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Sur 436 observations nouvelles, 81 à peine, c'est-à-dire moins de 1,5, appartiennent aux mois froids (1).

On voit par les manuscrits de Galvani, examinés par Gherardi, qu'il avait achevé

en avril 1772 son travail sur l'irritabilité,

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Il semble en résulter une prédominance remarquable pour le mois d'avril, quoique le fait soit moins sûr que pour les deux cas précédents.

Je songe ici à toutes les objections qui pourront se dresser contre de telles conclusions; la pauvreté des données, leur incertitude, la témérité de faire rentrer dans le cercle étroit de la statistique, et à unir dans la même somme les sublimes phénomènes de la création intellectuelle, qui paraitraient les moins susceptibles de calcul et de comparaison.

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De telles objections auront surtout de l'importance pour cette école qui prétend borner la statistique à l'étalage de gros chiffres, qui préfère souvent la quantité à la qualité, et qui écarte, à priori, — à l'aide d'une éviction préalable, - tout raisonnement sur ses données, comme si les chiffres n'étaient pas des faits soumis, de même que tous les autres, à la synthèse, comme s'ils avaient quelque qualité par eux-mêmes, tandis qu'en réalité ils n'ont de valeur que s'ils sont susceptibles de fournir des matériaux au penseur. Ces 1871 données, quoique trop minces, sont, dans tous les cas, préférables à de simples hypothèses ou aux aveux isolés des auteurs, d'autant plus qu'elles sont avec eux dans

1) Della vita e delle opere di Malpighi. Bologna, 1774.

un parallélisme absolu. On pourra donc y voir, sinon une preuve irrécusable, tout au moins un encouragement vers une nouvelle série de fécondes recherches psycho-météoriques.

D'ailleurs les créations géniales ne pourraient jamais être assez considérables pour former de grosses colonnes numériques.

Il est très-vrai, cependant, que pour beaucoup d'entre elles, la coïncidence chronologique se lie à des circonstances accidentelles, qui paraissent entièrement indépendantes de notre état psychique. Ainsi les naturalistes ont une plus grande facilité d'observation et d'expérimentation dans les mois chauds; ainsi, la longueur et l'égalité des nuits équinoxiales, la difficulté d'examen dans les jours brumeux, l'ennui et le malaise éprouvés dans les jours trop froids ou trop chauds, entrent, pour une grande part, dans la prédominance des découvertes au printemps et en automne.

Toutefois ces circonstances seules ne sont pas décisives; nous en serons persuadés sans peine, si nous remarquons, que, par exemple, en ce qui regarde les anatomistes, les cadavres abondent dans toutes les saisons, et principalement dans les saisons froides; que les nuits d'hiver longues et claires, dans lesquelles l'influence de la réfraction. est bien moindre, devraient être favorables aux astronomes des climats tempérées, à l'égal des tièdes nuits d'été des climats du nord, qui nous donnent, pourtant, le plus grand nombre des découvertes astronomiques, et où la chaleur est modérée.

Et qui ne sait, d'ailleurs, que des circonstances accidentelles influent même sur ces phénomènes de mort, d'assassinats, de naissances, que la statistique considère de plus près?

Si pourtant tous ces phénomènes nous conduisent à un résultat identique, ce fait ne peut tenir qu'à une cause semblable, commune à tous et qui, évidemment, ne peut être

que l'influence météorique qu'on peut bien embrasser d'emblée dans la Planche III.

J'ai cru pouvoir grouper ensemble les créations esthétiques et les inventions scientifiques parce qu'elles se trouvent associées par ce moment d'excitation psychique et d'extrême sensibilité, qui rapproche les faits les plus éloignés et les plus disparates, qui ravive les douteux; ce moment en somme, qui féconde et qui a été justement appelé générateur, dans lequel savants et poètes se trouvent plus rapprochés qu'on ne le croit.

Quelle imagination audacieuse, inventive, n'entrevoit-on pas dans les expériences de Spallanzani, dans les premières tentatives d'Herschel, et dans les deux grandes découvertes de Schiapparelli et de Leverrier, nées d'une hypothèse que le calcul et l'observation transformèrent en axiomes ? Littrow, parlant de la découverte de Vesta, note qu'elle n'a point été l'effet du hasard, ni du seul génie, mais du génie favorisé par le hasard (1). L'étoile découverte par Piazzi avait été naguère entrevue par Zacch, mais ce dernier ayant moins de génie que Piazzi, ou à ce momentlà moins de pénétration, n'attacha aucune importance à son observation. La découverte des tâches solaires ne demandait que du temps, de la patience ou du bonheur, écrit Secchi (2), mais il fallait du génie pour découvrir la véritable théorie.

Que de savants physiciens, observe Arago, navigant le long d'un fleuve ont du observer le rolétement de la bandérole sur le mât de la barque, sans découvrir cependant, comme Bradley, la loi des aberrations.

Et combien d'artistes, pourrait-on ajouter, ont du voir de vilaines têtes de portefaix sans concevoir le Judas de

(1) ARAGO.

(2) Soleil, p. 7.

Léonard de Vinci, ou des oranges sans créer la cavatine du Don Juan de Mozart!

Il est cependant une dernière objection qui semble plus sérieuse. Presque toutes les grandes créations intellectuelles, toutes les découvertes de la physique moderne seraient le résultat d'une série de lentes et continuelles méditations du savant, et même de ceux qui les ont précédés. Elles formeraient ainsi comme une compilation, dont il est mal aisée à définir la chronologie, par ce que la date à laquelle nous nous arrêtons indique le moment de l'enfantement, bien plus que l'instant de la conception.

Mais une telle objection ne s'appliquerait pas seulement à notre thèse; on peut dire que presque tous les phénomènes humains, même les plus immédiats, rentrent dans cette catégorie. La fécondation, elle-même, est un phénomène lié à la nutrition de l'être organique et à l'hérédité; la mort et la folie, alors même qu'elles semblent déterminées par des circonstances soudaines ou même accidentelles, sont pourtant en rapport, d'un côté, avec les phénomènes météoriques et d'un autre côté avec les conditions organiques; aussi on pourrait, bien de fois, en arrêter la date précise dès la naissance.

CHAPITRE II

157

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INFLUENCES CLIMATÉRIQUES, MÉTÉOROLOGIQUES ET SOCIALES SUR LA NAISSANCE DES HOMMES DE GÉNIE. Grands centres. Races et climats chauds. · Grands maîtres. - Influence orographique. Influence de la salubrité. Parallélisme de la stature et du génie.

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Explications.

Buckle pense que la majorité des artistes est donnée par les pays volcaniques et qu'il en est tout autrement pour les savants (1).

Dans une très-belle étude, publiée récemment, Jacoby prétend que le plus grand nombre d'esprits supérieurs soit là où la population des villes est plus dense (2).

Il semble impossible de nier que la race, (dans nos pays, par exemple, où les races latines et grecques abondent en grands hommes), les luttes politiques et scientifiques, la richesse, les centres littéraires, n'aient une grande influence sur l'apparition des hommes de génie. Qui pourrait soutenir que les luttes politiques, une liberté excessive, à Athène, Sienne, Florence, n'aient point contribué à mettre au jour, dans les temps anciens, une plus grande puissance de génie qu'à d'autres époques et dans d'autres pays?

Mais pour celui qui se rappelle l'influence prépondérante des phénomènes météoriques sur les créations géniales, il est indubitable qu'un rôle plus important encore doit être réservé aux conditions atmosphériques et climatériques.

(1) BUCKLE. Hist. of civiliz., 1.

(2) JACOBY. Étude sur la Sélection, etc. Paris, 1881.

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