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sept ans les Anglais abandonneraient un plus grand gage qu'ils n'avaient fait devant Orléans, et qu'ils perdraient tout en France. Il est assez remarquable que Paris fut repris par les Français le 13 avril 1446, c'està-dire six ans après que l'on ent consigné cette prédiction dans le procès de Jeanne, dont nous possédons la grosse authentique. Jeanne répéta encore depuis cette prédiction en d'autres termes, dans les interrogatoires suivants, particulièrement lorsqu'on lui demanda si Dieu haïssait les Anglais. « De l'amour ou hayne que » Dieu a aux Angloys, ou que Dieu leur faictà leurs âmes, >> ne sçay rien; mais je sçay bien que ils seront boutés hors >> de France, exceptez ceux qui y mourront; et que Dieu » envoyera victoire aux François, et contre les Angloys.» On lui demanda si elle ne disait pas aux guerriers qui portaient des étendards semblables au sien, qu'ils seraient heureux à la guerre. « Non, répondit-elle, je » disois : Entrez hardiment parmi les Anglois, et j'y en>> trois moi-même. » Interrogée sur ce que lui avaient dit ses saintes sur l'issue de son procès, elle répondit : <<< Mes voix me dient que je serai délivrée par grante victoire; et après me dient mes voix : pren tout en gré ; >> ne chaille (soucie) de ton martyre: tu t'en venras » ( viendras) enfin au royaume du paradis ; et ce me » dient mes voix, c'est à savoir sans faillir; et appelle ce » (cela) martyre pour la peine et adversité que souffre en » la prison: et ne sçay si plus grant souffrirai, mais m'en >> acte (rapporte) à Nostre-Seigneur. » On lui demanda quelle était la distinction entre l'Église triomphante et l'Église militante. Isambart, un des juges assesseurs,

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touché de compassion, après lui avoir expliqué cette question, lui conseilla de s'en rapporter au jugement du pape et du concile de Bâle sur le fait de ses apparitions; ce qu'elle fit à l'instant même. Cet appel allait l'arracher à la fureur de ses ennemis; aussi, l'évêque de Beauvais dit à Isambart d'une voix menaçante : << Taisez-vous, de par le Diable, » et il défendit au greffier de faire mention de cet appel, que le procès en révision a fait connaître. Cependant les interrogatoires se multipliaient, et le procès n'avançait pas. Les réponses de l'accusée, ces visites auxquelles on l'avait soumise, les informations prises dans le pays de sa naissance, les dépositions des témoins, tout tendait à sa décharge. Pour la perdre, l'évêque de Beauvais eut recours à une ruse odieuse. Jeanne avait plusieurs fois demandé les secours de la religion : on introduisit dans sa prison un prêtre hypocrite, nommé Loyseleur, qui feignit d'être, ainsi qu'elle, retenu dans les fers. Elle ne fit pas difficulté de se confesser à lui. Il gagna sa confiance il lui donna des conseils pour la faire tomber dans le piége; et quand il recevait sa confession, deux hommes, cachés derrière une fenêtre couverte d'une simple serge, écrivaient ce qu'elle disait. Ces lâches artifices ne purent encore fournir la preuve des crimes dont on la chargeait. Plusieurs des assesseurs, indignés des iniquités qu'on employait envers elle, se retirèrent et cessèrent d'assister aux séances. L'évêque de Beauvais ne savait plus qu'imaginer. Ce fut alors qu'elle tomba malade, et qu'on la soupçonna d'avoir voulu s'empoisonner: mais le projet

du duc de Bedford échouait, si Jeanne mourait de sa mort naturelle; aussi les Anglais eurent-ils grand soin d'elle tout le temps que dura sa maladie. On résolut enfin de réduire à douze chefs d'accusation ce qui résultait des interrogatoires; et l'on écrivit à l'université de Paris pour prononcer sur des questions générales, qu'on avait posées, sans spécifier ni accusés, ni juges, ni procès. L'université rendit une décision conforme aux vues du tribunal de Rouen, et l'on continua avec activité les procédures, qui ne furent pas même interrompues pendant la quinzaine de Pâques. Les Anglais menaçaient les juges et l'évêque de Beauvais lui-même, s'ils ne terminaient pas promptement; et il fallut enfin se résoudre, pour commettre cette grande iniquité, à violer toutes les lois divines et humaines. Jeanne, trompée par les funestes conseils de Loyseleur, était persuadée qu'elle n'aurait pas plus tôt reconnu l'autorité de l'Église terrestre ou militante, que ses juges, se prétendant revêtus de tous les pouvoirs de cette Église, l'enverraient aux bourreaux. Lors donc qu'on l'interrogea sur cet article, elle refusa de répondre, ou répondit : « Je crois bien que l'église militante ne » peut errer ou faillir; mais quant à mes dis ou mes >> faits, je les mects et m'en rapporte de tout à Dieu, qui » me a faict faire ce que je ai faict. » Alors on lui dit que si elle ne se soumettait pas à l'Église, elle s'exposerait aux peines du feu éternel quant à l'âme, et au feu corporel quant au corps. « Vous ne ferez jà ce que >> vous dictes contre moy, qu'il ne vous en prenne mal >> au corps et à l'âme, répondit-elle. »Le jour d'ensuite,

