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aussi est bien prouvé par le procès de son absolution, que le procès de sa condempnation estoit falcifié en plusieurs lieux.

Ensuit la teneur des lettres envoyées par le roy d'Angleterre pour ordonner à ceux qui gardoient Jehanne, dicte la Pucelle, de la remettre à l'évesque de Beauvais, toutes les fois qu'il la requerroit 1.

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HENRY, par la grace de Dieu, roy de France et d'Angleterre, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut.

>> Il est assez notoire et congnu, comme depuis aucun temps en çà, une femme qui se faict appeler Jehanne la Pucelle, laissant l'habit et vesture de sexe féminin, s'est contre la loy divine, comme chose abominable à Dieu, répugnée et deffendue de toute lɔi, vestue, habillée et armée en estat et habit d'homme, a faits et exercé cruel faict et homicides, et comme l'on dit, a donné à entendre au simple peuple, pour le séduire et abuser, qu'elle estoit envoyée de par Dieu, et avoit connoissance de ses secrets divins, ensemble plusieurs autres dogmatisations très périculeuses, et à nostre foy catholique

1. M. de l'Averdy s'étonne de ce que le roi d'Angleterre n'a adressé à aucun tribunal l'ordre qu'il donna à ceux qui gardaient la Pucelle, de la remettre à l'évesque de Beauvois toutes les fois qu'il la requerrait ; mais ce qui me surprend, c'est que cet ordre se bornant à une simple permission, le roi l'ait fait expédier en forme de lettres-patentes adressée: A tous ceux qui ces présentes lettres verraient. DUBOIS.

très préjudiciables et scandaleuses. En poursuivant par elle lesquelles abusions, et exerçant l'hostilité à l'encontre de nous et nostre peuple, a esté prinse armée devant Compiègne par aucuns de nos loyaux subjets, et depuis emmenée prisonnière par devers nous. Et pour ce que de superstitions, fausses dogmatisations et autres crimes de lèze-majesté divine, comme l'on dit, a esté de plusieurs réputée suspecte, notée et diffamée, avons esté requis très instamment par révérend père en Dieu, nostre amé et féal conseiller l'évesque de Beauvais, juge ecclésiastique et ordinaire de ladicte Jehanne, pour ce qu'elle a esté prinse et appréhendée és termes et limites de son diocèse, et pareillement exhortés de par nostre très chière et très amée fille l'université de Paris, que icelle Jehanne voulions faire rendre et bailler et deslivrer audit révérend père en Dieu, pour la interrogier et examiner sur lesdits cas, et procéder outre contre elle, selon les ordonnances et dispositions des droits divins canoniques, et appeler ceux qui y seront à appeler. Pour ce est-il que nous qui, pour révérence et honneur du nom de Dieu, deffence et exaltation de saincte église et foy catholique, voulons dévotement obtempérer, comme vrais et humbles enfants de saincte église, aux requestes et instances dudit révérend père en Dieu, et exhortations des docteurs et maistres de nostredite fille l'Université de Paris, ordonnons et consentons que, toutes et quantes fois que bon semblera audit révérend père en Dieu,

icelle Jehanne lui soit baillée et deslivrée réaulment et de faict, par nos gens et officiers qui l'ont en garde, pour icelle interrogier et examiner, et faire son procès selon Dieu, raison et les droits divins et saincts canons, par ledict révérend père en Dieu. Sy donnons en mandement à nosdits gens et officiers qui icelle Jeanne ont en garde, que audict révérend père en Dieu la baillent et deslivrent réaulment et de faict, sans refus ou contredict aucuns, toutes et quantes fois que par lui en seront requis. Mandons outre à tous nos justiciers et officiers et subjets, tant François comme Anglois, que audict révérend père en Dieu, et à tous autres qui sont ou seront ordonnés pour assister, vacquer et entendre audit procès, ne donnent de faict ne autrement aucun empeschement ou destourbier; mais, se requis en sont par ledict révérend père en Dieu, leur donnent garde, ayde et deffence, protection et confort, sur peine de griefve pugnition. Toutefois, c'est nostre intention de ravoir et reprendre par-devers nous icelle Jehanne, s'ainsy estoit qu'elle ne fust convaincue ou actaincte des cas dessusdits ou d'aucuns d'iceux, ou d'autres touchants et regardants de nostre dicte foy. En tesmoing de ce, nous avons faict mectre nostre scel ordinaire, en l'absence du grand, à ces présentes données à Rouen, le tiers jour de janvier, l'an de grâce mil quatre cent trente, et de nostre règne le neufviesme. Sic-signata par le roy, et à la relation de son grand conseil. >>

« J. DE RIVES. >>

PROCÈS

DE LA PUCELLE.

Cy commence la déduction du procès faict par monseigneur Pierre Cauchon, évesque et comte de Beauvais, en matière de la foy, contre une femme nommée Jehanne, vulgairement appelée la Pucelle, translatée de latin en françois, par le commandement du roy Louys, douziesme de ce nom, et à la prière de monseigneur l'admiral de France, seigneur de Graville.

Er premièrement, ledit évesque estant en la ville de Rouen, l'an mil quatre cent trente, après l'Epiphanie, qui fust le douziesme jour du mois de janvier, fist appeler devant lui révérends pères et maistres messeigneurs : Gille, abbé de Fescamp, docteur en théologie; Nicolle, abbé de Jumièges, docteur en décret; Pierre, prieur de Longueville; Guiffort, docteur en théologie; Nicolle des Vendères, archidiacre en l'église de Rouen, licencié en décret; Raoul Roussel, trésorier de l'église Nostre-Dame de Rouen, docteur en chascun droit; Robert Barbier, licencié en chascun droit ; Nicolle Couppe-guême, bachelier en théologie; Nicolle Loyseleur, maistre ès arts, chanoine de Rouen; tous lesquels se comparurent au mandement dudit évesque en la chambre du conseil près le chasteau de Rouen. Lequel évesque leur exposa comment une femme nommée Jehanne, vulgaire

ment appelée la Pucelle, avoit naguères esté prinse et appréhendée en son diocèse; laquelle, tant à la requeste de ce faicte par le très chrestien et très illustre prince le roy de France et d'Angleterre, de nostre mère l'Université de Paris, à la sommation de lui et de vénérable homme frère Martin Billon, vicaire-général de l'inquisiteur de la foy en France, pource que ladite femme estoit véhémentement suspectée de crime d'hérésie, lui avoit esté baillée et délivrée pour enquérir et informer sur les cas crimes et maléfices dont elle avoit esté accusée; et que lui désirant, à l'honneur et louange de Dieu et l'exaltation de la saincte foi catholique, procéder juridiquement en ceste matière, selon la disposition de droict, pour ce que le siége archiepiscopal de la saincte foy catholique estoit alors vaccant, avoit obtenu de messeigneurs du chappitre permission et congié de pouvoir procéder, au territoire de Rouen, aux inquisitions et informations qu'il estoit besoing faire sur lesdits crimes, ainsi qu'il estoit contenu es lettres sur ce faictes, lesquelles il exiba avecques le double des lettres que ceux de ladite Université de Paris avoient escriptes à monseigneur Jehan de Luxembourg, qui tenoit ladite Pucelle prisonnière; ensemble la cédulle de la sommation qui lui avoit esté faicte, desquelles les coppies sont escriptes ci-devant 1.

1.Il paraît que dans la minute française, l'acte dug janvier.

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