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sera une sentence accordant pleine compensation aux propriétaires spoliés de cette cargaison, qui ont longtemps souffert d'une flagrante injustice.

Maintenant n'est-ce pas le rôle évident, n'est-ce pas le devoir du gouvernement hollandais, du gouvernement du pays qui donna naissance à Hugo Grotius, de se rapprocher des États-Unis de l'Amérique du Nord, de concert avec d'autres puissances maritimes, dans le but d'insister près de leur Gouvernement pour qu'il revienne sur ses pas? A mon sens, c'est là clairement notre devoir.

La question que je pose donc au ministère des affaires étrangères est celle-ci Est-il d'accord avec moi sur cet important sujet? Et s'il l'est, le représentant de Sa Majesté à Washington a-t-il reçu l'autorisation et les instructions pour arriver de son mieux à l'accomplissement du but désiré? (Applaudissements.)

- M. Van der Does van Willebois. L'honorable membre pour Utrecht a appelé mon attention sur l'affaire du Springbok, et dans un discours que j'ai écouté avec grand plaisir, il m'a demandé si moi, ministre des Affaires étrangères d'un pays qui a donné naissance à Grotius, le vaillant défenseur du Mare liberum, je veux donner au ministre de Sa Majesté à Washington, des instructions pour presser le Gouvernement américain de répudier et de redresser ce qui a été fait au sujet de la cargaison du Springbok, et ainsi d'obtenir de ce Gouvernement la reconnaissance pratique du principe si important de l'immunité de la propriété neutre sur mer en temps de guerre.

Je suis parfaitement d'accord avec l'honorable membre sur ceci, qu'il nous est impossible de faire trop pour atteindre ce noble but, et que des mesures énergiques doivent être prises.

L'honorable membre pour Utrecht voudra bien, en même temps, admettre que notre ministre à Washington n'a nul besoin d'être instruit de nos vues à ce sujet, car il en a déjà été pleinement instruit, et il a reçu mission de saisir toute occasion pour agir instamment sur le Gouvernement américain à cet égard.

- Le comte Van Lynden van Sandenburg. J'ai l'honneur de remercier le ministre des affaires étrangères de l'assurance qu'il me donne d'avoir prêté son attention à ce sujet et de vouloir la lui continuer.

Une observation encore, et j'aurai fini : j'invite le ministre à revoir encore la correspondance qui a eu lieu, au sujet du Springbok, entre le département des affaires étrangères et le représentant de Sa Majesté à Washington. Peut-être aussi il voudra consulter et entendre à ce sujet un juriste extrêmement distingué que lui-même, quand pour la première fois il prit les affaires étrangères, attacha à l'administration comme conseiller legal. J'entends parler du professeur Asser, qui, en sa qualité de membre actif et diligent de l'Institut de

Droit International a, de concert avec ses distingués collègues, signé l'opinion d'une haute importance qu'au sujet du Springbok ce corps. savant a récemment exprimée (1). Un des premiers qui aient mis en avant cette consultation » était le professeur Bluntschli qui, hélas! ne vécut pas assez pour signer le document à la rédaction duquel il avait contribué. Je suis certain que le ministre, quand il sera pleinement instruit des détails de la question, sera d'accord avec moi quant à la marche à suivre. Il verra que cette importante tâche ne doit pas être laissée aux efforts isolés de notre très compétent représentant à Washington, mais que celui-ci doit être renseigné sur les vues et sur le vif intérêt du Gouvernement dans cette affaire; et, en addition aux précédentes instructions, il devrait être avisé de se mettre en communication avec les représentants des autres puissances maritimes qui, je crois le savoir, vont faire des représentations et des demandes écrites sérieuses et amicales au Gouvernement américain. Il n'y a pas le moindre danger que ce Gouvernement prenne ombrage de ces demandes. Il y a lieu de croire, au contraire, que les représentations seront pour lui un secours bienvenu. Naturellement on prendra le plus grand soin de faire ces représentations dans le langage le plus courtois et le plus amical, et d'éviter d'éveiller la susceptibilité d'une nation justement fière.

Si l'opinion que j'ai adoptée dans cette affaire est exacte, je n'ai pas le plus léger doute que quand les puissances maritimes intéressées. au résultat auront, par leur représentant à Washington, adressé une note au ministère d'État américain, non seulement cette note sera favorablement accueillie, mais encore cette demande sera promptement couronnée d'un succès complet. Je serais heureux que ce résultat fût en effet favorable, et au contraire très chagrin si, par tiédeur, par défaut d'active coopération de notre part, mon pays ne devait pas partager l'honneur du succès.

Je crois qu'il n'était pas suffisant que le ministre seul prît la parole, qu'il fallait en outre que le Parlement hollandais élevât aussi la voix pour défendre les intérêts menacés du monde civilisé, et pour donner son concours à l'action diplomatique qui, je l'espère, sera bientôt engagée. (Applaudissements prolongés.)

1. Voir dans la Revue de Droit international (1882, p. 329), cette consultation, qui a été délibérée par MM. Arntz, professeur à l'Université de Bruxelles; Asser, professeur à l'Université d'Amsterdam; Bulmerincq, professeur à l'Université de Heidelberg; Gessner, conseiller de légation; Hall, de Martens, professeurs de l'Université de Saint-Pétersbourg; Pierantoni, professeur à l'Université de Rome; Renault, professeur à la Faculté de droit de Paris; Albéric Rolin, professeur à l'Université de Gand, et Sir Travers-Twiss, Q. C.

