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HARVARD

COLLEGE

JUN 18 1914

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J. C. Lowell fund

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Quand Dieu choisit un peuple pour être l'instrument de ses desseins, il le marque toujours du sceau de sa miséricorde.

La France, Messieurs, avait été prédestinée du ciel, on n'en saurait douter, à une grande mission. Le Seigneur n'a rien fait, pendant quatorze siècles, pour glorifier son Évangile, qu'il ne l'ait, pour ainsi dire, associée à ses œuvres.

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Sans les lumières qui ont jailli du royaume très-chrétien, des nations tout entières restaient assises à l'ombre de la mort; sans la généreuse protection de ses rois, les renards avaient leurs tanières, les oiseaux du ciel leurs nids; à plusieurs époques, les représentants de l'Homme-Dieu n'auraient pas eu où reposer la tête. Sans le dévoûment de ses preux chevaliers, que de générations pendant lesquelles Jésus-Christ n'eût pas vu peut-être un seul adorateur à son tombeau ! Sans la bravoure de ses légions, l'infidèle croissant dominerait encore dans les contrées bénies où l'apôtre saint Paul avait planté la croix; le nom chrétien serait encore proscrit dans un pays appelé autrefois la terre des conciles. Sans leurs récents, je devrais dire leurs fabuleux triomphes, des barbares, dont l'histoire en entier n'est qu'un martyrologe, opposeraient encore à la prédication de l'Évangile des murailles infranchissables; et si, à l'heure qu'il est, elles abandonnaient l'Orient, de féroces païens achèveraient d'éteindre dans le sang de ses derniers disciples la foi de Jésus-Christ, sur le sol même où elle a pris naissance. Le monde, on peut le dire, est plein de monuments qui attestent les vues particulières de la divine Providence sur notre belle patrie.

Mais si elle est la seule qui ait été appelée à concourir aussi efficacement aux grands desseins de l'Éternel, elle est aussi la seule qui ait reçu des témoignages aussi visibles et aussi manifestes de sa protection sainte.

Dirai-je par quelle série de prodigieuses faveurs il l'a placée au rang qu'elle occupe aujourd'hui parmi les nations de l'Europe?

Quel peuple, ô mon Dieu, sous ce rapport, ressemble à votre peuple? quel autre a débuté et progressé comme lui dans la voie des conquêtes?

Quel autre a vu les étrangers et même ses rivaux emprun

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ter ses lois, réputées le chef-d'œuvre de la pensée humaine; copier ses costumes, estimées l'expression la plus parfaite du bon goût; adopter sa langue, devenue un lien commun de civilisation; se passionner pour sa littérature, proclamée le dernier effort du génie? Quis enim alius ut populus tuus ?

Mais les moyens que le Seigneur a employés pour la grandir ne sont rien, comparés aux miracles qu'il a faits pour opérer sa délivrance et son salut.

Il n'entre pas dans mon dessein de les énumérer; il en est un qui les domine, qui les complète, qui les couronne tous : c'est celui dont nous célébrons aujourd'hui la commémoration.

N'est-ce pas en effet un spectacle unique dans l'histoire, qu'une bergère de dix-huit ans, pleurant, dans l'oubli et la pauvreté du hameau, les abaissements, les déchirements. de la patrie, que ne ressentaient pas sur les marches du trône les puissants qui brillaient de sa gloire, vivaient de sa fortune; abandonnant ses timides agneaux pour venir affronter les léopards de l'Angleterre, ivres du sang français; bravant la brusquerie des capitaines, les soupçons de la cour, la morgue des docteurs, pour obtenir la direction d'une guerre dont toutes les chances semblaient désespérées; forçant, dans l'espace de trois jours, l'ennemi victorieux à lever un siége dont le succès prévu complétait sa conquête; rendant au prince légitime la couronne de Charlemagne et de saint Louis, qu'un orgueilleux vassal avait osé ravir; à la France sa nationalité, dont il ne restait plus que l'ombre; et, pour imprimer à la rédemption de son pays un caractère auguste capable d'électriser tous les cœurs français, pour laisser après elle un monument accusateur fait pour déconcerter, à la dernière génération, l'ambitieuse politique de l'Angleterre, mourant victime d'une injuste sentence achetée par son or, sur un bûcher allumé de sa main?

Voilà, Messieurs, ce qu'a fait l'héroïne dont je viens vous

tracer l'éloge, ou plutôt, voilà ce que le Seigneur a fait par elle, afin que, sauvés par la foi, nous lui restassions attachés par le plus naturel, par le plus fort, par le plus noble de tous les liens l'amour de la patrie. Gens una in terra ad quam perrexit Deus ut liberaret et faceret populum sibi.

Oui, Messieurs, c'est dans la foi chrétienne que Jeanne d'Arc a puisé son chaleureux enthousiasme, sa prodigieuse valeur, son dévoûment sublime. Nous devons à l'énergie de sa foi ses glorieux faits d'armes, qui ont sauvé la France dans les combats; nous devons à la persévérance de sa foi son glorieux martyre, qui a sauvé sur le bûcher l'honneur du nom français.

Je vais essayer de vous le démontrer.

J'aborde mon sujet avec une certaine confiance. Je ne m'abuse pas sur la portée de mes moyens; mais les dispositions de mon auditoire m'encouragent.

Dans l'art de bien dire, les plus grands maîtres sont toujours les plus indulgents; et, pour qui aime bien son pays, les choses les plus communes, dites à sa gloire, offrent toujours de l'intérêt, ont quelquefois leur éloquence.

Rappelez vos souvenirs, Messieurs, et dites si, à part la Providence de Dieu, qui veillait sur ses destinées, il n'y avait pas dans l'ensemble des éléments destructeurs qui ravageaient notre belle patrie de quoi abimer vingt royaumes.

C'est le Sage d'abord qui descend au tombeau sans avoir eu le temps de réparer les ruines glorieuses qui ont sauvé la monarchie. Son sceptre, qui eût pesé en les mains d'un homme, tombe aux mains d'un enfant.

Trois tyrans se disputent les rênes de ce gouvernement débile; leurs coûteuses rivalités achèvent d'épuiser les ressources publiques; une autre Messaline salit le diadême que des saintes avaient porté; à d'énormes scandales succèdent

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