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elle vivait tranquille et heureuse, partageant sa vie entre l'affection de son époux et l'amour de ses enfants: elle ne se plaignait que d'une trop grande sensibilité.

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En juin 1880, sans causes apparentes, les menstruations ayant cessé depuis quatre années, il s'opéra un grand changement dans son caractère et dans ses habitudes, elle devint irascible, perdit le sommeil. Peu après s'ajoutaient des accès convulsifs de nature hystérique qui se répétaient souvent.

Elle ne pouvait plus s'adonner à aucune occupation intellectuelle; son amour pour son mari et pour ses enfants. se changea en dédain, même en répulsion. Elle s'agitait sans raison, refusait la nourriture et ne reprenait son calme qu'après des accès convulsifs qui duraient de longues heures, conservant toujours le pervertissement des affections et des sentiments.

À l'hospice, après quelque temps d'agitation, elle revint à un état de tranquillité relative. Deux graves phénomènes résistaient l'insomnie et les hallucinations, qui pourtant n'étaient pas de longue durée. Les troubles hystériques et les accès convulsifs étaient plus fréquents. - Plus tard elle guérit, et rentra dans sa famille.

C'est pendant ses accès qu'elle écrivit un poëme historico-descriptif: Sienne (1), rempli de beautés de style et d'élégance de forme. On y remarque une belle description de l'hospice même des aliénés de Sienne, cet asile où

l'arte unita alla pietà conforto

Porge a gli spirti travagliati, e l'aere
Purissimo, e la quiete alta, profonda
Degli ameni contorni, a gli egri corpi
Rendon calma e salute... (2) ».

(1) Cronaca del manicomio di Siena, p. 60. 1881.

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(2) << l'art joint à la piété donne un confort aux pauvres esprits tourmentés; où l'air pur, la paix sereine et profonde de ses charmants alentours, rendent aux corps affligés le calme et la santé..... ».

Le Diario dell'Ospizio di Pesaro, la plus ancienne de ces revues, nous fournirait également, si l'espace ne nous faisait défaut, une large moisson d'exemples.

Un fou moral y écrit: «.... Là aussi j'ai éprouvé d'étranges phénomènes, une impulsion à me coucher sur la terre nue, une envie folle de hurler à tue-tête, une négligence de ma propreté personnelle, au point de me répugner à moimême; .... les grands malheurs endurcissent le cœur; dans le passé j'aurais pleuré en voyant une goutte de sang; à présent je resterais impassible devant le spectacle le plus

atroce ».

Un jeune et habile peintre atteint de manie du suicide et de folie morale, écrit dans la même revue

LA CONTRE-VOLONTÉ.

«La contre-volonté est une chose terrible, et, malheureusement, je peux en parler avec connaissance de cause. Elle a changé ma vie, douce et satisfaisante auparavant, en un fardeau lourd et insupportable.

» Dans ce monde, pour vivre d'une vie réelle, l'homme ne doit pas seulement manger et dormir, il faut qu'il donne une puissante direction à ses facultés, un but à son existence; que ses occupations lui procurent une véritable satisfaction.

>> Se trainer mesquinement, péniblement, être insensible aux douceurs de la vie, ce n'est pas vivre: il vaut mieux mourir mille fois,.ou perdre la conscience de soi-même.

>> C'est ce qui m'arriva: Habitué à une vie paisible et douce, je me suis vu tout-à-coup jeté dans un abîme de douleurs. Mon cerveau secoué par de telles extravagances (!), se refusa de procéder comme dans le passé, et je n'ai plus eu le pouvoir de penser librement à mes affaires. De là la contre-volonté, c'est-à-dire l'enchevêtrement de la vo

lonté naturelle de l'homme, son impossibilité à l'œuvre et à l'action, comme si une force matérielle enchaînait l'individu. Je n'ai pas un empire suffisant sur moi-même pour diriger comme je le voudrais, mes actions de là naît la frayeur, le crève-cœur, le dégoût de la vie.

>> Au commencement j'éprouvais une indécision, une incertitude vague, un poids importun; ensuite cette force augmenta, devint plus violente, prépondérante, de manière. à paralyser toute complaisance (!), à me contraindre à passer de longues heures dans l'angoisse la plus poignante. La nuit je ne puis dormir, et le jour est encore pour moi un tourment, car je ne sais que faire de moi, je ne sais où diriger mes idées, où mettre ma tête, toujours à cause de la contre-volonté.

