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devait être payée, un tiers le jour de la célébration du mariage, l'autre tiers un an après, et le dernier tiers dans les six mois suivants; or, comme si l'Espagne eût voulu donner autorité aux insinuations faites par D. Louis de Haro, dans l'île des Faisans, elle ne paya pas une obole de la dot, ni le jour de la célébration, ni dans l'année suivante, ni jamais. Aussi, Louis XIV et la Reine, qui devaient expressément, aux termes du contrat, renouveler leur renonciation solennelle après la célébration du mariage, s'abstinrent-ils de le faire; et, dès l'an 1661, Louis XIV dépêcha un ambassadeur extraordinaire à Madrid pour obtenir du Roi Philippe IV, son beau-père, la révocation formelle de l'acte de renonciation, ne s'y regardant pas comme engagé lui-même, à cause de l'inexécution des conditions y apposées (1). Un ministre espagnol répondit à l'envoyé du Roi, que la renonciation était plutôt un style de contrat qu'une obligation qui portât aucun effet.

La négociation traîna en longueur à raison des ménagements auxquels Louis XIV se crut obligé envers la cour de Madrid; elle finit par avorter, après la naissance d'un fils sur lequel Philippe IV concentra ses affections et ses espérances; mais Louis XIV ne se tint jamais comme obligé par une renonciation à laquelle, selon lui, avait manqué le complément d'exécution et de solennité qui était nécessaire pour la formation d'un lien politique et obligatoire.

Sur ces entrefaites, Philippe IV mourut, le 17 septembre 1665, laissant pour héritier un enfant de quatre ans, dont la santé débile ne promettait pas une longue existence. A l'exemple de Charles-Quint et de Phi(1) Voy. l'ouvrage cité de M. Mignet, tom. I, pag. 71 et suiv.

lippe III, Philippe IV régla le droit de succession à la couronne par son testament, où on lit la disposition suivante:

<< Dans tous les temps et âges passés, on s'est servi d'une parti» culière circonspection en faisant les mariages des Infantes d'Espa» gne avec les Rois de France, à cause des inconvénients qui résulte» raient de la conjonction et de l'union de ces deux couronnes... ce » que pour éviter, et pour faciliter les mariages entre les deux cou» ronnes, pour l'utilité des vassaux réciproques et des États en gé» néral, on a empêché leur union par une convention... A cet effet, » l'Infante, ma sœur, dut renoncer..... pour elle et ses descendants, » à succéder à mes royaumes.......

>> Suivant cet exemple... on a ajouté les chapitres 5 et 6 (ci-dessus » rapportés) aux traités contractés par moi et par le Roy très-chré>> tien Louis XIV... touchant la paix et le mariage contractés entre >> l'Infante Marie-Thérèse, ma très-chère fille, et ledit Roi...

» Comme père et maître naturel de mes royaumes... afin d'éviter » les dommages qui pourraient résulter de la conjonction des deux » couronnes..... je déclare que ladite Infante Marie-Thérèse, ma fille, » et tous ses descendants de' ce mariage... seront, resteront et sont » exclus..... de succéder en mes royaumes... à perpétuité, tout de » même que s'ils n'étaient point nés (1). »'

Le seul héritier mâle de la branche espagnole de Hapsbourg ayant une santé si précaire, et la vacance de la succession étant probablement prochaine, Louis XIV pensa justement que la validité de sa renonciation n'était point seulement une question de droit privé, entre l'Espagne et lui, mais encore une haute question d'équilibre politique, qu'il devait traiter avec l'Europe plutôt qu'avec un enfant Roi, et il ouvrit aussitôt des négociations avec l'Autriche, l'Angleterre, la Hollande, la Bavière et la Savoie. Désespérant de recueillir la monarchie espagnole tout entière, il voulut du moins être admis au partage de ses possessions; agrandir le territoire de la France, à défaut d'obtenir une seconde couronne pour lui-même.

(1) Voy. cet acte dans Dumont, loc. cit., tom. VIII, part. 1, pag. 25-26.

L'Autriche avait des droits éventuels à la couronne d'Espagne, du chef de Marie-Anne d'Autriche, fille de Philippe III et mère de l'Empereur Léopold. Mais ces droits étaient primés par ceux de la Bavière, qui provenaient du chef de Marguerite, sœur cadette de Marie-Thérèse, épouse de l'Empereur Léopold et mère de Marie-Antoinette, mariée à l'Électeur de Bavière. L'Espagne et l'Europe étaient portées pour la maison de Bavière, qui n'excitait aucun ombrage. Les ducs de Savoie avaient des droits plus éloignés, qu'ils tiraient du chef de l'Infante Catherine, sœur de Philippe III, Duchesse de Savoie, et d'une substitution ouverte en leur faveur par le testament de Philippe IV.

