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suscitées à Madagascar, d'une part, en raison du refus persistant de la Cour d'Émirne d'exécuter les engagements solennels contractés envers nous, de l'autre, par suite des empiétements du Gouvernement Hova sur les territoires de la côte Nord-Ouest auxquels s'appliquent les conventions particulières conclues avec la France de 1840 à 1843 par divers chefs indigènes. Je n'ai pas à entrer ici dans le détail de ces griefs, dont la correspondance du Commissariat de France n'est en quelque sorte que le long exposé. En les résumant, le 29 mai dernier, dans une note adressée au Ministre des Affaires étrangères de la Reine Ranavalo II, M. Baudais formulait une protestation contre la présence du pavillon de la Reine arboré, au mépris de nos droits, sur le litt oral en face de Mayotte et de Nossi-Bé. Une fin de nonrecevoir absolue a été la seule réponse donnée à cette communication, et le Commissaire du Gouvernement de la République, après avoir protesté, a cru devoir, en présence des démonstrations hostiles dont il était l'objet, quitter Tananarive. Le Commandant de la station navale de la mer des Indes appuyait en même temps l'action de notre représentant par des avertissements donnés au Gouverneur de Tamatave et suivis de l'enlèvement de deux des pavillons indûment placés sur la côte Nord-Ouest.

La résolution annoncée vers la même époque par le Gouvernement de la Reine Ranavalo d'envoyer une ambassade à Paris, nous a fait suspendre les opérations ainsi commencées. Il nous répugnait en effet de recourir à l'emploi des mesures coërcitives tant que les voies diplomatiques présentaient une chance de succès, si faible qu'elle fût, pour assurer la sécurité de la personne et des biens de nos nationaux et faire respecter notre situation dans la grande île africaine.

C'est avec le plus sincère désir d'en venir à une entente que nous avons ouvert des conférences qui ont eu lieu à Paris entre la mission hova et les représentants des deux Départements de la Marine et des Affaires étrangères. Ajournant l'examen des réclamations particulières en souffrance et nous abstenant d'insister sur nos droits historiques, auxquels nous ne pouvions pas plus renoncer que les Gouvernements précédents, nous nous sommes bornés à demander l'enlèvement des pavillons et des postes hovas établis sur les territoires du Nord-Ouest et la stricte

observation des clauses du traité de 1868 qui consacrent en faveur des résidents français le droit de posséder des immeubles.

Les envoyés hovas ont paru disposés à nous donner sur le premier point des satisfactions relatives; mais, non contents d'exiger de notre part l'abandon implicite des droits généraux que je viens de rappeler plus haut, ils ont émis la prétention de limiter pour nos nationaux le droit d'acquérir des biens-fonds à la faculté de contracter des baux de vingt-cinq ans, renouvelables deux fois seulement et au gré de la Reine.

Le Gouvernement de la République n'a pas cru pouvoir, dans ces conditions, prolonger les pourparlers, et les conférences ont pris fin. Les Représentants de la Cour d'Émirne se sont immé

diatement rendus à Londres.

Nous n'avons laissé ignorer au Gouvernement Britannique ni la légitimité de nos griefs ni la modération de nos vues, et il est permis d'espérer que la mission hova ne trouvera pas, de ce côté, tous les encouragements qu'elle paraît s'être flattée de rencontrer.

Le Ministre de la Marine prend en ce moment, de concert avec moi, les mesures que réclament la sécurité de nos nationaux établis en Madagascar et la défense de nos droits.

M. Duclerc à M. Raffray (1).

DUCLERC.

Paris, le 9 décembre 1882.

Le Cabinet de Berlin m'a récemment fait part de son intention de ne s'immiscer en rien dans les incidents auquels peuvent donner lieu les affaires de Madagascar, et il m'a exprimé le désir de placer sous la protection des agents français, la personne et les intérêts des sujets allemands établis dans l'île, pour le cas où des troubles viendraient à éclater. Nous avons pris acte de ces assurances en répondant au Gouvernement Impérial que nous étions prêts à déférer à sa demande. Nous l'avons prié en même temps de nous fournir sur le nombre de ses nationaux et sur leurs établissements les renseignements propres à faciliter notre action.

Dès que ces indications nous seront parvenues, le Ministre de la Marine enverra des instructions dans le même sens au Commandant de notre station navale. J'ai tenu à ce que, dès à pré (1) Livre jaune, no 2.

sent, vous fussiez mis au courant de la démarche du Cabinet de Berlin et de notre réponse, pour régler votre conduite si quelque sujet allemand venait à réclamer votre protection.

DUCLERC.

M. Fallières, Chargé par intérim du Ministère des Affaires étrangères, à M. Raffray (1).

Paris, le 11 février 1883.

La lettre que M. Duclerc vous a adressée le 8 décembre dernier vous avait mis au courant de la situation où nous nous trouvions, à cette date, vis-à-vis du Gouvernement de Tananarive. Le Gouvernement de la République a aujourd'hui arrêté définitivement les premières mesures que cette situation rendait nécessaires, et je puis vous annoncer que le contre-amiral Pierre, nommé Commandant de la division navale de la mer des Indes, a récemment arboré son pavillon à bord de la Flore, et qu'il a quitté Toulon pour faire route le plus rapidement possible vers les parages de Madagascar. Les instructions remises à cet officier général ont été concertées entre les Départements de la Marine et des Affaires étrangères elles ont pour objet d'assurer tout d'abord le respect intégral des droits de souveraineté ou de protectorat que nous tenons des traités sur la côte Nord-Ouest. La tâche ainsi assignée à notre marine constitue un acte purement défensif, une mesure de police en quelque sorte, qui ne peut en aucune façon être assimilée à une expédition en pays ennemi. Nous devons espérer que, renfermée dans ces limites, une action prompte et énergique de notre part aura pour effet, en établissant clairement aux yeux des Hovas la fermeté et la modération de nos résolutions, de nous dispenser d'une démonstration militaire ultérieure sur la côte orientale de l'île.

