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qu'à sa mort, son influence morale grandit dans la république, et l'église se voit concéder de nouvelles libertés.

Après cet exposé des faits, la question à résoudre dans la deuxième partie était celle-ci : Du vivant de Calvin l'état fut-il subordonné à l'église? L'auteur, en opposition aux idées généralement reçues par les écrivains français, et d'accord avec M. A. Roget, répond à cette question par la négative. Il reprend chacune des périodes qu'il a distinguées dans le développement de la réforme, et examine de près quels furent les vrais rapports du civil et du religieux. Il remarque pour l'église un développement dans le sens de l'autonomie; mais il prétend que jamais son influence ne fut telle qu'elle eût la direction des affaires politiques, ou qu'on lui confiât des droits civils et juridiques. La discussion se concentre sur le sujet du consistoire, dont l'auteur affirme, sur des témoignages concluants, la seule qualité morale et disciplinaire. Le consistoire réglait les mœurs, à peine était-il un corps ecclésiastique; jamais il ne pouvait prononcer une peine juridique de son chef. En somme l'union de l'église et de l'état était complète à Genève, au point que l'une et l'autre enchevêtraient souvent leurs écheveaux, mais les faits impartialement étudiés ne laissent pas croire que l'état ait obéi à l'église, que Calvin puisse être appelé un théocrate, au sens moderne de ce mot.

H. C.

PROGRAMME DE LA SOCIÉTÉ THÉOLOGIQUE TEYLER, DE HARLEM, POUR L'ANNÉE 1876.

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Les directeurs de la fondation Teyler et les membres de sa section théologique se sont réunis le 12 novembre 1875 et ont prononcé leurs jugements sur les cinq mémoires qui leur avaient été adressés sur les questions de concours proposées.

Quatre mémoires avaient pour sujet la question: Qu'est-ce que nous enseignent les noms propres de l'Ancien Testament sur l'histoire de la religion au sein du peuple israélite ?

Voici le résultat de l'appréciation des juges:

1o L'auteur du mémoire écrit en hollandais et ayant pour devise: Nomina sunt tanquam rerum nota, n'a pas compris le sens de la question. Son étrange manière de discuter les noms propres de l'Ancien Testament fournit la preuve incontestable qu'il ne possède ni les connaissances ni la méthode nécessaires.

2o Le second mémoire, en hollandais aussi et avec l'épigraphe: What is in a name? atteste de l'étude et un jugement indépendant. Mais la composition en a été précipitée et il ne donne pour l'histoire

de la religion en Israël aucun résultat de quelque valeur. Ce travail n'avait donc aucun titre au prix.

3o Un mémoire écrit en allemand avec la devise: Cultus deorum, etc. témoigne d'un travail considérable. Cependant il n'a pas été jugé digne d'être couronné. La forme est très défectueuse. La littérature moderne du sujet paraît avoir été ignorée de l'auteur; et quant aux résultats critiques admis par lui, il n'en a pas su tirer le parti convenable. Enfin il a négligé plusieurs éléments importants de la question. 4o Le quatrième mémoire, avec la devise: Nomina hebrea, etc., présente certains points auxquels les juges ont eu des critiques à opposer. En outre la seconde partie ne leur a pas paru aussi complète qu'elle aurait dû l'être. Toutefois la question a été si bien comprise et discutée avec tant de science qu'ils ont jugé l'auteur digne de recevoir le prix. L'ouverture du pli renfermant le nom a désigné M. le Dr Eberhard Nessle, candidat en théologie à Tubingue.

Un cinquième mémoire sur la question de la statistique des faits moraux, et ayant pour épigraphe: Eráßis, etc., renferme maintes observations justes. Le sujet est généralement bien traité. Mais le manque de développements suffisants n'a pas permis de lui attribuer le prix entier. Les juges ont résolu d'offrir à l'auteur la médaille d'argent avec 200 gulden et l'insertion de son travail dans les œuvres de la Société dans le cas où il consentirait à l'ouverture du pli qui renferme son nom.

Les directeurs de la Société ont mis au concours la question suivante: Quel jugement convient-il de porter, en présence de la controverse actuelle des économistes politiques, sur le rapport réciproque de l'état et de la société, d'après les principes de la morale chrétienne?

Le prix consiste en une médaille d'or d'une valeur de 400 fl. Les concurrents sont autorisés à se servir des langues hollandaise, latine, française, allemande ou anglaise; mais on leur impose l'emploi des caractères latins. Les mémoires doivent être écrits par une autre main que celle de l'auteur. Ils doivent être achevés; aucun travail inachevé n'est admis au concours. Le délai de l'envoi s'étend jusqu'au 1er janvier 1877.

Tous les mémoires envoyés deviennent la propriété de la Société. Celle-ci insère dans ses œuvres les travaux couronnés, de telle sorte que les auteurs doivent renoncer à les publier sans la permission de la Société. En outre la Société se réserve, à l'égard des mémoires non couronnés, d'en faire l'usage qui lui conviendra, de faire connaître ou de taire les noms de leurs auteurs, dans le premier cas cependant avec l'adhésion de ceux-ci.

et

Si les concurrents veulent avoir des copies de leurs manuscrits, ils devront les faire faire à leurs frais. Chaque mémoire doit être muni d'un pli renfermant le nom de l'auteur et d'une devise, envoyé à l'adresse: Fundatiehuis van Wijlen den Heer P. Teyler van der Hulst, te Haarlem.

ESSAI CRITIQUE SUR LE MATÉRIALISME

AU POINT DE VUE

DES ÉLÉMENTS DE LA CERTITUDE

A M. le Dr Du Plessis, prof. à l'université d'Erlangen.

