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naturel, elle arrache elle-même le trait : le sang coule en abondance; on l'arrête, on bouche la plaie; la Pucelle demande à se confesser; la foule s'écarte et la laisse seule avec son aumônier. Dès qu'on ne la vit plus à la tête de l'armée, le découragement se mit parmi les soldats et les capitaines; l'attaque durait depuis dix heures du matin, et la nuit s'approchait. Dunois fit sonner la retraite, et les troupes abandonnèrent le pied du boulevard. Quand Jeanne d'Arc l'apprit, elle en fut vivement affligée; et malgré ses souffrances, elle alla trouver les commandants, et leur dit : « Eh mon >> Dieu ! vous entrerez bien brief dedans, n'ayez doubte; quand vous verrez flotter mon étendard vers la bas» tille, reprenez vos armes elle sera vôtre. Pour quoi, >> reposez-vous ung peu, buvez et mangez. Ce qu'ils fi» rent, car à merveille ils lui obéissaient. » ( Journal du siége d'Orléans, p.87.) Bientôt elle demanda son cheval, s'élança légèrement dessus, comme si elle eût perdu le sentiment de ses fatigues et de ses maux, se retira seule à l'écart dans une vigne, y resta un quart-d'heure en prière, et reparut au milieu des troupes. Arrivée près du boulevard, elle saisit son étendard, et s'avance au bord du fossé. A cette vue, les Anglais frémissent et sont frappés d'épouvante; les Français, au contraire, reviennent à l'assaut, et escaladent de nouveau le boulevard. Les habitants d'Orléans, voyant ce qui se passe, dirigent sur la bastille leurs canons et leurs arbalêtes, et envoient de nouveaux combattants pour prendre part à la gloire de leurs compagnons d'armes. Les Anglais se défendent avec acharnement; mais la Pucelle

crie à ses troupes : « Tout est vôtre, entrez. » En un instant le boulevard est emporté, les Anglais se réfugient en hâte dans le fort; mais le plus grand nombre périt par la chute du pont-levis, qui s'abîme dans la Loire. Les Français réparent le pont, traversent le fleuve, et aussitôt le fort est en leur pouvoir. La Pucelle, ainsi qu'elle l'avait prédit le matin, avant de partir pour le combat, ramena ses troupes dans Orléans par ce même pont-levis, qui naguère était occupé par les ennemis. Sa rentrée fut un triomphe : toutes les cloches de la ville en mouvement, proclamèrent au loin dans les airs la victoire que les armes du roi venaient de remporter; le peuple se pressait autour de l'héroïne; des cris de joie, accompagnés de marques de vénération et d'amour, éclataient partout sur son passage. Jeanne, après la victoire, s'occupa de faire rendre les derniers devoirs à ceux qui avaient péri. Elle fit retirer de la Loire, et remettre aux Anglais le corps de Glacidas: ce chef avait surpassé tous ceux de sa nation, dans les injures dont il avait accablé la Pucelle. Le lendemain du jour de cette action mémorable, les généraux anglais, après avoir délibéré toute la nuit, résolurent de lever le siége; et avant que le jour parût, ils firent sortir les troupes de leurs tentes et des forts qui leur restaient sur la rive droite de la Loire; ils se rangèrent en bataille et se disposèrent à la retraite. Les Français, quoiqu'inférieurs en nombre, voulaient les poursuivre; mais Jeanne modéra leur emportement, et, toujours avare de l'effusion du sang, elle leur dit: « Laissez aller les Anglais, et ne les tuez pas; il