La Hollande et l'Angleterre n'avaient dans la question que des intérêts politiques et commerciaux. Mais ces deux intérêts étaient d'une singulière importance, et Louis XIV avait à cœur de les satisfaire. Au point de vue politique, c'était l'intérêt de l'équilibre européen qui préoccupait les cabinets et surtout les puissances maritimes. Cet intérêt était compromis, si l'Autriche ou la France recueillaient les vastes domaines de la monarchie espagnole, et le fruit de la guerre de trente ans était perdu; la balance, si péniblement établie par le traité de Westphalie, était détruite.

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Au point de vue de leur intérêt privé, l'Angleterre et la Hollande étaient également menacées. L'Angleterre, vieille alliée de la maison d'Autriche, avait pris pied par elle en Espagne. Elle craignait de perdre un marché pour les produits de ses fabriques, par l'établissement d'un prince français en ce pays. D'ailleurs, la France possédait une marine imposante: unie à l'Espagne, elle pouvait alors fermer la Méditerranée

et annuler le commerce des autres peuples de l'Europe, dans les deux Indes; et puis, l'occupation des PaysBas espagnols, par la France, coupait aux Anglais le chemin de l'Europe centrale. Or, l'intérêt continental de l'Angleterre semblait, depuis plus d'un siècle, concentré dans les Pays-Bas. Élisabeth les avait soutenus dans leur insurrection contre Philippe II; Cromwell avait voulu posséder les côtes de ces contrées, et Guillaume de Nassau y avait affermi l'influence anglaise.

Pour la Hollande, la barrière des Pays-Bas était un boulevard contre la France, et à son tour la France convoitait depuis longtemps les Pays-Bas, qui semblaient être un complément naturel de son territoire, en un siècle où chaque État recherchait des barrières naturelles. Si elle devait subir la menace des Pyrénées, elle voulait au moins avoir la protection du Rhin. C'était par les Pays-Bas que l'Espagne pesait directement et lourdement sur la France, découverte de ce côté de ses frontières. Ainsi, la question des Pays-Bas était celle qui offrait le plus de difficultés, dans cette affaire, parce que les intérêts directs de trois puissances s'y trouvaient impliqués.

L'impatience de Louis XIV faillit tout compromettre. Il prétendit d'abord que les provinces belgiques, où le droit de dévolution civile était admis par les coutumes, devaient appartenir à la Reine Marie-Thérèse, comme fille du premier lit de Philippe IV; transportant ainsi, dans l'ordre politique, une loi de succession qui n'avait jusqu'alors régi que le patrimoine domestique. La guerre s'ensuivit. Elle fut terminée après une courte durée, en 1668, par la paix d'Aix-laChapelle; mais elle laissa subsister des préventions

et des ombrages, car elle décelait un empressement trop marqué de la part de la France, et un vif désir d'agrandissement. Cependant, à cette époque, eut lieu un traité secret relatif au partage futur des États espagnols; dans ce traité, l'Autriche consentait à la réunion des Pays-Bas à la France. Il ne paraît pas que la Hollande et l'Angleterre aient jamais adhéré à cette concession, dont l'offre ne fut plus renouvelée, ni la demande acceptée. L'Empereur Léopold semblait reconnaître alors lui-même l'invalidité des renonciations de Marie-Thérèse.

Le traité d'Aix-la-Chapelle, de 1668, avait laissé au pouvoir de Louis XIV douze fortes villes des Pays-Bas espagnols. Il rendit la Franche-Comté, mais pour la reprendre, peu de temps après, pendant la guerre de Hollande elle lui resta, par le traité de Nimègue de 1678; c'était le démembrement anticipé d'une monarchie en décadence. La guerre de Hollande avait été glorieuse pour nos armes, mais elle alarma l'Allemagne, comme la guerre de dévolution avait alarmé la Hollande; elle ruina le parti français dans les Provinces-Unies et suscita des ressentiments implacables dont Louis XIV éprouva plus tard les fâcheux effets.

Après la paix de Nimègue, advint l'affaire des chambres de réunion; audacieuse entreprise qui avait encore pour objet l'agrandissement territorial de la France. Louis XIV avait déjà perdu l'amitié de la Hollande et de l'Allemagne ; il vit alors dissoudre, par la ligue d'Augsbourg, des alliances françaises qui dataient du temps d'Henri IV, et bientôt la grande ligue de 1689 joignit l'Angleterre à la coalition. L'Angleterre venait de faire la révolution de 1688, et Guillaume III, ennemi per

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