Imágenes de páginas
PDF
EPUB

» et transmis à celui qui se pourra trouver plus proche en degré, im» médiatement après le Roi, le présent Dauphin et leurs descendants, » et par conséquent, le cas arrivant, ce droit tombe directement sur » M. le duc de Berry et ses descendants à jamais, et, faute d'eux, » sur M. le duc d'Orléans et ses descendants à jamais. On ne voit point de difficulté à énoncer leurs noms, puisque le sens de l'acte >> renferme même leur nomination (1). »

[ocr errors]

Dès que le cabinet anglais se fut restreint à désirer la mention de ceux des princes français qui avaient des droits sur la succession à la couronne d'Espagne, la demande n'éprouva plus de difficulté; et M. de Torcy répondit à lord Bolingbroke: Nous avons eu quelques contestations, M. Prior et moi, sur l'énumération que vos avocats veulent faire de tous les princes du sang. Je crois, cependant, que vous trouverez que j'ai raison, lorsque vous lirez le projet que je lui ai proposé... Il donne à l'acte toute la force que vous voulez (2).

Le 25 novembre 1712, M. de Torcy annonçait au ministre anglais que la renonciation solennelle du Roi d'Espagne avait été approuvée et enregistrée par les cortès; que les princes de France, qui pouvaient avoir droit sur la couronne d'Espagne, y avaient également renoncé, et que leurs renonciations seraient également enregistrées par les cortès. Lord Bolingbroke se montra satisfait, et s'excusa gracieusement de ses exigences. Vous savez, sans que je vous le dise, écrivait-il à son collègue de France, la nature de notre gouvernement et le génie de notre peuple, combien de mesures nous avons à prendre, combien d'esprits nous avons à ménager (3), etc.

(1) Corresp. de lord Bolingbroke, tom. III, pag. 145.

(2) Ibid., pag. 155.

(3) Ibid., pag. 192.

Lord Bolingbroke désirait encore avoir la copie des renonciations du duc de Berry et du duc d'Orléans, avant leur enregistrement solennel, tant en France qu'en Espagne; actes, dit-il, faits pour prévenir la réunion des deux monarchies (1); et, le 14 décembre, M. de Torcy lui écrivit :

« Je vous envoie, comme vous le souhaitez, les copies des renon»ciations faites à la couronne d'Espagne par M. le duc de Berry et > par M. le duc d'Orléans. Les modèles en ont été dressés à Madrid, >> et, comme ils avaient été communiqués à M. le comte de Lexing» ton, je ne doutais pas qu'il ne les eût envoyés à Sa Majesté Britan»nique. Vous trouverez que les termes n'en sont pas moins forts » que ceux de la renonciation du Roi d'Espagne, et que les mêmes ex» pressions ont été employées dans les endroits où elles étaient néces» saires (2). »

Il paraît, d'après la correspondance de lord Bolingbroke, que Prior avait insinué l'opportunité qu'il y aurait à faire renoncer également la maison de Condé. Mais cette observation n'eut pas de suite et ne pouvait pas en avoir, puisque la maison de Condé ne comptait point d'Infante parmi ses aïeules rapprochées, comme la maison d'Orléans. Par conséquent, elle ne possédait aucun droit auquel elle eût pu renoncer. Elle n'eût pu être écartée qu'en vertu d'une exclusion générale de la maison de Bourbon, exclusion dont la demande, formée à La Haye, en 1709, n'avait pas été reproduite à Utrecht, étant diamétralement opposée au principe nouveau des négociations.

La maison de Condé ne fit donc aucune renonciation, et c'est une circonstance qui prouve encore que les puissances de l'Europe avaient complétement

(1) Ibid., pag. 197. (2) Ibid., pag. 224,

changé de système à l'endroit de l'occupation du trône d'Espagne par la maison de Bourbon.

Les négociations de la paix étant si avancées, Louis XIV envoya le duc d'Aumont à Londres, en qualité d'ambassadeur extraordinaire; il fut reçu avec une grande solennité, et il adressa, le 15 décembre 1712, à la Reine, ce discours où respire l'esprit et le langage du grand siècle :

<< Madame, c'est un moment bien illustre que celui-ci. Dans la >> plus heureuse et la plus brillante des conjonctures, j'ai l'honneur » de rendre à Votre Majesté, de la part du Roi mon maître, des té>> moignages publics de tous les sentiments qui l'attachent à votre » personne sacrée.

« Les événements d'une longue et terrible guerre n'ont rien pris » sur l'amitié que les liens du sang lui ont inspirée (la reine Anne » était petite-fille d'Henriette de France, fille d'Henri IV), ni sur cette juste considération qui est due aux qualités personnelles, plus >> respectables que la majesté des titres et que toute la puissance du » trône.