Mon cher ami,

Il te souvient peut-être de certain entretien, accidenté par les cahots du wagon, interrompu par le sifflet de la locomotive, gêné par le mouvement qui se produisait à chaque station du train, mais que nous n'en poursuivîmes pas moins pendant une bonne heure, au mépris de tant d'éléments de distraction. L'ardeur imperturbable que nous mettions à discuter semblait fournir un argument inespéré à la thèse que je soutenais, puisque je défendais, à l'encontre des théories scientifiques modernes, la doctrine dualistique.

Tu appartiens, de près ou de loin, à cette école, admirable de patience et d'efforts laborieux, formidable par l'autorité qu'elle s'est acquise, à cette école, disais-je, qu'ont illustrée et qu'illustrent encore les Cabanis, les Moleschot, les Vogt, les Hæckel, les Taine, et tant d'autres, auxquels Darwin, cet audacieux génie, a prêté, indirectement, il est vrai, le concours de ses gigantesques spéculations.

Mieux que personne, tu sais mon respect pour ces maîtres de la science et de l'analyse; aussi n'est-ce pas en adversaire, mais en spectateur désintéressé de la lutte, je dirais presque en disciple indépendant, que je t'adresse ces lignes. Longtemps ébloui par l'entassement merveilleux des matériaux accumulés, à force d'études et de labeurs, par tant d'hommes THÉOL. ET PHIL. 1876.

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de génie, outré par les injures gratuites que la routine des siècles leur jetait à la face, j'ai cédé moi-même aux séductions de leur prestige, sans tenir compte de certaines révoltes intérieures que je prenais pour l'écho héréditaire des vieux préjugés.

Aujourd'hui encore, je te concède volontiers qu'au point de vue de leur valeur relative, les déductions des naturalistes, par cela même qu'elles cherchent à s'étayer sur des faits sensibles et certains, ont un avantage incontestable sur les spéculations idéalistes, nées dans le vide, et destinées à y mourir, équations à tant d'inconnues, que la fantaisie seule peut parvenir à les résoudre, sans profit pour la vérité.

Et cependant, au moment où, quittant ses habitudes de généralisation scrupuleuse, la science a proclamé l'identité absolue du moi pensant et de l'objet pensé, de la force et de la matière, de l'esprit et de la nature, elle a, je crois, outrepassé sa compétence, et menti à sa tradition. Dans l'ardeur du combat, elle a arraché à la métaphysique ses propres armes, sans s'apercevoir que ces dernières ne valaient pas mieux pour changer de main.

Il me semble, à moi chétif, qu'il n'est point malaisé de lui rendre la pareille, et de la battre sur son propre terrain. Il suffit pour cela d'exploiter le vice originel de ce dernier échelon, de ce frêle appui sur lequel elle prétend franchir l'abîme ouvert entre elle et la philosophie; mais il reste bien entendu que je n'élève point la prétention de contester les résultats obtenus par la science dans le domaine du relatif; elle n'est sortie d'elle-même que pour raisonner sur l'absolu. Or l'absolu n'existe pas pour elle, pas plus que pour toi, cher ami, ou pour moi. L'absolu, c'est l'Isis impénétrable et voilé, que l'homme ne saurait contempler sans cesser d'être l'homme, c'est-à-dire un être borné, doué de cinq sens, et capable d'observation et de généralisation; c'est le grand X que la fatalité a inscrit au fond des espaces insondables, laissant aux pauvres petits algébristes de ce monde le loisir de lui attribuer mille valeurs arbitraires, et ce qui semble leur plaire encore davantage, de le décorer de noms divers.

« A ce compte, » me diras-tu, « quel rôle assignes-tu à la philosophie? >>

Je ne te marchanderai pas ma réponse; bien plus, je puis la donner telle, qu'elle satisfasse les matérialistes les plus déterminés.

La philosophie, en tant que métaphysique, raisonne sur l'absolu, c'est-à-dire sur l'inconnu, et aboutit à l'inconnu, et ceci reste vrai, quel que soit le titre qu'elle se donne. En tant que psychologie, que logique, que morale, elle raisonne sur des faits concrets, journaliers, observables, c'est-à-dire sur une part du relatif. Dès lors, elle rentre dans la science, à laquelle elle sert de couronnement, comme l'ont si bien montré Auguste Comte, et après lui, Littré.

La philosophie purement spéculative, et cette déclaration te fera plaisir, est le domaine de l'ombre et de la fantaisie, et les rêveurs s'y promènent. La science, dont fait partie ce qui, dans la philosophie, s'appuie sur l'observation, est le domaine de la lumière, et les yeux s'y reposent.

Tu le vois, je fais la part belle au matérialisme, et je ne veux ici, entre lui et moi, aucun de ces fantômes qui se dressent entre les conclusions scientifiques et la conscience vulgaire.

Et ne va pas croire, au moins, que, par une contradiction que je vais reprocher aux naturalistes, je conteste l'existence de faits inaccessibles à l'observation. Je ne les admets ni ne les rejette, je les ignore, voilà tout. Leur essence intangible, si tant est qu'ils existent, n'affecte point mes sens et ne s'impose point à ma pensée; là où on me montre leurs effets, ma nature bornée n'aperçoit que le résultat de causes naturelles, permanentes, et que chaque heure me permet de constater.

Le terrain ainsi déblayé, je reprends avec toi l'entretien commencé naguère en train express, et les principaux arguments qui me font rejeter, comme pour le moins incertaine, la conclusion suprême du matérialisme contemporain.

La force, a-t-il dit, n'est et ne saurait être qu'une propriété de la matière, la pensée qu'une sécrétion du cerveau, l'esprit

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