Imágenes de páginas
PDF
EPUB

que Claudius à Claudus. D'autre part, Tullus ne se rattache-t-il pas à la même racine que Tollere « enlever »? On pourrait être tenté de voir dans ce terme un équivalent du terme arabe Ghasi «qui fait une razzia». C'est, on le sait, le titre que prennent les sultans lorsqu'ils ont déclaré la guerre.

Servius Tullus se rendrait donc assez littéralement par << guerrier de condition servile ». La tradition rapporte que Servius était Servá Ocriculand natus. Cela ne l'aurait pas empêché de devenir roi de Rome, puisqu'alors la couronne y pouvait passer bien plutôt pour élective qu'héréditaire. D'ailleurs, la tradition nous représente une partie notable de la population de cette cité, à savoir les Luceres, comme étant d'origine toscane. Le désir d'être gouvernés par un homme de leur race a bien pu les faire passer sur son extraction servile. Enfin, Mastarna se présentait quelque peu en conquérant et la force matérielle dont il disposait contribua sans doute à le faire accepter même du patriciat.

Passons maintenant au premier roi de Rome. Son nom, ou plutôt son surnom de Romulus signifiait simplement <«<le Romain ». La finale ulus, en ancien latin, possédait souvent une valeur ethnique, comme le prouvent les exemples de Rutulus, Apulus, Siculus. Il était tout naturel qu'on ait ainsi désigné le chef d'origine albaine qui fit une seule cité, un seul État des villages occupant alors la région des sept collines.

D'autre part, Rémus nous semble bien n'être que la traduction étrusque du latin Romulus. Ne trouvonsnous pas dans l'inscription de Corneto le terme de Romain rendu en langue toscane par Rumax? Le passage de ce mot de Rumay à celui de Rémus n'offre sans doute rien de bien étrange au point de vue phonétique.

Voyons donc simplement dans le récit des démêlés de Romulus avec son frère, l'écho des luttes qui éclatèrent à Rome même entre les éléments latin et étrusque. Chacun d'eux voulait acquérir la prépondérance. N'oublions pas qu'à cette époque la vallée du Tibre devait être constamment traversée par des bandes parties des cités de la Toscane, de la Sabine, du Latium proprement dit. L'influence exercée par les Étrusques jusque dans le pays des Volsques s'y accuse par un certain nombre d'inscriptions rédigées dans la langue de ces envahisseurs et que l'on y a retrouvées. On sait bien qu'en Campanie, dont les indigènes ne leur opposèrent pas, sans doute, autant de résistance que les habitants de l'Agro Romano, les Rasénas ou Étrusques avaient fondé une confédération de douze

cités sur le modèle de celles des rives de l'Arno et de la Cisalpine.

Laissant de côté Numa-Pompilius, dont le personnage fabriqué de toutes pièces nous cache peut-être le souvenir d'une période où l'élément sabin fut prépondérant à Rome, nous dirons seulement un mot des Tarquins.

Leur nom, évidemment étrusque (Tarchnas) indique assez d'où ils étaient venus. On a voulu le rendre littéralement par « habitant de Tarquinies ».

Nous ignorons jusqu'à quel point cette traduction est exacte. Il finit, sans doute, par s'appliquer à bien des personnages nés dans d'autres villes. C'est ainsi que chez nous les noms patronymiques Langlois, Lallemand désignent des personnages dont les premiers ancêtres ont pu venir de l'autre côté du Rhin ou de la Grande-Bretagne, mais dont la famille n'est pas sortie de France depuis bien des générations.

Comte de CHARENCEY.

NOTES DE BIBLIOGRAPHIE BASQUE

PIERRE D'URTE, DE SAINT-JEAN-DE-Luz

Il a été question plusieurs fois dans cette Revue de Pierre d'Urte, « ministre du S. Évangile », dont les manuscrits basques sont conservés en Angleterre dans la bibliothèque des Lords Macclesfield, à Shirburn. Découverts ou plutôt retrouvés en 1884 par M. John Rhys, le celtisant bien connu, ces manuscrits et leur auteur attirèrent immédiatement l'attention des savants spécialistes. Le prince L.-L. Bonaparte alla voir les manuscrits à Shirburn; il s'imagina, sur la foi du titre que se donnait P. d'Urte, que ce devait avoir été un contemporain de Jeanne d'Albret et, dans cette hypothèse, les traductions basques lui parurent remarquablement peu différentes de la langue actuelle de Saint-Jean-de-Luz.

Mais je me souvins avoir vu ce nom, d'Urte, cité à une époque plus moderne. Le recueil de versions du Pater en diverses langues, publié à Londres en 1715 sous la direction de D. Wilkins aux frais et par les soins de Chamberlayne, contient trois traductions basques la première est copiée dans Liçarrague, la troi

sième est «< dans le style des habitants de Saint-Jean-deJuz »; la seconde est en souletin, mais par une erreur évidente de Wilkins, il est dit qu'il doit cette dernière à un Basque éminent, Pierre d'Urte. D'Urte n'avait évidemment pu fournir que la seconde. Quoi qu'il en soit, Pierre d'Urte vivait encore en 1715 et il était en Angleterre à cette époque; il s'agissait donc très probablement d'une victime de la révocation de l'édit de Nantes.

Sur ces indications, le vénérable M. J. Nogaret, alors pasteur à Bayonne, eut l'idée toute naturelle de rechercher ce Pierre d'Urte à Saint-Jean-de-Luz même. Le nom n'y existe plus. Consulté, le secrétaire de la mairie ouvrit au hasard un des vieux registres de l'état civil et tomba précisément sur l'acte de baptême d'un nommé Jean d'Urthe, né le 15 février 1640; sans plus ample informé, il communiqua cet acte à M. J. Nogaret. Il me parut immédiatement que, outre la différence du prénom, ce ne pouvait être là le P. d'Urthe que nous cherchions: il aurait eu ainsi soixantequinze ans en 1715. Je me rendis donc moi-même à Saint-Jean-de-Luz où je parcourus page par page tous les vieux registres de baptêmes, mariages et sépultures. Je trouvai beaucoup d'actes concernant la famille d'Urte (urte, ourte, ourthe, urthe); dans l'un d'eux, un baptême du 14 avril 1669, le parrain était « Betri d'Ourte, escolier, demeurant en sa maison de Betry Esqueraren Semearen etchea »; mais cette maison,

« AnteriorContinuar »