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N.. 61. 26 MESSIDOR.

DISCOURS

Sur le 14 juillet.

» Ah! first glories of the revolution! ah! su» blime federation of an assembled nation, >> which exulted in its new-born freedom! » MISS WILLIAMS. Letters from France.

tom. 2. - pag. 88.

C'ÉTAIT hier l'anniversaire de la prise de

la Bastille et de la fédération de 1790: journées immortelles! alors les Français étaient vraiment libres; qu'ils sont loin de l'être aujourd'hui !

Je l'ai dit dès long-temps; veut-on extirper les dernières racines du royalisme? il faut commencer par faire aimer la république ; or, on n'aime bien que ce qui est vraiment aimable, et il faut avouer franchement que jusqu'ici la république et ses lois l'ont été peu.

fort

Combien il est douloureux pour celui qui fit tous les sacrifices, afin de donner à son pays la liberté et le bonheur, et qui perdit dix des plus belles années de sa vie à méditer en vain sur les moyens qui pouvaient tendre à ce but; combien il lui est douloureux de penser, que maintenant l'Etat est beaucoup moins avancé vers sa régénération

qu'il ne l'était au mois de juillet 1789! Telle est néanmoins l'exacte vérité, et peut-être serait-il plus nécessaire de faire une nouvelle révolution pour améliorer l'ordre de choses actuelles, qu'il pût l'être d'en faire une pour détruire les antiques abus.

Affligé d'une pareille idée, ayant autour de moi ou des scélérats qui voudraient redresser les échafauds de la terreur, ou des fous qui soupirent après tous les abus de l'ancienne cour, j'ai voulu, rétrogradant vers les premiers jours de la révolution, me consoler avec le passé et y ressaisir de beaux souvenirs.

Je montai donc hier à la tribune, après que le président eut achevé son discours d'étiquette :

« Citoyens, dis-je, je demande aussi à célébrer le 14 juillet. »

Le Conseil ayant été consulté décida que, dans ces sortes de cérémonies extraordinaires, le président seul devait être entendu.

D'après cette décision, attachant quelque prix à la publicité d'un éloge du 14 juillet, fait par celui qui, tant de fois, fut patenté du titre banal de chouan, j'ai fait imprimer, ainsi qu'il suit, le discours que j'avais dessein de prononcer.

CITOYENS,

« J'ai pensé qu'il pouvoit convenir, à l'un de ceux de vos collègues qui ont été membres

de l'Assemblée constituante, de joindre sa voix à celle de votre président pour célébrer l'anniversaire du 14 juillet.

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Quels souvenirs impérissables le 14 juillet rappelle ! comme ils vivent dans la mémoire de ceux qui osèrent jeter les premiers fondemens de notre régénération sociale, en face d'une cour encore toute puissante et au milieu des préparatifs menaçans qu'elle accumulait pour écraser la liberté dès son berceau. »

« Ils aiment sur-tout à se retracer cette séance majestueuse et décisive, qui dura trois jours et trois nuits; où ils se trouvaient isolés et sans appui, au milieu des préparatifs menaçans du despotisme; où on les accablait d'outrages et de mépris; où chaque quart-d'heure apportait une nouvelle désastreuse; où à peine, parmi tant de bruits effrayans, pouvait-on entrevoir une lueur d'espérance.

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« Nous n'attendions plus que des fers ou la mort, lorsqu'une voix amie, pénétrant dans notre enceinte, s'écria tout-à-coup la Bastille est prise.... Quel moment ! quelles émotions subites! ah ! la réminiscence qui en reste vit en traits de flamme dans l'âme de ceux qui les éprouvèrent; mais. il n'est point de plume pour les peindre, »

« Cet événement, loin de diminuer nos dangers personnels, les accroissait encore; des hordes de soldats étrangers nous environnaient de toutes parts; un seul mot leur eût suffi pour nous exterminer tous; par

eux nos corps étaient sous l'entière dépen dance de la cour; mais nos âmes étaient parvenues à un tel degré d'élévation, qu'elles se trouvaient hors de l'atteinte de tout ce qui nous entourait. »

« O céleste liberté ! qu'elles sont généreuses et puissantes les émotions que tu inspires aux cœurs qui sont vraiment dignes de toi! tu nous pénétrais alors de toute ton influence; aussi était-il au-dedans de nous je ne sais quel sentiment sublime, qui nous portait à faire l'abnégation absolue de nous mêmes et à sortir tout-à-fait du présent pour nous élancer dans l'avenir. »

« La Bastille etait prise: que nous importaient les risques personnels que nous pouvions avoir à courir ! Le peuple avait prouvé qu'il saurait devenir libre ; c'était à nous qu'il devait cette énergie nouvelle.... Notre mission était remplie. »

:

que

<< Il est encore une époque solennelle ce jour rappelle le quatorze juillet sera doublement fameux dans les fastes de la révolution, et par la chute des tours impies de la Bastille que des mains généreuses et déjà libres renversèrent en 1789, et par le sublime anniversaire qui en fut célébré l'année suivante. »

Qui de nous ne se souvient avec attendrissement de cette époque si belle, où le peuple français, se levant en masse d'une impulsion spontanée, porta son premier encens sur les autels de la liberté ! »

« Il faut avoir été au Champ de Mars

pour se faire une juste idéee de ce qui se passa à cette fédération générale, où des milliers de Français, expressément délégués par la nation entière, vinrent jurer en son nom qu'elle voulait être et demeurer libre. >> « Les expressions sont trop faibles pour décrire convenablement cette fête à jamais mémorable, dont le cœur fit tous les frais et qui fut embellie par je ne sais quel abandon d'alégresse et d'enivrement patriotique qui ne s'éprouve bien qu'une fois ; il en a été de cette attrayante sensation comme des premières jouissances de tous les genres de plaisir; celles qu'on goûte ensuite ne les valent jamais. »

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Quel élan superbe! quelle union affectueuse entre tous les citoyens ! quelle touchante harmonie de toutes les volontés ! s'il y avait quelques voix discordantes elles se perdaient dans l'ensemble des acclamations générales: ah! s'il était possible de vivre des siècles, le dernier jour de mon existence ne s'écoulerait pas encore, sans que j'eusse pensé avec émotion à cette auguste cérémonie. »

« C'est alors que la liberté brillait de tout l'éclat de sa pureté originelle : vierge encore, si je puis m'exprimer ainsi, exempte d'excès, de crimes et de réactions, elle enchantait toutes les âmes susceptibles d'élévation et de quelque énergie; alors on ne disait pas sans cesse, il faut vivre libre ou mourir; mais on était bien décidé à plutôt mourir que de ne pas rester libre. »

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