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TRAITÉ D'AMITIÉ

DE COMMERCE ET DE NAVIGATION

ENTRE

la France et la République de Nicaragua

CONCLU A WASHINGTON, LE 11 AVRIL 1859.

ART. 1er. Il y aura paix constante et amitié perpétuelle et sincère entre Sa Majesté l'Empereur des Français, ses héritiers et successeurs, d'une part, et la République de Nicaragua d'autre part, et les sujets et citoyens des deux États, sans exception ni de personnes ni de lieux.

ART. 2. Il y aura entre tous les territoires des États de Sa Majesté l'Empereur des Français, en Europe, et ceux de la République de Nicaragua, une liberté réciproque de commerce. Les sujets et citoyens des deux États pourront entrer en toute liberté, avec leurs navires et cargaisons, dans tous les lieux, ports et rivières des deux États qui sont ou seront dans l'avenir ouverts au commerce étranger.

Ils pourront y faire le commerce d'échelle, pour y décharger, en tout ou en partie, les cargaisons par eux apportées de l'étranger, et pour former successivement leurs cargaisons de retour; mais ils n'auront pas la faculté d'y décharger les marchandises qu'ils auraient reçues dans un autre port du même État, ou, autrement, de faire le cabotage, qui demeure exclusivement réservé aux nationaux.

Ils pourront, sur les territoires respectifs, voyager ou séjourner, commercer tant en gros qu'en détail, comme les nationaux; louer et occuper les maisons, magasins et boutiques qui leur seront nécessaires; effectuer des transports de marchandises et d'argent, et recevoir des consignations; être admis comme caution aux douanes, quand il y aura plus d'un an qu'ils seront établis sur les lieux et que les biens fonciers qu'ils y posséderont présenteront une garantie suffisante.

Ils seront entièrement libres de faire leurs affaires eux-mêmes ou

de se faire suppléer par qui bon leur semblera, facteur, agent consignataire ou interprète, sans avoir, comme étrangers, à payer aucun surcroît de salaire ou rétribution.

Ils seront également libres, dans tous leurs achats comme dans toutes leurs ventes, de fixer le prix des effets, marchandises et objets quelconques, tant importés que destinés à l'exportation, sauf à se conformer aux lois et règlements du pays.

ART. 3. Sa Majesté l'Empereur des Français s'oblige, en outre, à ce que les citoyens de Nicaragua jouissent de la même liberté de commerce et de navigation stipulée dans l'article précédent, dans les domaines de Sa Majesté situés hors d'Europe, qui sont ou seront dans l'avenir ouverts au commerce et à la navigation de la nation la plus favorisée; et, réciproquement, les droits établis par le présent Traité en faveur des Français seront communs aux habitants des colonies françaises.

ART. 4. Les sujets et citoyens respectifs jouiront, dans les deux États, d'une constante et complète protection pour leurs personnes et leurs propriétés; ils auront un libre et facile accès auprès des tribunaux de justice pour la poursuite et la défense de leurs droits, et ce, aux mêmes conditions qui seront en usage pour les citoyens du pays dans lequel ils résideront.

Ils seront maîtres à cet effet d'employer, dans toutes les circonstances, les avocats, avoués et agents de toute classe qu'ils jugeront à propos; enfin ils auront la faculté d'être présents aux décisions et sentences des tribunaux dans les causes qui les intéresseront, comme aussi à toutes les enquêtes et dépositions de témoins qui pourront avoir lieu à l'occasion des jugements, toutes les fois que les lois des pays respectifs permettront la publicité de ces actes.

Ils seront d'ailleurs exempts de tout service personnel, soit dans les armées de terre ou de mer, soit dans les gardes ou milices nationales, ainsi que de toutes les contributions de guerre, emprunts forcés, réquisitions militaires, et, dans tous les autres cas, ils ne pourront être assujettis, pour leurs propriétés, soit mobilières, soit immobilières, ni à aucun autre titre quelconque, à d'autres charges ordinaires ou extraordinaires que celles payées par les nationaux eux-mêmes.

