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altérés. Dans le cas précédent comme dans celui-ci, la proportion d'oxygène absorbé reste, à quelques légères différences près, la même que dans l'air atmosphérique.

4o Dans une atmosphère artificielle composée d'oxygène et d'hydrogène dans les mêmes proportions, en volume, que l'oxygène et l'azote de l'air, les animaux peuvent vivre longtemps sans souffrir. Ils ne commencent à donner des signes de malaise qu'au bout de huit à dix heures de séjour. D'ailleurs l'hydrogène n'éprouve aucune diminution, et par conséquent ne sert en rien à la respiration (1).

Il fit aussi, avec Séguin, des expériences sur la respiration de l'homme, et démontra que :

1° Conformément à ce qu'il avait constaté dans son mémoire de 1783, l'abaissement de la température extérieure détermine une plus forte consommation d'oxygène (2).

2° Pendant la digestion, la quantité d'oxygène absorbé est plus forte qu'avant le repas.

3o Le mouvement, l'exercice, le travail manuel, augmentent la quantité d'oxygène absorbé.

Comme conséquences de ces résultats, le mémoire de 1789 contient d'admirables considérations sur les rapports qui doivent exister entre l'alimentation, le climat et le genre de vie ; sur l'alimentation surabondante ou insuffisante considérée comme cause de maladie, et sur le régime à suivre dans les maladies aiguës. Ces pages, non moins remarquables par la noble simplicité (1) Loc. cit., p. 574. (2) Loc. cit., p. 575.

et l'élévation du style que par la grandeur de la pensée, semblent écrites d'hier tant elles expriment avec force et netteté les idées que la chimie, après soixante ans de luttes et de travaux, est parvenue à faire prévaloir en physiologie et en hygiène. Embrassant d'un même coup d'œil l'ensemble de l'économie animale, Lavoisier résume ainsi les faits acquis et ses prévisions physiologiques :

« La respiration n'est qu'une combustion lente de car>> bone et d'hydrogène, qui est semblable en tout à celle >> qui s'opère dans une lampe ou dans une bougie allu>>mée; et, sous ce point de vue, les animaux qui respirent » sont de véritables corps combustibles qui brûlent et se >> consument.

>> Dans la respiration, comme dans la combustion, >> c'est l'air de l'atmosphère qui fournit l'oxygène et le >> calorique; mais comme dans la respiration, c'est la >> substance même de l'animal, c'est le sang qui fournit le >> combustible, si les animaux ne réparaient pas habituel>>lement par les aliments ce qu'ils perdent par la respira» tion, l'huile manquerait bientôt à la lampe, et l'animal >> périrait comme une lampe s'éteint, lorsqu'elle manque >> de nourriture.

>> Les preuves de cette identité d'effet entre la respira>>tion et la combustion se déduisent immédiatement de >> l'expérience. En effet, l'air qui a servi à la respiration >> ne contient plus, à la sortie du poumon, la même » quantité d'oxygène; il contient, non-seulement du gaz >> acide carbonique, mais encore beaucoup plus d'eau

qu'il n'en contenait avant l'inspiration. Or, comme l'air

» vital ne peut se convertir en gaz acide carbonique que » par une addition de carbone; qu'il ne peut se conver>>> tir en eau que par une addition d'hydrogène ; que cette >> double combinaison ne peut s'opérer sans que l'air » vital perde une partie de son calorique spécifique : >>> il en résulte que l'effet de la respiration est d'extraire >>> du sang une portion de carbone et d'hydrogène, et d'y >> déposer à la place une portion de son calorique spéci>> fique qui, pendant la circulation, se distribue avec le » sang dans toutes les parties de l'économie animale, et y >> entretient cette température à peu près constante que >> l'on observe dans tous les animaux qui respirent (1).