>> Ces sentiments, Madame, ont été mutuels, et l'intelligence qu'ils » ont formée entre les deux couronnes a dissipé les partis, désarmé >> les nations de la terre, changé la face des États, donné de nou>> veaux Rois à l'Europe, et affermi, si j'ose le dire, la gloire de » Votre Majesté.

» Par les conditions dont elle a été arbitre, elle procure le bonhenr » de ses sujets, l'avantage de ses alliés, et couronne en même temps » les grands et mémorables événements de son règne, dont l'anti» quité n'a point montré d'exemple, non pas même sur le trône où » régna Elisabeth.

>> La France, accoutumée à trouver, dans les malheurs, de la gloire >> et des ressources, n'en bénira pas moins les conseils de Votre Ma » jesté. Elle a reçu avec de vives acclamations la nouvelle d'une >> paix dont la modération et la bonne foi, exercées de part et d'autre » avec émulation, ont tranché toutes les difficultés et levé tous les >> obstacles.

» Ces vertus, si rares et si étrangères dans les traités, ont été ré>> ciproques dans le cours de la dernière négociation, et elles sont » devenues le présage d'une union ferme et durable, qui dépose en

» tre les mains de Votre Majesté et dans celles du Roi mon maître >> la balance de toutes les puissances de l'Europe (4). »

Le 15 mars suivant, le Parlement de Paris enregistra, en séance solennelle, les lettres patentes données par le Roi, tant pour l'admission de la renonciation de Philippe Vet de MM. les ducs de Berry et d'Orléans, que pour le retrait des lettres de l'an 1700, qui avaient conservé au duc d'Anjou son droit de succession à la couronne de France.

Le Parlement remplaça ici les États du royaume, et les formes constitutionnelles des deux monarchies de France et d'Espagne furent ainsi régulièrement observées, dans le règlement nouveau de l'ordre de successibilité au trône des deux États. La main de l'étranger n'eut garde de se montrer, dans ce grand acte de souveraineté des deux pays (2). Nous pouvons le proclamer, en aucune rencontre, peut-être, l'Angleterre et la France n'ont échangé, par leurs ministres, plus de courtoisie, plus de nobles procédés et plus de confiance.

Enfin, toutes les difficultés étant aplanies, ce grand acte du traité d'Utrecht fut consommé dans la mémorable journée du 11 avril 1713. Une dernière tentative ayant été faite auprès du plénipotentiaire de l'Empereur, il y répondit par un refus et quitta Utrecht. Alors chacun des traités séparés, conclus entre les puissances belligérantes ou intéressées, fut apporté à la signature.

A midi, les plénipotentiaires de France se rendirent chez les ambassadeurs d'Angleterre et signèrent avec

(1) Flassan, loc. cit., tom. IV, pag. 338.

(2) Corresp. de Bolingbroke, tom. III, pag. 509 et suiv.

eux le traité, convenu depuis longtemps entre leurs souverains, mais dont la signature formelle avait été différée jusqu'à ce jour.

Deux heures après, les plénipotentiaires de Savoie, dont les affaires étaient aussi réglées depuis longtemps, se rendirent au même lieu et signèrent leur traité avec la France. Ceux de Portugal se présentèrent à huit heures du soir. Ceux d'Espagne vinrent après; mais la Hollande ne termina point immédiatement avec eux son règlement d'affaires.

Ceux de Prusse ne signèrent qu'à minuit; et, une heure après, arrivèrent les députés des États généraux, retardés, parce que les difficultés relatives à leur traité de commerce avec la France avaient empêché que la minute n'en fût mise plus tôt au net.

Avec les États généraux, il était convenu que la Hollande recevrait en dépôt la portion des Pays-Bas appartenant à l'Espagne, pour la remettre à l'Autriche, lorsqu'il plairait à cette puissance d'adhérer à la paix convenue. La France reprenait Lille et les places frontières qu'elle avait perdues. La monarchie espagnole était garantie à Philippe V et à ses descendants, et un traité de commerce favorable à la Hollande était stipulé et accepté.

Avec la Savoie, une meilleure délimitation des provinces alpines fut arrêtée. Le duc obtint, avec la dignité royale, la Sicile, qu'il échangea plus tard avec la Sardaigne; et la succession d'Espagne lui fut promise à l'extinction de la descendance de Philippe V.

Avec le Portugal, la France consentit à une nouvelle délimitation de ses colonies, dans l'Amérique méridionale.

« AnteriorContinuar »