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des Anglais qu'auparavant'; mais il ne fallait pas se risquer à le dire tout haut.

Tout était en un tel désordre dans ce gouvernement des Anglais qu'ils ne payaient pas même les gages du Parlement. Quelque rempli qu'il fût de leurs partisans, il fit des remontrances sévères à ce sujet, et suspendit ses audiences. Si bien qu'au moment de l'entrée du jeune roi, le Parlement ne siégeait plus. Aussi le greffier écrivit-il sur son registre, le jour de cette cérémonie, qu'il n'en inscrirait point le récit, à cause de l'éclipse de la justice et du manque de parchemin. Les Anglais ne donnaient pas même de quoi subvenir aux moindres dépenses de la première cour du

royaume.

Néanmoins l'Université obtint une complète exemption de toutes sortes de tailles, aides et subsides. La ville reçut aussi la confirmation et l'accroissement de ses priviléges. Le préambule de l'ordonnance célébrait pompeusement la renommée et la noblesse de cette antique cité sanctifiée par les reliques des martyrs, décorée par les lumières de l'Université, ornée de la justice du Parlement, enrichie par le commerce des mar

Journal de Paris. Registres du Parlement.

chands de toute nation et la résidence des rois. Le roi d'Angleterre se louait aussi de la loyauté et de l'obéissance que les habitans lui avaient gardées, malgré tant de maux et de dommages, et il déclarait qu'il voulait traiter et honorer sa bonne ville de Paris, comme le roi Alexandre traita la noble ville de Corinthe, dont il fit son principal séjour, ou comme les empereurs traitèrent leur ville de Rome; pour ces causes il donna ou confirma aux bourgeois de Paris les priviléges suivans':

Ils conservaient leurs hypothèques sur les biens confisqués de leurs créanciers. Si, pour tout autre motif que le crime de lèse-majesté, ils subissaient confiscation, celui des deux époux survivant gardait la moitié des meubles, créances et biens acquis. Ils pouvaient saisir les biens de leurs débiteurs forains, et même leur personne, lorsque ceux-ci étaient d'une ville ayant semblable privilége. Ils pouvaient acquérir et posséder des fiefs et francs-alleux, être réputés nobles et jouir des priviléges de la noblesse, avoir la garde-noble et tutelle de leurs enfans et neveux, mais non point des collatéraux. Les denrées et marchandises

Ordonnances.

amenées à Paris étaient exemptes de toute saisie, et pour nul motif ne devaient être arrêtées dans leur cours. Le même privilége s'étendait spécialement au bétail destiné à la provision de Paris. Les juridictions du prevôt de la ville et du prevôt des marchands étaient confirmées, surtout en ce qui concernait les dettes contractées par signature envers des bourgeois, à qui le droit était accordé de citer à Paris même leurs débiteurs quelconques.

De telles ordonnances ne touchaient en rien le commun peuple, et n'allégeaient point ses souffrances; la ville n'en demeurait pas moins dans la détresse. Ce qui le témoigna bien, c'est qu'il fallut, peu de jours après, rendre une autre ordonnance, qui réglait la façon de mettre en vente les maisons inhabitées, afin qu'elles ne vinssent pas aux mains des gens qui voulaient seulement les démolir, pour vendre les bois et les châssis des fenêtres. On statua que les acquéreurs justifieraient sous caution du moyen qu'ils avaient pour payer la rente des maisons qu'ils achetaient. En effet, l'aliénation des maisons et terrains se faisait d'ordinaire en cens ou rentes, non point en capital.

Le roi d'Angleterre ne demeura qu'un mois à

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Paris; il retourna à Rouen, et quelques mois après en Angleterre. Quant au duc Philippe, il convenait si peu à ses desseins de se mêler des affaires de France, que, se rendant en Bourgogne, il ne passa seulement point à Paris. En arrivant à Dijon, et peu de temps après qu'il fut descendu en son palais, son premier soin fut d'aller rendre visite à son prisonnier, le duc René, qui depuis six mois était sévèrement gardé, dans la crainte des entreprises qu'on pouvait faire pour le délivrer. Il traita courtoisement ce noble captif, et s'entretint long-temps avec lui pour adoucir les loisirs de sa prison. Le bon duc René, qui s'entendait mieux qu'aucun prince de son temps aux lettres et aux arts, avait peint sur verre les portraits du feu duc Jean, et de Philippe lui-même. Il les lui offrit, et ils furent placés dans les vitraux de la chapelle des Chartreux.

Dès que madame Isabelle de Lorraine avait vu son mari prisonnier, elle n'avait épargné aucune démarche pour le délivrer. Elle s'était d'abord adressée à l'empereur Sigismond, qui avait évoqué la cause de l'héritage de Lorraine; mais le duc de Bourgogne n'avait pas voulu reconnaitre l'au

1431, v. s. L'année commença le 20 avril.

torité des citations impériales, et l'affaire s'était plutôt gâtée par cette tentative. Alors la duchesse de Bar avait dirigé tous ses soins à se rendre le duc de Bourgogne favorable. Elle avait eu recours au duc de Savoie. Pour se donner un puissant protecteur, elle avait même conclu un traité d'alliance avec un des principaux seigneurs de Bourgogne, le sire Jean de Vergi, en lui promettant cinq cents francs de rente annuelle, et cinq cents francs par mois chaque fois qu'il ferait la guerre pour le duc de Bar'. Le sire de Vergi avait réservé ses devoirs envers le roi d'Angleterre, le régent et son seigneur le duc de Bourgogne; c'était même sous l'approbation de son conseil qu'il traitait.

Toute la noblesse de Bar et de Lorraine n'était pas moins empressée que la duchesse à obtenir la liberté du duc René. Nul prince n'était plus aimé que lui. Le traité de délivrance fut conclu le 6 avril; il ne touchait en rien au différent touchant l'héritage de Lorraine; c'était seulement un serment du duc René de venir se remettre au 1er mai de l'année suivante à la disposition du duc de Bourgogne; il donnait en même temps ses

'Histoire de Bourgogne et Preuves.

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