» En rapprochant ces réflexions des résultats qui les » ont précédées, on voit que la machine animale est principalement gouvernée par trois régulateurs prin» cipaux : la respiration, qui consomme de l'hydrogène » et du carbone, et qui fournit du calorique; la transpi>> ration, qui augmente ou diminue suivant qu'il est né>> cessaire d'emporter plus ou moins de calorique; enfin, » la digestion, qui rend au sang ce qu'il perd par la res>> piration et la transpiration (2). »

Plus tard Lavoisier constata que, même chez les mammifères, le poumon n'est pas la seule surface respiratoire; il découvrit la respiration cutanée (3), et embrassa ainsi, dans leur ensemble et dans toute leur étendue, les rapports de l'être vivant avec l'atmosphère.

(1) Loc. cit., p. 570-571.

(2) Loc. cit., p. 580.

(3) Traité de chimie, t. II, p. 236 et 253.

Parvenu à ce haut degré de généralisation, Lavoisier ne conservait aucun doute ni sur la réalité de ses découvertes, ni sur la valeur et l'exactitude des conclusions que son génie avait su en faire jaillir; mais il considérait son œuvre comme provisoire sur beaucoup de points, et comme devant subir des modifications dans quelquesuns de ses détails. La combustion directe dans le poumon lui-même lui paraissait seulement plus probable que les autres manières de comprendre l'action de l'oxygène sur le sang, c'est pour cela qu'il l'avait provisoirement adoptée. Il conservait des doutes sur l'origine d'une partie de l'acide carbonique exhalé dans l'expiration; il se demandait (1) si une partie de cet acide carbonique n'est pas formée dans le tube intestinal pendant la digestion, et là absorbée et introduite dans le torrent circulatoire, avec le chyle, pour être ensuite éliminée par les poumons. « Les expériences que nous avons déjà >> entreprises, dit-il, sur la digestion et la transpiration, >> éclairciront probablement ces doutes. Elles lèveront, >> nous l'espérons du moins, les incertitudes qui nous >> restent sur cet objet. Peut-être alors serons-nous obligés >> d'apporter quelques changements à la doctrine que » nous avons présentée dans ce mémoire. Ces modifica» tions des premières idées ne coûtent rien à ceux qui ne >> cherchent la vérité que pour elle-même, et sans autre » désir que celui de la trouver. » Il reprit ce sujet dans un mémoire sur la transpiration des animaux (2).

(1) Mém. de l'Acad. des sciences, 1789, p. 583. ́ (2) Mém. de l'Acad. des sciences, 1790, p. 607.

<«<Si le gaz acide carbonique, dit-il, qui se dégage pendant >> l'expiration, était en partie un produit de la digestion, il >> faudrait attribuer à une autre cause la consommation » de l'air vital qui s'opère dans l'acte de la respiration ; >> il faudrait supposer qu'il se forme plus d'eau, soit dans » le poumon, soit pendant la circulation, ou il faudrait >> admettre qu'une partie de l'air vital étant absorbée dans » le poumon, se fixe, pendant la circulation, avec quelques » parties de notre système. Il résulte de ces réflexions que » ce problème est indéterminé et susceptible de plusieurs » solutions. Mais ce n'est pas le moment de discuter cette » question très épineuse que de nouvelles expériences >> éclairciront, et nous nous en tiendrons provisoirement à » la solution qui nous paraît la plus probable. »

Lavoisier avait donc parfaitement vu ce double courant centripète qui saisit, d'une part, les aliments digérés à la surface de la muqueuse intestinale, et, d'autre part, l'oxygène de l'air dans la cavité thoracique pour introduire le combustible et le comburant dans le torrent circulatoire; il avait bien compris que la réaction incessante de l'oxygène absorbé sur les éléments du sang produit la chaleur nécessaire pour maintenir la température des animaux; il avait nettement posé les bases du double problème de la respiration et de la calorification depuis si longtemps agité dans la science. S'il s'est trompé en adoptant le poumon comme siége de la combustion, s'il n'a pas creusé assez profondément la question de l'action exercée par l'oxygène sur les matériaux du sang, et s'il s'est trouvé ainsi invinciblement entraîné à ramener les phénomènes physico-chimiques de la res

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