» me suffit de leur départ. » Il y avait sept mois que le comte de Salisbury était venu, le 12 octobre 1428, mettre le siége devant Orléans, et tous les efforts des plus valeureux chevaliers français, pendant un si long temps, n'avaient pu triompher du courage des assiégeants, ni lasser leur constance. Huit jours s'étaient écoulés depuis l'arrivée de Jeanne d'Arc dans la ville; trois seulement avaient été employés à combattre, et le 8 mai 1429, l'armée ennemie, naguère si superbe et si menaçante, s'éloignait avec précipitation des remparts de la ville, qu'une procession solennelle parcourait en faisant retentir les airs d'hymnes sacrées, et de cantiques d'action de grâce. L'usage de cette cérémonie religieuse et touchante s'est renouvelé depuis tous les ans, à pareil jour, en commémoration de ce grand évenement, et il n'a été interrompu que pendant quelques années de trouble et d'anarchie. Jeanne d'Arc, quoique souffrante encore de ses blessures, se rendit à Loches, pour annoncer au roi l'heureuse délivrance d'Orléans. Cette nouvelle fut connue le surlendemain dans Paris, où elle répandit la terreur et le découragement parmi les Anglais et le parti Bourguignon. Jeanne voulait que l'on marchât droit sur Reims, pour y faire sacrer le roi; mais l'exécution d'un projet ausssi hardi épouvantait Charles et son conseil; il fallait, avec une armée peu nombreuse, sans vivres, sans espoir de s'en procurer que les armes à la main, traverser près de quatre-vingts lieues d'un pays occupé par des ennemis; enfin il était nécessaire de s'emparer de plusieurs villes considérables qui se trouvaient sur

la route, et dont une seule pouvait arrêter la marche du roi. Le moindre échec, dans une situation aussi périlleuse, le perdait à jamais; il paraissait plus prudent de commencer par la conquête de la Normandie; et le duc d'Alençon, qui était personnellement intéressé à ce que l'on prît ce parti, l'appuyait de tout son pouvoir. Cependant, les instances persuasives de Jeanne triomphèrent de toutes les craintes et de tous les intérêts, et il fut décidé qu'on marcherait incessamment vers la Champagne, et qu'avant le départ on reprendrait les villes conquises par les Anglais, aux environs d'Orléans. On mit d'abord le siége devant Jargeau, dé. fendu par le brave Suffolk, qui était résolu de s'ensevelir sous les ruines de la ville. La Pucelle dispose l'artillerie avec tant de justesse, qu'en peu de jours les remparts sont endommagés, et que l'assaut est décidé. En approchant du rempart, la Pucelle crie au duc d'Alençon : « En avant, gentil duc. » Elle combattit toute cette journée sous les yeux de ce prince; il assura depuis qu'au plus fort de l'action, elle lui disait::

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N'ayez doute; ne savez vous pas que j'ai promis à vo»tre épouse de vous ramener sain et sauf? » Apercevant un endroit où les assiégés opposaient une résistance opiniâtre, elle descend dans le fossé, et monte à l'échelle, son étendard à la main. Un Anglais saisit alors une pierre d'une poids énorme, et la lance sur elle avec rage; elle en est frappée, et tombe agenouillée au pied du rempart : sur les murs, un cri de triomphe, au pied des murs, des cris d'épouvante, proclament au même instant la chute de l'héroïne; mais, se relevant

soudain, plus fière et plus terrible : « Amis! amis! s'é» crie-t-elle, ayez bon courage, Notre-Seigneur a con» damné les Anglais; à cette heure ils sont tous nôtres.» Les Français, ranimés par ces paroles, gagnent la brèche, précipitent les ennemis dans la ville, les poursuivent de rue en rue, en massacrent onze cents, et forcent Suffolk, Guillaume Pole, et autres capitaines anglais à se rendre prisonniers. La prise de Meung, celle du pont et du château de Baugenci, quoique défendus par le brave Talbot, suivirent de près celle de Jargeau. Cependant le duc de Bedfort envoya un secours de six mille hommes à Talbot, qui se retirait vers la gauche, par le chemin de Janville; et l'armée anglaise, fortifiée par toutes les garnisons des places qu'elle avait abandonnées, était encore supérieure en nombre à l'armée française, quoique le connétable de Richemont fût venu joindre cette dernière. L'avant-garde de l'armée française près de Patay, n'était qu'à une demi-lieue de l'ennemi. Le duc d'Alençon, Dunois et le maréchal de Rieux, qui commandaient en chef, hésitaient à livrer bataille; l'idée de combattre les Anglais en rase campagne effrayait des esprits encore pleins des souvenirs d'Azincourt, de Crevant, de Verneuil et de RouvraySaint-Denis. La Pucelle est consultée : elle promet la victoire; les Français alors se précipitent avant le jour sur l'armée anglaise; une partie, conduite par Fastolf, le vainqueur de Rouvray, prend la fuite, le reste est mis en déroute; deux mille cinq cents Anglais sont tués sur le champ de bataille, douze cents sont faits prisonniers, et dans ce nombre se trouvait Talbot, le général en chef.

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