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<«< Il faut savoir que les nobles, ou ceux qui sont nés de no»bles, exhalent une certaine substance, pas bien définie, qui » produit l'électricité. De cette manière il est facile de com» prendre comment il peut y avoir correspondance entre fils >> de noble et fils de noble, si l'on pense un moment à la té» légraphie et à ses piles relatives. Ainsi deux nobles en >> communication fonctionnent entre eux comme une ma>> chine électrique, se transmettent, au moyen d'un fil, leurs >> mouvements et leurs pensées, comme si les idées et la » manière de penser étaient des coups du manipulateur de la > machine électrique.. Le système, comme on voit, est in» finitésimal, car la pensée transmise d'un côté forme autant » de points infinitésimaux qu'il y a d'atomes dans l'idée ». MM. Riva et Tanzi observent que les anciens alchimistes s'exprimaient de la même manière, et ils ajoutent :

<«< Ainsi on reconnaît évidemment un paranoïque dans ce Roi de Bavière, misanthrope, vain, ambitieux, mystique, romanesque, volage, halluciné, excentrique dans ses actes et dans ses habitudes, dans ses jugements et dans sa conduite, perverti dans ses goûts esthétiques, en l'amour, dans le sentiment éthique, excessif et dissonant en toute chose. Il était si profondement empreint de l'atavisme du moyen âge, que les journaux politiques, avec une justesse scientifique intuitive, l'indiquaient comme un Parcifal redivive ».

L'origine pathologique et atavistique de beaucoup de productions littéraires des fous explique les fréquentes inégalités de style, splendide et vigoureux pendant l'excitation, il devient faible et bas quand elle cesse; et de strophes dignes d'un classique ils passent à un barbouillage d'idiot. Cette origine nous explique, aussi, les contradictions excessives qu'on retrouve dans les écrits d'un même auteur, comme on voit dans Farina et Lazzaretti; leur mode de procéder par aphorismes, par périodes détachées; leurs phrases mouvementées d'une manière enfantine et primitive, souvent répétées, avec la résonnance d'un refrain mo

notone, qui rappellent les versets bibliques ou les surates du Coran. Elle explique aussi leur penchant à développer continuellement le même argument, presque toujours sur des sujets étrangers à leurs études, et, ce qui est plus important, sans aucune utilité ni pour eux-mêmes ni pour les autres, le plus souvent sous la forme autobiographique.

Finalité. — Il y a, en somme, une vraie organisation spéciale dans tous les écrits des fous même les plus absurdes, une vraie finalité, comme le dit Paulhan.

« J'entends par là, écrit-il (1), que dès qu'un élément psychique existe, il tend à en susciter d'autres. Ce n'est pas l'ensemble de l'esprit, s'il n'est pas lui-même coordonné, qui détermine l'apparition des phénomènes, ce sont les éléments. C'est-à-dire que c'est ce qui est déjà systématisé dans l'esprit qui tend à acquérir une systématisation plus complète. Si c'est une sensation, elle tendra à éveiller des idées ou des actes particuliers, précis, appropriés; si c'est une tendance générale, une organisation mentale préétablie, elle tendra à faire interpréter de telle ou telle manière les sensations qui arriveront à l'esprit.

>> Comme tout élément psychique est systématique, comme lorsque la finalité n'existe pas dans l'ensemble d'un organisme psychique, ou d'une suite d'actes, ou d'une théorie, ou d'un raisonnement, ou d'une passion (et en ce cas tous ces faits ne sont pas réellement des éléments psychiques), elle existe dans les éléments; cette tendance des éléments à l'association systématique s'exerçant sans contrôle supérieur, sans direction générale, arrive à produire de nombreux désaccords, dans le total des opérations psychiques; on aurait quelque chose d'analogue dans un orchestre où chaque musicien jouerait un air différent dans un ton différent ».

1) Revue Philosophique. 1888, n. 8, Paris.

