Imágenes de páginas
PDF
EPUB

livrance; mais aujourd'hui elle ne songeait qu'à cet horrible supplice. « Hélas! disait-elle, réduire << en cendres mon corps qui est pur et n'a rien « de corrompu. J'aimerais sept fois mieux qu'on « me coupât la tête. Si, comme je le demandais, « j'eusse été gardée par les gens d'Église, et non << par mes ennemis, il ne me serait pas si cruel« lement advenu. Ah! j'en appelle à Dieu, le

α

«

grand juge, des cruautés et des injustices qu'on << me fait. >>

Lorsqu'elle vit Pierre Cauchon : « Évêque, dit-elle, je meurs par vous. » Puis à un des assesseurs : « Ah! maître Pierre, où serai-je aujourd'hui? — N'avez-vous pas bonne espérance << en Dieu? répondit-il. — Oui, reprit-elle; Dieu

aidant, j'espère bien aller en paradis. » Par une singulière contradiction avec la sentence, on lui permit de communier. Le 30 mai, sept jours après son abjuration, elle monta dans la charrette du bourreau. Son confesseur, non celui qui l'avait trahie, mais frère Martin-l'Advenu et frère Isambart, qui avaient au contraire plus d'une fois réclamé justice dans le procès, étaient près d'elle. Huit cents Anglais, armés de haches, de lances et d'épées, marchaient à l'entour.

Dans le chemin, elle priait si dévotement,

et se lamentait avec tant de douceur, qu'aucun Français ne pouvait retenir ses larmes. Quelques uns des assesseurs n'eurent pas la force de la suivre jusqu'à l'échafaud. Tout à coup un prêtre perça la foule, arriva jusqu'à la charrette et y monta. C'était maître Nicolas l'Oiseleur, son faux confesseur, qui, le cœur contrit, venait demander à Jeanne pardon de sa perfidie. Les Anglais l'entendant, et furieux de son repentir, voulaient le tuer. Le comte de Warwick eut grand'peine à le sauver.

Arrivée à la place du supplice : « Ah! Rouen! « dit-elle, Rouen ! est-ce ici que je dois mourir? » Le cardinal de Winchester et plusieurs prélats français étaient placés sur un échafaud; les juges ecclésiastiques et séculiers sur un autre. Jeanne fut amenée devant eux. On lui fit d'abord un sermon pour lui reprocher sa rechute; elle l'entendit avec patience et grand calme. « Jeanne, « va en paix; l'Église ne peut plus te défendre, « et te livre aux mains séculières. » Tels furent les derniers mots du prédicateur.

Alors elle se mit à genoux, et se recommanda à Dieu, à la sainte Vierge et aux saints, surtout à saint Michel, sainte Catherine et sainte Marguerite; elle laissait voir tant de ferveur, que

chacun pleurait, même le cardinal de Winchester et plusieurs Anglais.

L'évêque de Beauvais donna lecture de la sentence qui la déclarait relapse et l'abandonnait au bras séculier. Ainsi repoussée par l'Église, elle demanda la croix. Un Anglais en fit une de deux bâtons, et la lui donna. Elle la prit dévotement et la baisa; mais elle désira avoir celle de la paroisse ; on alla la quérir, et elle la serrait étroitement contre son cœur en continuant ses prières.

Cependant les gens de guerre des Anglais, et même quelques capitaines, commencèrent à se lasser de tant de délai.« Allons donc, prêtre, << voulez-vous nous faire dîner ici? disaient les « uns. Donnez-la-nous, disaient les autres, et « ce sera bientôt fini. -Fais ton office, » disaientils au bourreau.

Sans autre commandement, et avant la sentence du juge séculier, le bourreau la saisit. Elle embrassa la croix, et marcha vers le bûcher. Des hommes d'armes anglais l'y entraînaient avec fureur. Jean de Mailly, évêque de Noyon et quelques autres du clergé de France, ne pouvant endurer un si lamentable spectacle, descendirent de leur échafaud, et se retirèrent.

Le bûcher était dressé sur un massif de plâtre.

OF

[graphic][merged small]
« AnteriorContinuar »