Les sujets et citoyens des deux pays auront le droit de se transporter en tous lieux sur les territoires de l'un et de l'autre pays, et jouiront, en toute circonstance, de la même sécurité que les sujets et citoyens du pays dans lequel ils résident, à la condition par eux d'observer dûment les lois et ordonnances.

ART. 5. Les Français catholiques jouiront, dans la République de Nicaragua, sous le rapport de la religion et du culte, de toutes les

libertés, garanties et protection dont les nationaux y jouissent; et les citoyens du Nicaragua catholiques jouiront également en France des mêmes libertés, garanties et protection que les nationaux.

Les Français professant un autre culte, qui se trouveraient dans la République de Nicaragua, jouiront également de la plus parfaite et entière liberté de conscience, sans pouvoir être inquiétés, molestés ou tourmentés pour cause de religion. Ils ne pourront pas non plus être inquiétés, molestés ou tourmentés dans l'exercice de leur religion, dans des maisons particulières, dans des chapelles, ou dans des places destinées à leur culte, pourvu qu'en agissant ainsi ils observent la bienséance due au culte divin et le respect dù aux lois du pays. La liberté leur sera aussi accordée d'ensevelir ceux des leurs qui viendraient à décéder sur les territoires de la République de Nicaragua dans des places convenables, appropriées et choisies par eux-mêmes à cet effet, à la connaissance des autorités locales, sans que leurs funérailles ou sépultures puissent être troublées d'aucune manière ni sous aucun prétexte.

De la même manière, les citoyens de Nicaragua appartenant à une autre religion que la religion catholique jouiront des mêmes droits. dans les territoires des États de Sa Majesté l'Empereur des Français.

ART. 6. Les sujets et les citoyens des deux pays seront libres de disposer comme il leur conviendra, par vente, donation, échange, testament, ou de quelque autre manière que ce soit, de tous les biens qu'ils posséderaient sur les territoires respectifs. De même, les sujets ou citoyens de l'un des deux États qui seraient héritiers de biens situés dans l'autre pourront succéder, sans empêchement, à ceux desdits biens qui leur seraient dévolus ab intestat; et les héritiers ou légataires ne seront pas tenus à acquitter des droits de succession autres ou plus élevés que ceux qui seraient supportés dans des cas semblables par les nationaux eux-mêmes.

ART. 7. Les sujets et citoyens de l'un et l'autre État ne pourront être respectivement soumis à aucun embargo, ni être retenus avec leurs navires, équipages et cargaisons et effets de commerce pour une expédition militaire quelconque, ni pour quelque usage public ou particulier que ce soit, sans qu'il soit immédiatement accordé aux intéressés une indemnité suffisante pour cet usage, et pour les torts et les dommages qui, n'étant pas purement fortuits, naîtront du service auquel ils seront obligés.

ART. 8. Si (ce qu'à Dieu ne plaise!) la paix entre les deux Hautes Parties contractantes venait à être rompue, il sera accordé, de part et d'autre, un délai de six mois aux commerçants qui se trouveront sur les côtes, et d'une année entière à ceux qui se trouveront dans l'inté

rieur du pays pour régler leurs affaires et pour disposer de leurs propriétés, et, en outre, un sauf-conduit leur sera délivré pour s'embarquer dans tel port qu'ils désigneront de leur propre gré.

Tous les autres sujets et citoyens ayant un établissement fixe et permanent dans les États respectifs, pour l'exercice de quelque profession ou occupation particulière, pourront conserver leur établissement et continuer leur profession sans être inquiétés en aucune manière, et ceux-ci, aussi bien que les négociants, conserveront la pleine possession de leur liberté et de leurs biens, tant qu'ils ne commettront aucune offense contre les lois du pays. Enfin, leurs propriétés ou biens de quelque nature qu'ils puissent être, comme aussi les deniers dus par les particuliers ou par l'État, et les actions de banque ou de compagnies, ne seront assujettis à d'autres embargos, séquestre, ni à aucune autre réclamation, que ceux qui pourraient avoir lieu à l'égard des mêmes effets ou propriétés appartenant à des nationaux.