... Lorsque, dans une société, une association se dissout, c'est une loi de finalité qui se rompt, et les éléments, les hommes qui composaient l'association, sont rendus à la vie individuelle, ils entrent alors dans de nouvelles formes d'activité sociale. Si, par exemple, une filature se ferme, les ouvriers et les ouvrières qui y travaillent, et qui étaient réunis par une association systématique, se remettent à travailler chacun à son côté, soit séparément, soit dans de nouvelles associations où quelques-uns peuvent d'ailleurs se retrouver. Il en est de même des éléments psychiques; quand pour une cause ou pour une autre le lien qui les rattachait vient à se rompre, ils entrent dans de nouvelles. associations où ils travaillent chacun pour soi, au risque de ne produire que de l'incohérence. Cette activité isolée. des éléments, nous la retrouvons d'une manière frappante dans les maladies mentales.

>> Le calembour est une forme de ce désordre; en l'analysant on voit qu'il consiste essentiellement en ce qu'un son employé comme élément dans un complexus particulier (son, idées et images systématisés constituant la signification du son) qui fait lui-même partie d'un système plus complexe, la phrase, se sépare au moins partiellement de ces deux systèmes et s'associe à d'autres systèmes d'idées et d'images. L'association par ressemblance de certaines parties des mots, l'association par la rime par exemple, est un fait essentiellement analogue, ici c'est un son qui, associé systématiquement à d'autres sons, s'allie en même temps à des sons différents pour former simultanément, ou avec des intermittences rapides, des systèmes qui ne s'harmonisent pas entre eux; dans cette dernière classe on peut ranger la plupart des lapsus linguæ et des lapsus calami ».

Les exemples abondent. M. Regnard a cité plusieurs pièces de vers écrites par des fous, où se trouve à un haut degré le mode d'association systématique élémentaire; quelquefois on voit un reste de coordination intellectuelle comme

dans la pièce suivante, où cependant l'incohérence aussi se manifeste.

J'aime le feu de la fougère

Ne durant pas, mais pétillant;
La fumée est âcre de goût.

Mais des cendres de: là Fou j'erre

On peut tirer en s'amusant

Deux sous d'un sel qui lave tout,

De soude, un sel qui lave tout (1).

D'autres fois le sens disparaît à peu près comme dans ces vers cités encore par M. Regnard et composés par un délirant vaniteux, malade depuis vingt-cinq ans :

Magnan! à mon souhait, médecin Magnan ime,
Adore de mon sort la force qui... t'anime.

Admirant son beau crâne... autre remord de Phèdre,

Nargue Legrand du Saulle et sois un Grand du Cèdre (2).

Un bel exemple de ce phénomène est fourni par le malade dont Trousseau a rapporté l'observation et qui a écrit plus de cinq cents pages de mots qui s'appelaient l'un l'autre, par l'assonnance ou par le sens : « chat, chapeau, peau, manchon, main, manches, robe, jupon, pompon, rose, bouquet, bouquetière, cimetière, bière, etc. (3).

Il n'est pas besoin d'être fou ou idiot pour faire des calembours et associer les mots d'après des ressemblences superficielles. En ce cas, au lieu d'être une dissociation permanente des systèmes plus complexes, c'est une dissociation momentanée qui donne lieu au phénomène. Rien de plus naturel, quand on éprouve le besoin de se détendre l'esprit que de rendre à eux-mêmes les éléments psychi

( P Reward. Les maladies épilomiques de l'esprit, p. 370.

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8 Cite par M. Leys, Actions réfezes du cerceau, p. 170.

ques retenus dans des systèmes complexes qui ne sont pas essentiels à la vie, et de leur laisser une liberté dont ils abusent quelquefois. Pour continuer la comparaison faite plus haut et qui peut se suivre assez avant, les ouvriers de la filature ne travaillent pas toujours, ils ont leurs moments de repos, leurs récréations et s'emploient alors en général à des systèmes moins complexes ».

Les plus enclins à ces manifestations rhythmiques sont, les maniaques chroniques, les alcooliques, les parésiques à la première période, dans lesquels pourtant on trouve plus de rimes que de vers et plus de vers que de bon sens. Les mélancoliques, en proportion du petit nombre donné par les hospices, viennent ensuite; pour eux c'est peut-être une compensation du mutisme habituel et une diversion aux persécutions imaginaires. Cette remarque paraît plus importante encore si on la rapproche de l'observation déjà bien connue, qu'il y a un fond de mélancolie chez tous. les grands penseurs et chez tous les poètes.

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