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TRAITÉ D'AMITIÉ

DE COMMERCE ET DE NAVIGATION

ENTRE

la France et la République de Vénézuéla

CONCLU A CARACAS, LE 25 MARS 1843

Ratifié le 23 mars 1844.

ART. 1er. Il y aura paix constante et amitié perpétuelle entre Sa Majesté le Roi des Français, ses héritiers et successeurs d'une part, et la République de Vénézuéla, d'autre part, et entre les sujets et citoyens de l'un et de l'autre État, sans exception de personnes et de

lieux.

ART. 2. Les Français, au Vénézuéla, et les Vénézuéliens, en France, pourront, réciproquement et en toute liberté, entrer, avec leurs navires et cargaisons, comme les nationaux eux-mêmes, dans tous les lieux, ports et rivières qui sont ou seront ouverts au commerce étranger.

Ils seront, pour le commerce d'échelle, traités respectivement et tant qu'il existera dans ce commerce une parfaite réciprocité, comme les sujets ou citoyens de la Nation la plus favorisée. Quant au cabotage, il demeure exclusivement réservé, de part et d'autre, aux nationaux.

Ils pourront, comme les nationaux, sur les territoires respectifs, voyager ou séjourner, commercer tant en gros qu'en détail, louer et occuper les maisons, magasins et boutiques qui leur seront nécessaires, effectuer des transports de marchandises et d'argent et recevoir des consignations, tant de l'intérieur que des pays étrangers.

Ils seront également libres, dans tous leurs achats comme dans toutes leurs ventes, d'établir et de fixer le prix des effets, marchandises et objets quelconques, tant importés que nationaux, soit qu'ils les vendent à l'intérieur ou qu'ils les destinent à l'exportation; sauf à se conformer aux lois et règlements du Pays.

Ils seront entièrement libres de faire leurs affaires eux-mêmes, de présenter en douane leurs propres déclarations ou de se faire suppléer

par qui bon leur semblera, facteur, agent, consignataire ou interprète, soit dans l'achat ou la vente de leurs biens, de leurs effets ou marchandises, soit dans le chargement ou le déchargement ou l'expédition de leurs navires.

Enfin ils ne seront assujettis, dans aucun cas, à d'autres charges, taxes ou impôts que ceux auxquels sont soumis les nationaux, ou les sujets et citoyens de la Nation la plus favorisée.

ART. 3. Les sujets et citoyens respectifs jouiront, dans l'un et dans l'autre État, d'une constante et complète protection pour leurs personnes et leurs propriétés. Ils auront, en conséquence, un libre et facile accès auprès des tribunaux de justice, pour la poursuite et la défense de leurs droits, en toute instance et dans tous les degrés de juridiction établis par les lois. Ils seront libres d'employer, dans toutes les circonstances, les avocats, avoués ou agents de toute classe qu'ils jugeraient à propos; enfin, ils jouiront, sous ce rapport, des mêmes droits et priviléges que ceux qui seront accordés aux nationaux, et seront soumis aux conditions imposées à ces derniers.

Ils seront d'ailleurs exempts de tout service personnel, soit dans les armées de terre ou de mer, soit dans les gardes ou milices nationales, ainsi que de toute contribution de guerre, emprunts forcés, réquisitions ou services militaires quels qu'ils soient, et, dans tous les autres cas, ils ne pourront pas être assujettis pour leurs propriétés soit mobilières, soit immobilières, à d'autres charges, exactions ou impôts que ceux auxquels seraient soumis les nationaux eux-mêmes, ou les sujets et citoyens de la nation la plus favorisée sans exception; bien entendu que celui qui réclamera l'application de la dernière partie de cet article sera libre de choisir celui des deux traitements qui lui paraîtrait le plus favorable.

ART. 4. Les sujets et citoyens de l'un et l'autre État ne pourront être respectivement soumis à aucun embargo, ni être retenus avec leurs navires, cargaisons, marchandises ou effets, pour une expédition militaire quelconque, ni pour quelque usage public que ce soit, sans une indemnité débattue et fixée préalablement par les parties intéressées, et suffisante pour cet usage et pour les torts, pertes, retards et dommages qui dépendent ou qui naîtront du service auquel ils seront obligés.