ART. 9. Le commerce français dans le Nicaragua, et le commerce nicaraguaien en France, seront traités, sous le rapport des droits de douane, tant à l'importation qu'à l'exportation, comme celui de la nation la plus favorisée.

Dans aucun cas, les droits d'importation imposés en France sur les produits du sol ou de l'industrie de Nicaragua, et dans le Nicaragua sur les produits du sol ou de l'industrie de la France, ne pourront être autres ou plus élevés que ceux auxquels sont ou seront soumis les mêmes produits importés par la nation la plus favorisée.

Aucune prohibition d'importation ou d'exportation n'aura lieu dans le commerce réciproque des deux pays, qu'elle ne soit également étendue à toutes les autres nations.

Les formalités qui pourraient être requises pour justifier de l'origine et de la provenance des marchandises respectivement importées dans l'un des deux États seront également communes à toutes les autres nations.

ART. 10. Les produits du sol et de l'industrie de l'un des deux pays payeront dans les ports de l'autre, les mêmes droits d'importation qu'ils soient chargés sur navires français ou nicaraguaiens.

De même, les produits exportés acquitteront les mêmes droits et jouiront des mêmes franchises, allocations et restitutions qui sont ou seront réservées aux exportations faites sur bâtiments nationaux. Toutefois, il est fait exception à ce qui précède en ce qui concerne les avantages et encouragements particuliers dont la pêche nationale est ou pourra être l'objet dans l'un ou l'autre pays.

ART. 11. Les navires français arrivant dans les ports de Nicaragua ou en sortant, et les navires nicaraguaiens à leur entrée en France ou

à leur sortie, ne seront assujettis à d'autres ni de plus forts droits de tonnage, de phare, de port, de pilotage, de quarantaine ou autres affectant le corps du bâtiment, que ceux auxquels sont ou seront respectivement assujettis les navires nationaux dans les deux pays.

Les droits de tonnage et autres qui se prélèvent en raison de la capacité des navires seront d'ailleurs perçus en France, pour les navires nicaraguaiens, d'après le registre nicaraguaien du navire, et, pour les navires français dans le Nicaragua, d'après le passeport ou congé français du navire.

ART. 12. Les navires respectifs qui relâcheront dans les ports ou sur les côtes de l'un ou de l'autre État ne seront assujettis à aucun droit de navigation, sous quelque dénomination que ces droits soient respectivement établis, sauf les droits de pilotage, phare et autres de même nature, représentant le salaire de services rendus par des industries privées, pourvu que ces navires n'effectuent aucun chargement ni déchargement de marchandises.

Toutes les fois que les citoyens des deux Hautes Parties contractantes seront forcés de chercher un refuge ou un asile dans les rivières, baies, ports ou territoires de l'autre, avec leurs navires tant de guerre que marchands, publics ou particuliers, par l'effet du mauvais temps ou de la poursuite des pirates ou des ennemis, il leur sera donné toute protection pour qu'ils puissent réparer leurs navires, se procurer des vivres et se mettre en état de continuer leur voyage sans aucun empèchement; et même, dans le cas où, à raison de relâche forcée, les navires respectifs seraient obligés de déposer à terre les marchandises composant leurs chargements, ou de les transborder sur d'autres navires pour éviter qu'elles ne dépérissent, il ne sera exigé d'eux d'autres droits que ceux relatifs aux loyers des magasins, cours et chantiers qui seraient nécessaires pour déposer les marchandises et pour réparer les avaries des bâtiments.

De plus, les citoyens des deux États qui navigueront sur des bâtiments de guerre ou marchands, ou sur des paquebots, se prêteront, en haute mer et sur les côtes, toute espèce de secours, en vertu de l'amitié qui existe entre les deux États.

ART. 13. Seront considérés comme français les bâtiments construits en France, ou ceux acquis par achat ou autre titre translatif de propriété, ou ceux qui, capturés sur l'ennemi par des armements français, auront été déclarés de bonne prise, ou enfin ceux qui auront été condamnés par les tribunaux français pour infraction aux lois, pourvu toutefois que les propriétaires, les capitaines et les trois quarts de l'équipage soient français.

De même, devront être considérés comme nicaraguaiens les bâti

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