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<< feront pas semblant de l'empêcher. Elle assura que le vent allait changer. Le temps était orageux, la pluie tombait par torrens; le jour finissait, du moins les Anglais le racontèrent ainsi1; et le vent ayant en effet tourné, les barques remontèrent sans être attaquées. Chacun commençait à prendre meilleure espérance aux promesses de Jeanne; tout semblait miracle dans ce qui se faisait sous sa conduite; il y avait même des gens qui voyaient, disaient-ils, croître tout à coup les eaux du fleuve pour hâter le voyage des barques'. On y chargea les munitions; la garnison prit les armes, attaqua les Anglais sur la rive droite, pour les occuper de ce côté, et l'entreprise réussit de tous points.

Mais les chefs n'avaient pas l'ordre de conduire leurs gens d'armes dans la ville; ils n'étaient venus que pour garder le convoi, et devaient retourner à Blois, où l'on rassemblait encore plus de gens. Jeanne, à qui on l'avait caché, se nontra fort courroucée. Le bâtard d'Orléans et les gens de la ville voulaient absolument qu'elle y

1 Hollinshed.

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2 Déposition du comte de Dunois. Journal du siége. Chronique de la Pucelle.

entrât, mais elle disait : « Il me ferait peine de « laisser mes gens, et je ne le dois pas faire; ils << sont tous bien confessés, et en leur compagnie « je ne craindrais pas toute la puissance des « Anglais. » Enfin elle céda aux prières des gens d'Orléans et aux promesses que lui firent les capitaines, de venir au plus tôt, en grande force, pour secourir la ville; mais elle voulut que son confesseur et les prêtres reprissent la même route avec ses gens pour les maintenir en sainte disposition, et les accompagner quand ils reviendraient à Orléans. Puis elle y entra avec la Hire et deux cents lances. Le maréchal de Boussac ne la voulut point quitter qu'elle ne fût dans la ville et en sûreté.

Elle fit son entrée, tout armée, montée sur un cheval blanc, ayant à sa gauche le bâtard d'Orléans, et suivie de tous les vaillans seigneurs de sa suite et de la garnison. Le peuple, les gens de guerre, les femmes, les enfans, se pressaient autour d'elle, tous se tenaient pour délivrés et arrivés à la fin de leurs maux et de leurs périls; ils se sentaient tout réconfortés et comme désassiégés par la vertu divine qu'on leur avait dit être en cette simple pucelle. Il semblait qu'ils vissent un ange de Dieu, ou Dieu lui-même des

cendu parmi eux '. Sa bannière sainte, son armure, son adresse à manier son cheval, tout paraissait merveilleux; chacun voulait toucher ou ses vêtemens, ou son étendard, ou son cheval. Pour elle, elle répondait doucement, en exhortant le peuple à honorer Dieu et à espérer d'être délivré par lui de la fureur des ennemis. Elle commença par aller à l'église chanter un Te Deum; puis on la logea chez un des principaux bourgeois, dont la femme était des plus vertueuses de la ville; elle refusa le souper splendide qu'on lui avait préparé, et trempa frugalement quelques tranches de pain dans de l'eau et du vin. Les Orléanais n'avaient plus un autre entretien que les paroles et les actions de Jeanne.

Parmi les Anglais, les esprits n'étaient pas moins occupés de cette fille merveilleuse. Depuis deux mois qu'elle était arrivée près du roi de France, la renommée avait répandu partout le bruit de ses promesses. Les récits allaient se grossissant de proche en proche; les étrangers qui se trouvaient en France en écrivaient dans leur

1 Journal du siége.

1 Dépositions de l'Huillier et l'Esbahi, bourgeois d'Orléans.

pays'. On disait surtout qu'elle était douée du don de prophétie, que le roi et son conseil en avaient eu des preuves. On savait que ce n'était point légèrement qu'elle avait été admise, et seulement après de grands doutes et beaucoup d'examens. L'idée que tout allait changer en France, et que Dieu, après avoir rudement châtié le royaume pour les péchés qui s'y commettaient, allait enfin le prendre en pitié, se répandait dans la chrétienté.

D'ailleurs Jeanne, dès le temps qu'elle était à Poitiers, avait dicté une lettre pour les chefs anglais, puis la leur avait envoyée de Blois. Telle était cette lettre :

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« Roi d'Angleterre, et vous, duc de Bedford, qui vous dites régent le royaume de France;

'Lettre du seigneur Rotslaer de Lyon, 22 avril 1429.

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Sibylla francica.

vous Guillaume de la Poule comte de Sulford, Jehan sire de Talbot, et vous Thomas sire de Scales, qui vous dites lieutenant dudit duc de Bedford, faites raison au roi du ciel; rendez à la Pucelle, qui est ici envoyée de par Dieu le roi du ciel, les clefs des bonnes villes que vous avez prises et violées en France. Elle est ici venue de par Dieu, pour réclamer le sang royal. Elle est toute prête de faire paix si vous lui voulez faire raison; par ainsi que vous laisserez là la France, et paierez ce que vous y avez pris. Et entre vous, archers, compagnons de guerre, gentilshommes ou autres, qui êtes devant la ville d'Orléans, allez-vous-en en votre pays, de par Dieu. Et si ainsi ne le faites, attendez nouvelles de la Pucelle, qui vous ira voir bien fièrement, à votre grand dommage. Roi d'Angleterre, si ainsi ne le faites pas, je suis chef de guerre, et en quelque lieu que j'atteindrai vos gens en France, je les en ferai aller, qu'ils le veuillent ou non. Et s'ils ne veulent obéir, je les ferai tous occire. Je suis ici envoyée de par le roi du ciel, pour vous bouter hors de toute France; et s'ils veulent obéir, je les prendrai à merci ; et n'ayez point en votre opinion que vous tiendrez le royaume de Dieu, le roi du ciel, fils de sainte Marie; ains le

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