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timent indestructible dans lequel nous devons nous unir!( Applaudissemens.)

>> Si nous le faisons ici avec loyauté et du fond de notre cœur, toutes les divisions disparaissent du sol de la République; les tyrans sont sans appui, et la patrie est sauvée !

» Les principes qui doivent nous guider dans la mesure à prendre sur cet objet sont universellement reconnus.

» La liberté de la presse et la liberté d'opinion doivent être protégées dans tout gouvernement qui n'est pas arbitraire; mais il est évident pour tous que cette liberté ne consiste nullement à pouvoir troubler avec impunité, par la manifestation de ses pensées ou de ses écrits, l'ordre public établi par la loi.

» Il est évident que cette liberté ne consistera jamais à pouvoir provoquer impunément la discorde, la guerre civile, le renversement de la liberté, le règne de la tyrannie, et le massacre des représentans du peuple.

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Chaque citoyen a le droit de parler et d'écrire; mais si, au lieu d'user de ce droit sacré pour sauver la patrie, il en abuse pour la perdre, il en est évidemment responsable aux yeux de la nation et de la loi.

» Il est certain d'un autre côté que dans les momens révolutionnaires toutes les espèces de liberté, même la liberté individuelle, doivent souffrir quelques modifications; et qu'on ne dise pas, conime quelques personnes l'ont répété si souvent, qu'alors les principes sont violés! Non, citoyens, ils ne le sont pas ce sont de justes exceptions que le salut public commande, et ces exceptions ne violent pas le principe, car elles sont aussi fondamentales, aussi utiles, aussi sacrées que le principe même.

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Déjà vous avez rendu un décret qui prononce la peine de mort contre tout citoyen qui proposerait le rétablissement de la royauté.

» Un autre décret porte la même peine contre quiconque proposerait la loi agraire ou la subversion des propriétés. (Voyez ci-après.)

» Vous avez donc pensé que dans certains cas et pour l'utilité commune il fallait restreindre la liberté de parler et d'écrire. » Vous avez désarmé les citoyens suspects.

» Hé bien, il n'est pas d'armes aussi 'dangereuses que les

perfides écrits que votre comité vous dénonce. Hâtez-vous donc de les briser dans les mains de vos ennemis, et effrayez par une loi sévère tous ceux qui désormais auraient la criminelle audace d'en composer ou d'en distribuer de nouvelles !

>>

Quelques membres de votre comité avaient d'abord pensé qu'aux termes de la loi du 4 décembre, qui porte en termes généraux « que quiconque proposera ou tentera d'établir en » France la royauté ou tout autre pouvoir attentatoire à la sou» veraineté du peuple sera puni de mort » il fallait regarder comme coupables de ce délit et renvoyer en conséquence au tribunal révolutionnaire les libraires qui vendent des brochures où l'on propose le rétablissement de la royauté et la dissolution de la représentation nationale.

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Mais les citoyens qui ont été amenés comme prévenus de cet infâme trafic ont paru si éloignés de croire qu'ils fussent dans l'application de la loi, ils ont parlé si longtemps et si opiniâtrément de la liberté de la presse et de l'ignorance où ils prétendent se trouver eux-mêmes relativement aux écrits qu'ils débitent, que votre comité a unanimement reconnu qu'il était de la sagesse de la Convention de rendre à cet égard une loi précise, et tellement claire qu'il ne pût rester ni prétexte aux malveillans ni incertitude dans les tribunaux.

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Il vous propose donc le projet de décret suivant, qui n'est qu'une addition à celui du 4 décembre. »

L'article 1er du projet de Lamarque est adopté à l'unanimité. Le second, qui frappait de la même peine les auteurs, imprimeurs et distributeurs de ces écrits, reçoit quelques modifications. Voici la loi anglaise, dit Marat: on arrête le premier colporteur de tel écrit; on le menace de la peine décernée contre l'auteur s'il ne le nomme pas ; il nomme l'imprimeur : la même menace force l'imprimeur à déclarer le nom de l'auteur. Ainsi le seul coupable porte la peine de la loi. Les seuls, les véritables coupables, ajoute Lasource, sont les auteurs et les imprimeurs, et non les colporteurs, trop jeunes souvent ou trop ignorans pour pouvoir être soupçonnés du crime de provocation ; et ce serait une barbarie que de les punir d'un crime qui n'est et ne peut être le leur. Je demande contre eux la peine de trois mois de

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détention s'ils désignent l'imprimeur, et de deux ans s'ils ne le désignent pas. (Adopté.)—Lehardy demande la peine de mort contre ceux qui provoquent le rappel ou le meurtre d'un député pour cause de son opinion; Duhem la veut également contre ceux qui provoqueront la guerre civile en proposant la convocation des assemblées primaires... Cette proposition excite des murmures à droite. (1) - Prononcez aussi la peine de mort, dit Chénier, contre ceux qui provoquent à l'assassinat d'un simple citoyen, car la vie du plus simple citoyen est aussi précieuse que celle d'un représentant du peuple. Je m'oppose à cette dernière mesure, s'écrie Marat; elle est trop vague; elle serait un glaive à deux tranchans, sous lequel tomberaient également et les patriotes et les contre-révolutionnaires: or ce sont les contre-révolutionnaires que nous voulons atteindre ; ce sont eux seuls qui cherchent à perdre la liberté, ce sont eux seuls que doit frapper leglaive de la loi. — Je n'ai point fait un amendement, reprend Chénier; j'ai proposé un article additionnel contre les plus dangereux perturbateurs de l'ordre public; car il n'est pas à mon sens de crimes plus contre-révolutionnaires que de provoquer par des écrits le meurtre et la violation des propriétés. Si vous voulez atteindre les provocateurs de ces crimes vous devez prononcer contre eux une loi précise. La Convention adopte comme article additionnel la proposition de Chénier, rédigée par Barbaroux, et le décret suivant est rendu (29 mars 1793):