ART. 5. Les sujets et citoyens de l'un et de l'autre État jouiront respectivement de la plus entière liberté de conscience, et ils pourront exercer leur culte de la manière que leur permettront la constitution et les lois du Pays où ils se trouveront.

ART. 6. Les sujets et citoyens des deux Pays seront libres de posséder des immeubles et de disposer comme il leur conviendra, par

vente, donation, échange, testament, ou de quelque autre manière que ce soit, de tous les biens qu'ils posséderaient sur les territoires respectifs. De même, les sujets et citoyens des deux États, qui seraient héritiers de biens situés dans l'autre, pourront succéder, sans empêchement, à ceux desdits biens qui leur seraient dévolus ab intestat, et en disposer selon leur volonté; et lesdits héritiers ou légataires ne seront pas tenus à acquitter des droits de succession ou autres plus élevés que ceux qui seront supportés, dans des cas semblables, par les nationaux eux-mêmes.

ART. 7. Si (ce qu'à Dieu ne plaise) la paix entre les deux Parties contractantes venait à être rompue, il serait accordé, de part et d'autre, un terme qui ne sera pas moins de six mois, aux commerçants qui se trouveront dans le Pays, pour régler leurs affaires et pour disposer de leurs propriétés, et, en outre, un sauf-conduit leur sera délivré pour s'embarquer dans tel port qu'ils indiqueront de leur propre gré, à moins qu'il ne soit occupé ou assiégé par l'ennemi, et que leur propre sûreté ou celle de l'État s'opposent à leur départ par ce port.

Tous les autres sujets et citoyens ayant un établissement fixe et permanent dans les États respectifs, pour l'exercice de quelque profession ou occupation que ce soit, pourront conserver leur établissement et continuer leur profession sans être inquiétés en aucune manière, et la possession pleine et entière de leur liberté et de leurs biens leur sera laissée tant qu'ils ne commettront aucune offense contre les lois du Pays. Enfin, leurs propriétés ou biens, de quelque nature qu'ils soient, ne seront assujettis à aucune saisie ou séquestre, ni à d'autres charges et impositions que celles exigées des nationaux. De même, les deniers dus par des particuliers, non plus que les fonds publics, ni Is actions de banques et compagnies, ne pourront jamais être saisis, séquestrés ou confisqués au préjudice des sujets et citoyens respectifs.

ART. 8. Le commerce français dans la République de Vénézuéla, et le commerce vénézuélien en France, seront traités, sous le rapport des droits de douane, tant à l'importation qu'à l'exportation comme celui de la nation étrangère la plus favorisée.

Dans aucun cas, les droits d'importation imposés en France sur les produits du sol ou de l'industrie du Vénézuéla, et dans le Vénézuéla sur les produits du sol ou de l'industrie de la France, ne pourront être autres ou plus élevés que ceux auxquels sont ou seront soumis les mêmes produits de la nation la plus favorisée. Le même principe sera observé pour l'exportation.

Aucune prohibition ou restriction d'importation ou d'exportation n'aura lieu dans le commerce réciproque des deux Pays, qu'elle ne soit également étendue à toutes les autres Nations, et les formalités qui

pourraient être requises pour justifier de l'origine et de la provenance des marchandises respectivement importées dans l'un des deux États seront également communes à toutes les autres Nations.

ART. 9. Tous les produits du sol et de l'industrie de l'un des deux Pays, dont l'importation n'est point expressément prohibée, paieront, dans les ports de l'autre, les mêmes droits d'importation, qu'ils soient chargés sur navires français ou vénézuéliens. De même, les produits exportés acquitteront les mêmes droits, et jouiront des mêmes franchises, allocations et restitutions de droits qui sont ou pourraient être réservées aux exportations faites sur bâtiments nationaux.

ART. 10. Les navires français arrivant dans les ports de Vénézuéla ou en sortant, et les navires vénézuéliens, à leur entrée ou à leur sortie des ports de France, ne seront assujettis ni à d'autres, ni à de plus forts droits de tonnage, de phares, de port, de pilotage, de quarantaine ou d'autres affectant le corps du bâtiment, que ceux auxquels sont ou seront assujettis les navires nationaux.

