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sentée sous un jour nouveau. Cependant la publicité a été considérable, grâce au sujet et à la bienveillance des principaux journalistes, qui tous ont consacré des articles consciencieux à l'examen des faits et des doctrines que j'ai posés. Je les en remercie au nom de la vérité, de la justice et de la patrie.

24 février 1864.

DE JEANNE DARC

LIVRE I

VOCATION DE JEANNE DARC

De 1346 à 1418.

CHAPITRE PREMIER

ÉTAT DE LA FRANCE AU XV SIÈCLE

Vers le milieu du xive siècle de l'ère chrétienne, Édouard III, roi d'Angleterre, prétendit que la couronne de France était usurpée par la maison de Valois; il la réclama en qualité de petit-fils, par sa mère, de Philippe le Bel, et alluma la guerre dite de Cent Ans.

Comme la royauté française vivait dans le gaspillage et le désordre, rançonnant et ruinant le peuple, le découragement était général; de sorte que les Français furent battus en 1346 à Crécy, où ils perdirent plus de vingt mille hommes. Les Anglais, dit-on, s'y servirent

de canons pour la première fois. L'année suivante, ils prirent Calais; ce qui assura leurs communications. En 1356, ils firent encore éprouver à la France une défaite sanglante à Poitiers. Les nobles faits prisonniers à cette bataille, ayant de grosses rançons à payer pour retourner en leurs domaines, extorquèrent des impôts énormes à leurs paysans déjà ruinés. Ceux-ci, d'ailleurs, les méprisaient, et imputaient à leur lâcheté la perte de la bataille. Ils les huèrent, les frappèrent et incendièrent des châteaux. On finit toutefois par apaiser cette insurrection nommée la Jacquerie.

Le Dauphin conclut avec les Anglais le traité de Brétigny, par lequel, pour demeurer paisible possesseur de la couronne, il abandonna en toute souveraineté au roi d'Angleterre la moitié de la France (1360). Mais, dès qu'il devint roi sous le nom de Charles V, il s'appliqua à réparer les désastres du pays. Il mit de l'ordre dans les finances et dans la justice, et reconstitua l'armée dont il confia le commandement au connétable Duguesclin. Il profita habilement des infractions au traité, réelles ou imaginaires, commises par l'Anglais, pour se faire déclarer la guerre, dans laquelle Duguesclin fut presque constamment victorieux. Il détruisit les armées anglaises par la famine, en faisant réfugier les paysans dans les villes, qui étaient fortifiées; de sorte que l'ennemi ne trouvait plus de vivres ni de champs cultivés. En 1377, le roi d'Angleterre ne possédait plus

en France que Calais, Bordeaux, Brest et Cherbourg. Charles V mourut en 1380, à l'âge de quarante-trois ans, laissant pour successeur son fils, Charles VI, âgé de douze ans. Ses trois oncles, en se disputant la régence, troublèrent et pillèrent la France. Le peuple se souleva; les insurgés de Paris furent nommés Maillotins, parce qu'ils se servaient de maillets de fer pour exterminer les financiers. Durant ces troubles, le roi, voyageant dans le mois d'août nu-tête, à cause de la grande chaleur, et déjà usé par les excès, crut voir un spectre, et fut atteint d'une démence furieuse, dans les transports de laquelle il commença par tuer quatre hommes (1392). Sa femme, Isabeau de Bavière, se mit à gouverner avec le duc d'Orléans, frère unique du roi, qui entretenait ostensiblement avec elle une liaison illégitime.

Le duc de Bourgogne, Jean Sans-Peur, qui faisait partie du conseil du roi, sut se rendre populaire, en s'opposant à l'établissement d'impôts nouveaux. Pour s'emparer du pouvoir, il fit assassiner le duc d'Orléans un soir, dans la rue (novembre 1407). Des prêtres de Paris vantèrent publiquement cet acte. Jean Petit, entre autres, prononça un sermon en douze points, en l'honneur des douze apôtres ; il conclut «qu'il est licite d'user << de surprise, de trahison et de toutes sortes de moyens « pour se défaire d'un tyran, et qu'on n'est pas obligé « de lui garder la foi promise. Qu'en conséquence la

« victime était digne de mille morts, et le meurtrier << d'autant de rémunérations que monseigneur saint « Michel l'archange pour avoir tué le diable. » Jean Gerson, célèbre théologien, chancelier de l'Église de Paris, ayant fait censurer le prédicateur par le concile de Constance, fut inquiété et obligé de s'enfuir sous un déguisement. Le roi, dont la démence présentait des intervalles lucides, signa des lettres d'abolition en faveur du meurtrier.

Pour venger la mort du duc d'Orléans, son fils, assuré du concours de son beau-père le comte d'Armagnac, déclara la guerre à Jean Sans-Peur. Celui-ci accepta le défi, en s'avouant le principal complice de l'assassinat, et alléguant qu'il l'avait fait commettre pour le bien du peuple et de tout le royaume. De là la faction des Bourguignons et celle des Armagnacs, qui divisèrent toute la France. La guerre se fit non-seulement entre armées, mais dans l'intérieur des villes, Les bouchers de Paris massacrèrent plusieurs Armagnacs, et en forcèrent un plus grand nombre à prendre la fuite. Henri V, roi d'Angleterre, voulant profiter de ces troubles, exigea du roi de France la restitution de toutes les provinces françaises jadis possédées par ses prédécesseurs; mais on ne consentit à rendre que la partie de la Guienne reprise par Charles V. Henri, qui depuis longtemps avait préparé une armée et une flotte, adressa une note menaçante, et se présenta

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