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es sentiments d'amitié lui avaient tant de fois été exprimés, ne pouvait laisser que d'avoir des conséquences favorables pour la civilisation du continent africain, à laquelle il se consacre depuis de longues années; et pour cette raison, il n'a pas songé à prétendre que les factoreries portugaises exerçaient jusqu'alors sur cette côte leur commerce, sans être soumis à aucune formalité, charge ou restriction de quelque espèce que ce soit. Si le Gouvernement portugais a agi de cette manière, c'est parce qu'il savait bien qu'en reconnaissant, comme il était disposé à le faire, la souveraineté française sur les territoires récemment acquis, il ne pouvait contester les droits essentiellement inhérents à cette souveraineté, qui sont, entre autres, celui d'établir des douanes et autres charges de même nature, prix de l'ordre et de la protection aux personnes et à la propriété, des conditions enfin sans lesquelles la souveraineté n'est et ne peut être effective.

En partant de ces principes, le Gouvernement de Sa Majesté a de la peine à comprendre, comme il est dit dans la Note, que le Gouvernement de la République française proteste contre tout acte qui modifierait sans son agrément les conditions auxquelles le commerce et la navigation sont actuellement soumis dans l'estuaire du Congo. Je dois faire observer que la navigation et le commerce ne sont pour le moment soumis qu'aux conditions de la plus complète anarchie, parce qu'il n'existe sur les rives du Zaïre aucune juridiction régulière, aucune puissance civilisée ni aucune autorité locale. C'est seulement quand les plus détestables conséquences de l'anarchie arrivent à leur comble, quand les indigènes menacent à main armée la vie des blancs et mettent en danger leur propriété, qu'on a toujours recouru aux autorités portugaises, en leur demandant le secours de nos navires, et ceux-ci ont toujours été rétablir l'ordre et protéger le commerce ainsi que la vie des Européens, sans qu'il fût demandé s'ils étaient Portugais ou de quelque autre nationalité et sans aucun autre intérêt qui ne fût celui de l'humanité et de la civilisation.

Le Gouvernement de la République aurait des raisons de protester, si dans le récent Traité avec la Grande-Bretagne se trouvaient des dispositions contraires à celles de l'ancien Traité de 1786 avec la France; mais le nouveau Traité est publié, le Gouvernement français en a connaissance, et il ne trouvera certainement pas de clause qui soit dans ce cas. La France continue à avoir le droit de commercer librement, sans limites ou obstacles, dans les territoires dont il s'agit, et elle ne cessera certainement pas de respecter l'exe" de la souveraineté du Portugal sur ces mêmes territoires et, par suite. les droits inhérents à cette souveraineté.

Jusqu'ici empêché de réaliser une occupation permanente, le Portugal ne pouvait offrir au commerce français cette sécurité que

Etats civilisés s'obligent à donner aux personnes et aux propriétés de leurs nationaux comme des étrangers; il ne pouvait fournir qu'une protection éventuelle, précaire, inévitablement tardive des forces de ses navires de guerre contre les attaques des indigènes armės. Maintenant l'occupation une fois faite, puisque le Traité avec l'Angleterre lève les difficultés qui l'empêchaient, le Portugal ne se contentera pas de respecter platoniquement, comme il l'a fait jusqu'ici, le droit reconnu à la France, par le Traité de 1786, de commercer avec ces régions, mais garantira ce droit effectivement et efficacement, en donnant à ce commerce, par des moyens d'action permanente, la sécurité et la tranquillité qu'il a le devoir de maintenir. Le Gouvernement de Sa Majesté Très Fidèle n'a pas le moindre doute que la France, de son côté, respectera l'exercice de la souveraineté effective du Portugal dans le sens et avec l'extension que les publicistes sont unanimes & donner ce mot.