ART. 11. Les bâtiments français au Vénézuéla, et les bâtiments vénézuéliens en France, pourront décharger une partie de leur cargaison dans le port de prime abord, et se rendre ensuite, avec le reste de cette cargaison, dans d'autres ports du même État, soit pour y achever de débarquer leur chargement d'arrivée, soit pour y compléter leur chargement de retour, en ne payant, dans chaque port, d'autres ou de plus forts droits que ceux que paient les bâtiments nationaux dans des circonstances semblables.

ART. 12. Lorsque, par suite de relâche forcée ou d'avarie constatée, les navires de l'une des deux Puissances contractantes entreront dans les ports de l'autre ou toucheront sur les côtes, ils ne seront assujettis à aucun droit de navigation, sous quelque dénomination que ces droits soient respectivement établis, sauf les droits de pilotage et autres représentant le salaire de services rendus par des industries privées, pourvu que ces navires n'effectuent aucun chargement ni déchargement de marchandises. Il leur sera permis de déposer à terre les marchandises composant leur chargement, pour éviter qu'elles ne dépérissent, et il ne sera exigé d'eux d'autres droits que ceux relatifs au loyer des magasins et chantiers publics qui seraient nécessaires pour déposer les marchandises et pour réparer les avaries du bâtiment.

ART. 13. Seront considérés comme français au Vénézuéla, et comme vénézuéliens en France, les navires qui navigueront sous les pavillons respectifs, et qui seront porteurs des papiers de bord et des documents exigés par les lois de chacun des deux États pour la justification de la nationalité des bâtiments de commerce. Les deux Parties contractantes se réservent d'ailleurs le droit, si les intérêts de leur navigation ve

naient à souffrir de la teneur de cet article, d'y apporter, cinq ans après la ratification du présent Traité, telles modifications qui leur paraîtraient convenables, aux termes de leur législation respective.

ART. 14. Les navires, marchandises et effets appartenant aux sujets et citoyens respectifs, qui auraient été pris par des pirates, et conduits ou trouvés dans les ports de la domination de l'un ou de l'autre Pays, seront remis à leurs propriétaires, en payant, s'il y a lieu, les frais de reprise qui seront déterminés par les tribunaux respectifs, lorsque le droit de propriété aura été prouvé devant ces tribunaux et sur la réclamation qui devra en être faite, dans le délai d'un an, par les parties intéressées, par leurs fondés de pouvoirs ou par les agents des Gouvernements respectifs.

ART. 15. Les bâtiments de guerre de l'une des deux Puissances pourront entrer, séjourner et se radouber dans ceux des ports de l'autre Puissance dont l'accès est accordé à la nation la plus favorisée; ils y seront soumis aux mêmes règles et y jouiront des mêmes avantages.

ART. 16. S'il arrive que l'une des deux Parties contractantes soit en guerre avec quelque autre pays tiers, l'autre Partie ne pourra, dans aucun cas, autoriser ses nationaux à prendre ni accepter des commissions ou lettres de marque, pour agir hostilement contre la première ou pour inquiéter le commerce et les propriétés de ses sujets ou citoyens.

ART. 17. Les deux Parties contractantes adoptent, dans leurs relations mutuelles, le principe que le pavillon couvre la marchandise. Si l'une des deux Parties reste neutre quand l'autre est en guerre avec quelque autre puissance, les marchandises couvertes du pavillon neutre sont aussi réputées neutres, même quand elles appartiendraient aux ennemis de l'autre Partie contractante.

Il est également convenu que la liberté du pavillon assure aussi celle des personnes, et que les individus appartenant à une puissance ennemie, qui seraient trouvés à bord d'un bâtiment neutre, ne pourront pas être faits prisonniers, à moins qu'ils ne soient militaires, et actuellement engagés au service de l'ennemi.

En conséquence du même principe sur l'assimilation du pavillon et de la marchandise, la propriété neutre trouvée à bord d'un bâtiment ennemi sera considérée comme ennemie, à moins qu'elle n'ait été embarquée dans ce navire avant la déclaration de guerre ou avant qu'on eût connaissance de cette déclaration dans le port d'où le navire est parti.

Les deux Parties contractantes n'appliqueront ce principe, en ce qui concerne les autres Puissances, qu'à celles qui le reconnaitront également.

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