expiration.

<«< Il est donc évident, ajoute-t-il (2), qu'indépendam» ment de la portion d'air vital qui a été convertie en air » fixe, une portion de celui qui est entré dans le poumon » n'en est pas ressortie dans l'état élastique, et il en » résulte qu'il se passe, de deux choses l'une, pendant » l'acte de la respiration : ou qu'une portion d'air vital >> s'unit avec le sang, ou bien qu'elle se combine avec >> une portion d'air inflammable pour former de l'eau. Je >> discuterai dans un autre mémoire les motifs qu'on peut >> alléguer en faveur de chacune de ces opinions. Mais, » en supposant, comme il y a quelque lieu de le croire, » que la dernière soit préférable, il est aisé de déterminer » la quantité d'eau qui se forme par la respiration et la » quantité d'air inflammable (hydrogène) qui est extrait >> du poumon. »

(1) Hist. de la Soc. royale de méd., année 1782, p. 369. (2) Loc. cit., p. 574.

Dans ce mémoire, l'action de l'atmosphère sur le sang des animaux est caractérisée par trois effets principaux : « La diminution du volume de l'air, la for>> mation d'air fixe et d'eau, le dégagement de matière >> charbonneuse et d'un peu d'air inflammable. »

Ainsi, dès 1785, Lavoisier avait ramené les phénomènes physico-chimiques de la respiration à une double combustion, et déterminé les proportions dans lesquelles l'oxygène inspiré se partage entre le carbone et l'hydrogène des matériaux du sang pour produire de l'acide carbonique, de l'eau et de la chaleur.

Mais c'est surtout dans un mémoire lu en 1789 devant l'Académie des sciences (1), que Lavoisier a développé l'ensemble de ses idées sur la respiration et la production de la chaleur animale. En absorbant l'acide carbonique avec de la potasse à mesure qu'il était exhalé, et en remplaçant l'oxygène à mesure qu'il était absorbé, il parvint à faire vivre des animaux en vase clos, tantôt au milieu d'une masse d'air normalement constituée, tantôt dans une atmosphère artificiellement formée. De ces expériences comparatives il conclut que :

1. Pendant la respiration il n'y a ni exhalation ni absorption d'azote (2).

2o Dans l'oxygène pur, la respiration est la même que dans l'air atmosphérique (3).

3o La proportion d'azote peut être notablement augmentée sans que les phénomènes de la respiration soient

(1) Mém. de l'Acad. des sciences, 1789, p. 566. (2) Mém. de l'Acad. des sciences, 1789, p. 574. (3) Loc. cit., p. 573.

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