» J'entends parler de bonheur de famille, de complaisances de l'âme, de satisfactions de l'amour-propre, d'affections réciproques, mais je ne peux rien éprouver de semblable. Je mesure avec angoisse les heures de la journée, et toute mon étude se réduit à rechercher le moyen de m'ennuyer le moins possible.

» Pour ces motifs, je prierai qu'on produise une réaction violente dans ma cervelle; qu'on m'accorde de voir ma famille. Une secousse bienfaisante pourrait me servir beaucoup. Une émotion violente de l'âme m'a ruiné: une émotion d'un genre différent pourrait me sauver.

» Il y a bien des années que je ne vois plus ma famille, et monsieur le Directeur, comprendra que c'est une chose extravagante (!) et honteuse. J'assure que si j'ai commis quelque écart, cela dépend de la fatalité à laquelle je suis assujetti, non de mon caractère, qui a toujours été bon: on doit aussi prendre en considération cette circonstance. » L. M., n 110 » .

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La Cronaca del Regio Manicomio di Alessandria, dirigée par M. Frigerio, reproduit le spécimen d'un journal de fous:

Le mattoïde illustré, soi-disant organe général des fous à pied libre. Un malade de phrénose sensoriale, qui croit être hanté par un démon, y écrivit la suivante:

HYPOTYPOSE

d'un pensionnaire de l'Hospice d'Alexandrie.

« Je suis né måle, en genre, nombre et ..... cas. »De basse taille, fluet, mon teint était foncé, même avant que j'eusse des contacts avec le ..... diable. Traits sympathiques, front vaste et sévère, physionomie noble: lèvres minces, mais colorées, un peu dédaigneuses et rusées : nez... évident avec narines dilatées, caractéristique d'une âme voluptueuse et impressionable, et enfourché de lunettes, (ne pas confondre avec celles du professeur Lombroso) qui, à mon grand déplaisir me donnent l'air........... mais, chut!... attention au fisc... - voici ma photographie positive, rapport au physique.

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» Le moral?... ma foi, je ne saurais vous en dire grand chose. Une personne qui connaît assez bien Gall, Spurzheim, Lavater, Descuret, et qui est très versée en ostéologie, phrénologie, physiologie, psychologie et que sais-je encore, -me dit, que je suis un vrai caméléon humain.

» Le savant homme aurait deviné le genre non l'espèce, ou pour mieux dire, l'espèce non le genre.

» Du reste, sans pécher par orgueil, je ne crois pas être bien dissemblable de mes autres... semblables, car je retiens, en maxime, qu'un homme est l'unité de mesure d'un autre homme, c'est-à-dire, un amas de contradictions. Aujourd'hui géant demain pygmée: un moment philosophe, puritain — un autre moment, faible et pécheur un jour brave un second couard-un troisième... fou. En un

mot, un thermomètre raisonnable ou déraisonnable suivant

les dégrés qui lui fait marquer la passion, ce puissant mercure qui pénètre jusqu'à la moelle, et, bien souvent s'y ossifie.

>> Je pense et j'aime

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>> On m'a jugé bon écrivain, on a même affirmé que je suis un petit Jean Jacques en miniature. C'est peut-être vrai pour l'intelligence, bien qu'elle ne soit sans doute pas aussi brillante. Mais si je ne puis planer, comme lui, dans les régions supérieures de la pensée, je possède une chose qui lui faisait défaut et qui, dans certains cas, peut remplacer le génie: C'est le cœur ».

Autobiographie. - Mais un exemple qui intéresse plus encore la psychiatrie légale, car il présente un cas de génie littéraire provoqué par la folie, et, en même temps, prouve comment un fou peut simuler la folie bien qu'il en soit vraiment atteint, particulièrement sous le coup de la frayeur de la peine, m'a été offert par un pauvre cordonnier de Pavie.

Il se nommait César Farina, fils, neveu et cousin de fous et de crétins, monomane depuis sa jeunesse, mais tranquille en apparence. Il tua d'un coup de couteau une femme, coupable à ses yeux d'être l'instigatrice de ses ennemis invisibles, qui l'obsédaient de leurs voix, et d'être la mère d'une jolie fille, de qui, dans cette espèce de délire érotique des fous, que j'appelle (1) amour muet, il se croyait le bienaimé, bien qu'il n'eût eu avec elle, presque aucun rapport.

Après l'assassinat, il s'enfuit à Milan; personne, même de loin, ne l'aurait soupçonné coupable, s'il n'était revenu exprès à Pavie se présenter à la police et se déclarer l'auteur du crime. Pour mieux convaincre les incrédules, il montra même la gaine de l'instrument meurtrier.

(1) LOMPROS). L'amore nei passi. Turin, 1887.

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