La Note se réfère aussi à la Commission mixte créée par l'article 4 du Traité. La compétence de cette Commission est de faire les règlements de la navigation du fleuve et de pourvoir, d'accord avec les Autorités portugaises, à la construction de phares, balises et marques; elle a été instituée dans le but de faciliter la navigation et, par censéquent, d'être également utile au commerce de tous les pays. Ce complément indispensable du Traité incombait naturellement sur deux parties contractantes, qui donnent une garantie réciproque de sa file exécution et de son application uniforme, sans distinction de nationalité, à tous ceux qui trafiquent ou qui viendraient à trafiquer sur le Zaïre. Des améliorations qui seront ainsi réalisées résultera pour tous, un avantage bien supérieur aux petites charges imposées à la navigation et au commerce. Aussi le Gouvernement ne peut comprendre comment celui de la République française arrive à redouter pour ses nationaux quelques dommages par suite de l'adoption de mesures qui ont pour objet d'implanter sur le Zaïre un régime régulier adopté par tout où règne la civilisation; il ne comprend pas non plus comment il pourrait être attribué à l'adoption de si utiles mesures quelque sigaification capable de contrarier, si peu que ce soit, le bon accord qui existe depuis tant d'années entre le Portugal et la France. Toutefois le Gouvernement portugais ne voit aucune difficulté, et il ne croit pas qu'il y en ait de la part de Sa Majesté britannique, à ce que la Commission mixte ne procède à l'élaboration des règlements, ni prenne quelque autre résolution relative à la navigation du Congo, sans entendre et prendre en considération les observations des Représentants du commerce des différents pays qui ont un intérêt dans cette région, ou des Agents consulaires que les Gouvernements respectifs viendraient à y établir.

La note contient finalement une observation au sujet de l'article 14 du traité, dans lequel le Gouvernement de Sa Majesté Très-Fidèle s'oblige à ne céder le fort de Saint-Jean-Baptiste-d'Ajuda, sur la Côte d'Or, qu'à la Grande-Bretagne, le jour où il se trouverait disposé à faire cette cession. La souveraineté et possession de ce fort ne nous a jamais été disputée et le Portugal doit se considérer comme étant dans le plein droit d'en faire la cession; de plus, un abandon temporaire ayant eu lieu plusieurs fois, abandon que certaines raisons de bonne administration conseillaient de rendre définitif, il était tout naturel qu'il vint à l'Angleterre, possédant dans cette région de vastes territoires limitrophes, le désir d'occuper le fort quand nous aurions retiré la petite force qui le gar le. Demandée dans ces termes, il n'était pas possible de refuser à une puissance amie la possession qu'elle était la première à solliciter et pour laquelle aucune autre nation ne pourrait alléguer avec justice des raisons de préférence; ni l'occupation récente par la France de quelques points dans le voisinage d'Ajuda, ni l'accord sur l'opportunité d'une entente, quant à la délimitation des frontières en Guinée et au Congo, n'auraient pu justifier, de la part du Portugal, le refus de condescendre au désir de la Grande-Bretagne. En conséquence, le Gouvernement de Sa Majesté ne croit pas avoir fait la plus légère offense aux intérêts et aux légitimes susceptibilités de la France, puisqu'il ignorait même que la possession d'Ajuda pouvait lui être agréable.

Je crois avoir réussi à démontrer que les observations contenues dans la note remise par Votre Excellence le 18 courant ne peuvent se fonder d'une manière suffisante sur le mode d'agir du Gouvernement de Sa Majesté qui a toujours été amical envers la France. Je ne veux cependant pas m'arrêter ici, parce que je tiens à exprimer encore à Votre Excellence le vif désir qui anime la nation portugaise de resserrer chaque jour davantage ses relations déjà intimes avec une nation à laquelle l'unissent tant d'affinités de race et tant de liens d'intérêt réciproque. Il y a peu de mois, le désir a été manifestė, å diverses reprises, par Votre Excellence comme par mon prédécesseur, de fixer de commun accord les limites de nos possessions avec les possessions françaises, tant en Guinée qu'au Congo, et cette fixation n'a été retardée qu'en raison des négociations pendantes avec une autre puissance au sujet de la souveraineté portugaise sur cette dernière partie du continent africain. Mais, aujourd'hui que ces négociations sont terminées et que la ratification prochaine du traité conclu avec l'Angleterre va permettre l'établissement définitif de la juridiction portugaise sur la région du Congo, le moment me semble venu de nous occuper du règlement de ces limites, tant dans les colonies et possessions de Guinée comme au Zaïre. Il y aura avantage