J'ai à peine besoin d'ajouter que vous devrez vous maintenir en complet accord avec le Commandant en chef, et faciliter, par tous les moyens en votre pouvoir, l'accomplissement de la mission qui lui est confiée par le Gouvernement de la République.

En dehors des mesures à concerter avec les stationnaires de l'escadre pour la sécurité de nos nationaux et des étrangers placés sous notre protection, vous n'aurez d'ailleurs à prendre aucune (1) Livre jaune, no 3.

initiative, et vous vous renfermerez dans la réserve qui, en présence des procédés de la cour de Tananarive, doit rester jusqu'à nouvel ordre la règle de votre attitude à l'égard des fonctionnaires hovas.

FALLIÈRES.

M. Raffray à M. Duclerc (1).

Tamatave, le 13 janvier 1883. (Arrivée le 19 février 1883.)

J'ai reçu hier soir des nouvelles de Tananarive que je crois intéressant de transmettre à Votre Excellence.

Le premier Ministre a réuni tous les Européens résidant à la capitale et, après avoir affirmé le désir de la Reine de vivre en bonne intelligence avec les Puissances européennes et avoir fait allusion aux dissentiments qui se sont élevés entre le Gouvernement français et la Cour d'Émirne, dissentiments qui, a-t-il dit, ont été beaucoup exagérés par les journaux et les rumeurs publiques, il a ajouté que les Européens n'avaient rien à craindre dans la capitale, mais qu'il leur conseillait de ne pas aller dans les campagnes.

Le premier Ministre n'a adressé ni à moi, ni au Consul d'Angleterre aucune communication officielle ou officieuse à ce sujet. M. Pakenham m'a du moins affirmé n'avoir rien reçu. Ce matin, je me suis rendu près du Gouverneur de Tamatave et lui ai demandé si le premier Ministre ne l'avait chargé d'aucune communication verbale relative à cette affaire. Le Gouverneur m'a répondu qu'il ignorait complètement le fait en question, et que même il refusait d'y croire jusqu'à ce qu'il en eût reçu la nouvelle officielle du premier Ministre. Je lui fis remarquer que cela était parfaitement véridique, puisque tous les Européens en avaient été témoins et que les renseignements transmis par eux étaient parfaitement concordants. M. le Gouverneur persévéra dans son incrédulité. Je terminai ma visite en lui disant que je le rendais personnellement responsable de la sécurité des Français dans l'étendue de son Gouvernement.

J'ai adressé au premier Ministre une lettre dont j'ai l'honneur de remettre ci-inclus copie à Votre Excellence.

J'ai reçu de Tananarive d'autres renseignements moins précis, il est vrai, mais qui présentent de l'intérêt.

(1) Livre jaune, no 4.

Lorsque le Gouvernement hova eut appris la rupture des négociations entre ses Ambassadeurs et le Gouvernement français, il régna, paraît-il, à Tananarive, une certaine irritation; on se décida à ne céder sur aucun point et on commença des préparatifs militaires qui se continuent encore aujourd'hui : réparation de tous les vieux fusils, fabrication de lances, balles, boulets, ordre aux officiers d'exercer leurs troupes, etc.

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A M. RAINILAIARIVONY, PREMIER MINISTRE A TANANARIVE.
Tamatave, le 12 janvier 1883.

Mes nationaux m'ont informé que, le mercredi 3 janvier, Votre Excellence, au nom de la Reine, a réuni au palais les différents Européens habitart Tananarive et leur a déclaré que leurs personnes et leurs biens n'avaient rien à craindre dans la ville, mais que Votre Excellence leur conseillait de ne pas aller dans les campagnes.

Votre Excellence comprendra que, si les distances l'ont empêchée de s'entendre au préalable avec le Consulat de France sur la nature de cette démarche, j'ai du moins lieu d'être fort surpris que Votre Excellence ait oublié de m'en informer Elle-même immédiatement, en me faisant connaître aussi les motifs qui l'ont déterminée à faire cette communication à mes nationaux.

Je remercie Votre Excellence de l'assurance qu'Elle a donnée que les Européens n'avaient rien à craindre à Tananarive.

Je ne doute pas, d'ailleurs, que le Gouvernement de la Reine ne prenne des mesures énergiques pour assurer la sécurité des Français, non seulement dans la capitale, mais encore sur tout le royaume de la Reine. Votre Excellence voudra bien apprécier qu'Elle est d'autant plus gravement responsable vis-à-vis du Gouvernement français de la sécurité de mes nationaux, résidant dans les pays de la Reine, que la surexcitation dont elle parle est plus grande parmi ses sujets.

Je suis désireux aussi de connaître l'opinion de Votre Excellence sur la sécurité des Français disséminés dans les campagnes sur la côte Est et Nord de Madagascar. RAFFRAY.

Instructions données par le Ministre de la Marine à M. le contre-amiral Pierre, commandant en chef de la division navale des Indes, à bord de la Flore (1).

Paris, le 17 mars 1883.

Vous ferez disparaître les postes établis par les Hovas sur les

(1) Livre jaune, ão 5.

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