CHRONIQUE

ALLEMAGNE

Le Reichstag, dans ses séances du 8, du 9 et du 10 mai, a discuté un projet de loi relatif à la prorogation, pour un nouveau délai de deux ans, de la loi votée en 1878 contre les socialistes. Le prince de Bismark a pris la parole dans la séance du 9. Faisant allusion à la proposition de M. Windthorst, présentée le 1er avril 1881 et invitant le Gouvernement fédéral à concerter avec les puissances étrangères des mesures contre les attentats anarchistes, il a contesté que le chef des cléricaux ait eu le premier l'idée de cette proposition. Le chancelier de l'empire a déclaré que les négociations à ce sujet auraient été ouvertes même sans cette motion, l'empereur lui-même en ayant pris l'initiative dès le mois de mars 1882. A l'appui de cette affirmation, le prince de Bismark possède une lettre autographe que l'empereur Guillaume lui avait adressée à cette époque. Voici le texte de ce document, jusqu'ici inconnu, tel qu'il a été lu par le chancelier :

« Le grand crime du 13 mars m'impose de nouveau la conviction que le moment est venu d'arrêter la tendance qu'il y a à commettre des attentats contre la vie des souverains et des chefs d'État, tendance qui se répand dans toute l'Europe.

A mon avis, cela ne peut se faire que par l'action commune des grandes puissances. La proposition n'a pas, que je sache, été faite ouvertement jusqu'ici. Le point capital est d'amener l'Angleterre, la Suisse et la France, qui jusqu'à présent ont donné asile aux criminels accusés de meurtres politiques, à édicter des lois qui pourraient prévenir des crimes de cette catégorie.

<< Il s'ensuit que le problème n'est pas facile à résoudre, ces pays ne possédant pas jusqu'à présent de telles lois. Cependant l'Angleterre, par suite des événements qui se produisent chez elle, est portée à modifier sa législation à cet égard et ne peut faire de grandes difficultés. Ce serait un moment propice pour gagner le Gouvernement anglais à ces vues; en France et en Suisse, ce sera plus difficile.

< Vous savez ce que je pense des attentats; vous savez qu'à mon sens les mesures de police ne peuvent pas en préserver, comme l'a prouvé une fois de plus l'assassinat de l'empereur (Alexandre II). Mais la

prospérité générale des États et leur tranquillité sont en jeu, si ces menées ne sont pas combattues en commun par tous les États. >

Après lecture de cette lettre, le prince de Bismark fait l'historique des négociations dont elle a été le point de départ.

« C'est donc, dit-il, par la volonté de l'empereur en premier lieu et par la force même des événements que nous avons été amenés à entrer en négociations sur cette matière avec les puissances étrangères. Nous crûmes devoir commencer par des négociations avec la Russie, comme puissance la plus éprouvée pour le moment. Nous priâmes le Gouver nement russe de faire en son propre nom, à tous les États intéressés, la proposition tendant à la convocation d'une conférence des grandes puissances, et de notre côté nous promîmes d'y prendre part et de faciliter par tous les moyens possibles l'entente sur ce sujet. Le gouvernement russe accueillit favorablement notre proposition et lança des invitations à une conférence qui devait avoir lieu à Bruxelles. La Russie, l'Allemagne et l'Autriche étaient prêtes à y envoyer leurs représentants; la France déclara qu'elle ferait dépendre sa décision de celle de l'Angleterre. Celle-ci s'y étant refusée, la France la suivit, et ainsi le concours des deux puissances occidentales n'a pas pu être gagné. En Suisse et dans d'autres États nous rencontrâmes de l'opposition, ces États ayant fait dépendre leur concours de la décision des puissances occidentales.

« Nous poursuivîmes des négociations à cet égard pendant longtemps, essayant d'amener au moins entre l'Autriche, la Russie et l'Allemagne une entente dans ce sens que le privilège des assassins politiques fût amoindri, de façon à les soumettre au droit commun et à détruire une fois pour toutes l'opinion que l'assassinat est excusable et légitime lorsqu'il a des motifs politiques, et que le meurtre d'un souverain est excusable lorsqu'on a pour but de mettre à sa place un autre système de gouvernement. Avec de telles idées, il n'y a pas de crime pour lequel on ne puisse pas en fin de compte invoquer des motifs politiques. Cette opinion n'a pas été inculquée aux peuples européens par leurs Gouvernements, mais par leurs Parlements, dans lesquels, presque partout, les luttes bruyantes des partis éblouissent la vue et faussent la notion juste des choses. Ce sont les Parlements et la crainte des élections qui empêchent les Gouvernements de prendre des mesures propres à la répression des crimes. Je ne veux pas entrer ici dans les détails, je dirai seulement que le Gouvernement austro-hongrois se déclara finalement dans l'impossibilité de traiter avec nous sur cette matière. De la sorte, les deux seules puissances qui avaient pris l'initiative continuèrent les négociations relatives aux bases sur lesquelles les extraditions pourraient et devraient avoir lieu, ainsi qu'aux moyens de limiter les dangers résultant du trafic des matières explosibles.

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