pour les deux nations dans la fixation amicale de leurs frontières africaines, parce que de cette manière seront évitées toutes mėsintelligences et difficultés entre autorités subalternes qui, d'un côté comme de l'autre, peuvent, par excès de zêle, contrarier les dispositions des deux Gouvernements pour une politique de sincère coopération et d'harmonie parfaite, comme il convient simultanément à deux puissances également intéressées au développement du commerce de ces régions. De cette manière, les deux nations, sans sacrifier les grands intérêts de la civilisation à des mesquines convenances locales, chercheront, dans une bonne camaraderie, à répandre sur le vaste continent africain les bénéfices du progrès par l'action féconde de leurs facultés colonisatrices. Dans ce sentiment, toutes propositions que le Gouvernement de la République jugera opportun de faire, tant pour la fixation des limites comme pour le resserrement des relations de tout ordre entre les possessions voisines du Portugal et de la France, rencontreront toujours de la part du Gouvernement de Sa Majesté le meilleur et le plus favorable accueil.

J'espère que le Gouvernement de la France reconnaîtra tous les efforts du Gouvernement portugais pour maintenir intactes et toujours plus intimes les bonnes relations entre les deux pays, et comprendra que les intérêts français ne pourront jamais être blessés par l'extension de la juridiction effective du Portugal à un territoire pour lequel la France a été la première nation qui ait déclaré, par un acte solennel, qu'elle ne mettrait pas d'obstacle à l'exercice de la souvėraineté portugaise.

BARBOZA DU BOCAGE.

N° 17.

M. Strauch, Président de l'Association internationale du Congo à Bruxelles, à M. Jules Ferry.

Bruxelles, le 23 avril 1884.

Monsieur le Ministre, l'Association internationale du Congo, an nom des stations et territoires libres qu'elle a fondés au Congo et dans la vallée du Niadi-Quillou, déclare formellement qu'elle ne les cèdera à aucune puissance, sous réserve des conventions particulières qui pourraient intervenir entre la France et l'Association, pour fixer les limites et les conditions de leur action respective. Toutefois l'Association, désirant donner une nouvelle preuve de ses sentiments amicaux pour la France, s'engage à lui donner le droit de préférence, si, par des circonstances imprévues, l'Association était amenée un jour à réaliser ses possessions.

STRAUCH.

No 18 — M. Jules Ferry à M. Strauch, Président de l'Association internationale du Congo, à Bruxelles.

Paris, le 24 avril 1884.

Monsieur, j'ai l'honneur de vous accuser réception de la lettre en date du 23 courant par laquelle, en votre qualité de Président de l'Association internationale du Congo, vous me transmettez des assurances et des garanties destinées à consolider nos rapports de cordialité et de bon voisinage dans la région du Congo.

Je prends acte avec grande satisfaction de ces déclarations et, en retour, j'ai l'honneur de vous faire savoir que le Gouvernement français prend l'engagement de respecter les stations et territoires libres de l'Association, et de ne pas mettre obstacle à l'exercice de ses droits.

JULES FERRY.

N° 19.

-M. Jules Ferry à M. de Brazza-Savorgnan, Commissaire du Gouvernement dans l'Ouest africain.

Paris, le 25 avril 1884.

Vous vous êtes montré plus d'une fois soucieux dans votre correspondance des dangers que pouvait présenter la cession éventuelle à une Puissance tierce des établissements de l'Association internationale placée sous le patronage du Roi des Belges.

Je m'empresse de vous annoncer qu'aux termes d'un accord conclu avec nous, cette Société vient de s'engager à ne céder, sans entente préalable avec nous, à aucune Puissance autre que la France, les territoires et les stations fondés par elle tant dans le Congo que dans la vallée du Niadi-Quillou. Nous avons en retour promis de respecter les stations et territoires libres de l'Association et de ne pas mettre obstacle à l'exercice de ses droits.

En vous informant des conditions nouvelles d'après lesquelles vous aurez à régler vos rapports avec les représentants de l'Association internationale, je suis assuré par avance que vous vous inspirerez de l'esprit amical qui a dicté ces arrangements.

JULES FERRY.

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