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« La Convention nationale décrète :

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Art. 1. Quiconque sera convaincu d'avoir composé ou imprimé des ouvrages ou écrits qui provoquent la dissolution de la représentation nationale, le rétablissement de la royauté

(1) La proposition de convoquer les assemblées primaires pour pro· céder par un scrutin épuratoire à la confirmation ou au rappel des députés de leur département, cette imprudente et dangereuse propo sition, faite d'abord par Guadet le 9 décembre 1792 ( voyez tome X, page 240), avait depuis été renouvelée plusieurs fois par des membres de la droite, et toujours repoussée avec indignation. Elle fat une des causes de la haine des montagnards contre les girondins.

ou de tout autre pouvoir attentatoire à la souveraineté du peuple sera traduit au tribunal extraordinaire, et puni de mort.

» 2. Les vendeurs, distributeurs et colporteurs de ces ouvrages ou écrits seront condamnés à une détention qui ne pourra excéder trois mois s'ils déclarent les auteurs, imprimeurs ou autres personnes de qui ils les tiennent; s'ils refusent cette déclaration ils seront punis de deux années de fers.

» Article additionnel. La Convention nationale décrète que ceux qui provoqueront par leurs écrits le meurtre et la violation des propriétés seront punis, savoir: 1o de la peine de mort lorsque le délit aura suivi la provocation; 2o de la peine de six années de fers lorsque le délit ne l'aura pas suivie. »

DE LA JUSTICE DISTRIBUTIVE, DE LA LOI AGRAIRE, etc.

Un décret, rendu dans l'intervalle des deux discussions relatives aux journaux et aux pamphlets, avait déjà proclamé, ordonné le respect des propriétés en frappant de la peine de mort quiconque proposerait la loi agraire; mais avant de passer à cette délibération il n'est pas inutile de lire le discours qui, mal compris, avait donné à des citoyens l'idée du partage des biens.

DISCOURS et proposition de Carra concernant l'établissement d'une commission de justice distributive. (Séance du 25 février 1793.)

<< Citoyens législateurs, si le temps est arrivé où le peuple a repris ses droits, usurpés par des rois ou tyrans et des par castes ci-devant privilégiées, pourquoi ne serait-il pas venu aussi ce temps où, après avoir repris ses droits, la nation reprendrait sa fortune dans les mains de ceux qui l'ont dilapidée, volée, et qu'une longue impunité a soustraits à de justes restitutions? Partout où le peuple retrouve son bien il a le droit de le reprendre; c'est un axiome incontestable non seulement de sa souveraineté, mais de la justice, de la raison et de la politique universelle. L'histoire du genre humain en fournit des milliers d'exemples; nous ne citerons que ceux offerts par l'histoire de France elle-même.

» En 1412 les états généraux furent convoqués à Paris : alors, comme de nos jours, la fortune de l'État avait été mise en péril par l'imbécillité d'un roi et la déprédation des finances. Le chancelier, suivant l'usage, demanda aide et secours,

et

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proposa de charger le peuple pour cette fois le peuple fut épargné, parce que le docteur Parilly eut le courage de dénoncer les abus et de provoquer les restitutions. Voici l'extrait de son discours : «Il semble, dit-il en s'adressant au roi, que vous avez vos finances en plusieurs lieux, et que vous pouvez prendre icelles finances..... Qu'on enquerre quelles substances les généraux et le souverain maître des >> finances pouvaient avoir quand ils entrèrent dans leurs offices; quels gages ils ont reçus, combien ils doivent en avoir dépensé raisonnablement, et ce qu'ils ont de présent, les grandes rentes et possessions qu'ils ont acquises, et les grands édifices qu'ils ont fait faire. »

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» Ce discours, qui appartient à notre siècle, fixa l'atteution des états généraux. Les vues du docteur Parily furent adoptées; mais le despotisme de la cour et les intrigues des courtisans en annulerent bientôt l'effet plusieurs financiers, à la vérité, furent mis en prison; d'autres se réfugièrent dans des églises; presque tous composèrent; mais les protecteurs profiterent seuls des compositions.

>>

Citoyens, telle était parfois la justice des rois; mais le principe qui la provoquait a survécu à tous les siècles, et ce principe nous fournit aujourd'hui un grand trait de lumière dont la justice, la raison et la patrie en danger doivent profiter.

» La République a ses finances en plusieurs lieux ; au nom de la nation elle peut prendre icelles finances... Sans doute lorsque le peuple a affaibli ses moyens de vivre pour alimenter la chose publique il a supposé que cette portion de sa subsistance n'aurait pas d'autre destination, et s'il trouve cette portion dans la main d'un agent infidele il a droit de la reprendre; sans doute la contribution n'a pu être énoncée que dans ces termes : je donne à la chose commune; si toi, intermédiaire, appliques à ton profit une partie de ce don, tu restitueras..... Cette condition est tellement dans la nature des choses, elle a été si bien sous-entendue, que depuis 1412 le ministre des finances a souvent de son autorité condamné les financiers, d'après les connaissances qu'il avait de leur fortune, à en restituer une partie, et que le gouvernement a créé neuf chambres de justice pour faire la recherche de leurs malversations, et les punir par la confiscation de corps et de biens : on peut voir dans les anciens recueils les lois qui ont formé ces établissemens; elles sont des années 1581, 1584, 1597, 1601, 1604, 1607, 1624, 1662, 1716. Toutes présentent les mêmes motifs, et tendent au même but ; mais celle de 1716 contient de plus grands développemens.

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