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fois elle disait aussi qu'elle avait embrassé leurs genoux.

Depuis, elle les voyait souvent, et elles lui semblaient parfois très-petites, parfois de grandeur naturelle; mais elle les entendait plus souvent encore, surtout lorsque les cloches sonnaient. Dans ses récits elle disait toujours : « Ma voix « m'a ordonné; mes voix m'ont fait savoir. » Saint Michel lui apparaissait moins souvent. Pourtant elle assurait que toujours elle avait trois conseillers : l'un était avec elle; l'autre allait et venait; le troisième délibérait avec ceux-là. Quelquefois on pouvait croire qu'elle parlait de la sainte Trinité, car elle appelait son conseil « Mes<< sire, le conseil des messires; » et quand on lui demandait qui était Messire, elle disait que c'était Dieu '.

I

Du reste, ces visions n'avaient rien de terrible pour Jeanne; elle les désirait plutôt que de les craindre. Dès qu'elle entendait les voix qu'elle avait appris à connaitre, elle se mettait à genoux, et se prosternait pour montrer son respect et son obéissance. La présence des saintes l'attendrissait

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jusqu'aux larmes, et, après leur départ, elle pleurait, regrettant que ses frères de paradis ne l'eussent pas emportée avec eux.

Plus Jeanne avançait dans la jeunesse et devenait grande fille, plus elle entendait souvent les voix, plus elle avait de visions. Toujours il lui était commandé d'aller en France. Elle était si tourmentée, qu'elle ne pouvait plus durer où elle était.

La prophétie de Merlin était aussi connue dans ces contrées, et l'on ajoutait même que c'était une vierge des marches de la Lorraine qui devait rétablir la France. Jeanne apprit, par les voix qu'elle entendait, que c'était elle, et dès lors elle résolut d'aller trouver le Dauphin. La colère de son père, qui eût mieux aimé la voir noyée que s'en aller avec les gens d'armes, ne pouvait lui faire changer son dessein, car les voix la commandaient. Elle alla donc, avec un de ses oncles, trouver le sire de Baudricourt à Vaucouleurs; il la croyait folle, et refusa d'abord de la voir, disant qu'il fallait la ramener à son père pour qu'elle fût bien souffletée. Quand il consentit à la recevoir, elle le reconnut, parmi quelques autres, par l'avertissement des voix, du moins comme elle le raconta. Elle dit qu'elle venait de la part

de son seigneur, à qui appartenait le royaume de France, et non pas au Dauphin; mais que ce seigneur voulait bien donner le royaume en garde au Dauphin, et qu'elle le mènerait sacrer. << Qui « est ce seigneur? demanda le sire de Baudri« court. Le roi du ciel, répondit-elle. Il ne changea point de jugement sur elle, et la renvoya '.

D

Cependant elle s'était établie chez un charron à Vaucouleurs, et sa piété faisait l'admiration de toute la ville; elle passait les journées à l'église en ferventes prières; elle se confessait sans cesse; elle communiait fréquemment; elle jeûnait avec austérité, et toujours elle continuait à dire qu'il lui fallait aller vers le noble Dauphin pour le faire sacrer à Rheims. Peu à peu tant d'assurance et de sainteté commençait à persuader les gens de la ville et des environs. Le sire de Baudricourt, ébranlé par tout ce qu'il entendait dire, s'en vint voir Jeanne avec le curé; et là, enfermés avec elle, le prêtre, tenant sa sainte étole, l'adjura, si elle était mauvaise, de s'éloigner d'eux. Elle se traîna sur les genoux pour venir adorer la croix; rien en elle ne témoigna ni crainte ni embarras.

Déposition de Bertrand de Poulengi, témoin oculaire.

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Peu après, un gentilhomme des environs, nommé Jean de Novelompont, la rencontra': << Ah! que faites-vous ici, ma mie? lui dit-il; ne «faut-il pas se résoudre à voir le roi chassé et « à devenir Anglais? Ah! dit-elle, le sire « de Baudricourt n'a cure de moi ni de mes pa« roles; cependant il faut que je sois devers le << roi avant la mi-carême, dussé-je user mes jam«bes jusqu'aux genoux pour m'y rendre en per<< sonne; car personne au monde, ni roi, ni ducs, << ni fille du roi d'Écosse, ni aucun autre ne peut « relever le royaume de France. Il n'y a de se« cours pour lui qu'en moi. Si pourtant j'aimerais « mieux rester à filer près de ma pauvre mère, << car ce n'est pas là mon ouvrage; mais il faut que << j'aille et que je le fasse, puisque mon seigneur « le veut. Qui est votre seigneur? reprit le << gentilhomme. - C'est Dieu, répliqua-t-elle. Le sire de Novelompont se sentit persuadé; il lui jura aussitôt, par sa foi, la main dans la sienne, de la mener au roi, sous la conduite de Dieu.

Un autre gentilhomme des amis du sire de Baudricourt, nommé Bertrand de Poulengi, se

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