l'évêque de Beauvais se transporta dans sa prison avec les bourreaux et les instruments de torture, et il la menaça de la soumettre à d'affreuses épreuves. Cet aspect ne la fit point chanceler dans ses réponses; elle protesta avec courage contre tous les aveux qui pourraient lui être arrachés par la violence. L'évêque de Beauvais voulait la faire appliquer à la question; et la seule crainte qu'elle ne mourût par suite des tourments obligea le barbare prélat de se désister de son projet. Cependant le 24 mai 1431, Jeanne d'Arc fut conduite sur la place du cimetière de Saint-Ouen, pour y entendre sa sentence. Là, on avait dressé deux échafauds : sur l'un étaient l'évêque de Beauvais, le vice-inquisiteur, le cardinal d'Angleterre, l'évêque de Noyon, l'évêque de Boulogne et trente-trois assesseurs; sur l'autre, paraissaient Jeanne d'Arc et Guillaume Erard, chargé de la prêcher. Le bourreau, avec un chariot attelé de quatre chevaux, était prêt à enlever au besoin la victime, et à la transporter à la place du Vieux-Marché, où le bûcher avait été préparé. Une foule de peuple remplissait la place. Erard prononça un discours rempli des invectives les plus grossières contre l'accusée, contre les Français restés fidèles au roi Charles, et contre le roi Charles lui-même. « C'est à » toi, Jeanne, s'écriait-il, que je parle, et te dis que ton »roi est hérétique et schismatique. » Jeanne d'Arc eut encore le courage d'interrompre l'orateur. « Par ma » foi, sire, révérence gardée, s'écria-t-elle, je vous ose » bien dire et bien jurer, sur la peine de ma vie, que >>c'est le plus noble crestien de tous les crestiens, et qui

>>> mieux aime la foi et l'église, et n'est point tel que vous » le dictes. » Le prédicateur et l'évêque de Beauvais crièrent en même temps à l'appariteur Massieu : « Faictes-la » taire. » Après ce sermon, qualifié dans le procès de prédication charitable, Massieu fut chargé de lire une cédule d'abjuration, et, après la lecture, on somma Jeanne d'abjurer. Elle dit qu'elle n'entendait pas ce mot, et demanda qu'on la conseillât. On chargea de ce soin l'appariteur Massieu : cet homme, dont le métier était de conduire les criminels en prison, au tribunal et à l'échafaud, était touché de compassion pour Jeanne. Il lui expliqua ce qu'on voulait d'elle, et il l'engagea de s'en rapporter à l'Eglise universelle. « Je m'en rap» porte, dit alors Jeanne, à l'Eglise universelle, si je » dois abjurer ou non. - Tu abjureras présentement, » s'écria l'impitoyable Erard, ou tu seras arse (brûlée). Elle affirma de nouveau qu'elle se soumettait à la décision du pape, assurant cependant qu'elle n'avait rien fait que par les ordres de Dieu; que son roi ne lui avait rien fait faire; et que s'il y avait eu quelque mal dans ses actions ou dans ses discours, il provenait d'elle seule, et non d'autre. Alors l'évêque de Beauvais se leva, et lut la sentence préparée la veille, dans laquelle il eut l'audace de dire que l'accusée refusait de se soumettre au pape, quoiqu'elle vînt précisément d'articuler le contraire. Le défaut de témoins, la récusation faite par Jeanne de plusieurs chefs d'accusation, frappaient la procédure de nullité. Les juges, inquiets de la responsabilité qu'on pouvait faire peser sur eux par la suite, désiraient surtout que l'accusée

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