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tants les fètèrent, et témoignèrent à la Pucelle la plus vive admiration. Cette jeune fille, loin de s'enivrer de sa gloire, n'en était que plus modeste et plus humble. << Mon fait n'est qu'un ministère, » disait-elle. — «< Mais jamais on ne vit de telles choses comme on en voit dans votre fait; on ne lit rien de semblable dans aucun li<< Monseigneur a un livre dans lequel oncques aucun clerc ne lit, tant soit-il parfait en cléricature. »

vre. »

Le roi nomma gouverneur de Reims le neveu de l'archevêque, et quitta cette ville, le 20 juillet au matin, pour se rendre, selon l'antique usage, en l'abbaye de Corbény, où reposait le corps de saint Marculfe, par les mérites duquel les rois de France prétendaient avoir obtenu le don de guérir les écrouelles.

Dès que le gouvernement anglais apprit le sacre de Charles VII, il regretta de ne l'avoir pas prévenu par celui d'Henri VI, qu'il qualifiait aussi roi de France. Il espéra réparer cette faute en décrétant que l'on conduirait à Paris cet enfant pour l'y couronner et sacrer; mais auparavant il accomplit cette cérémonie en Angleterre.

CHAPITRE V

SOUMISSION DE PLUSIEURS VILLES; RENCONTRE

DE MONTESPILLOY

Charles VII marcha avec son armée sur ChâteauThierry. La Pucelle, apercevant une fille qui, au mépris de ses ordonnances, suivait à cheval un homme d'armes, tira son épée et la poursuivit au galop. Au moment de la frapper, elle eut pitié de sa frayeur et se contenta de lui dire : « Ne vous trouvez plus désormais en la compagnie des hommes d'armes; autrement je serais forcée de vous faire du déplaisir. »

Soissons, Laon, Provins, Coulommiers envoyèrent des députés pour présenter leur soumission. Les capitaines qui gardaient Château-Thierry, voyant l'effroi s'emparer de leurs troupes, parmi lesquelles le bruit se répandit, comme à Troyes, que des papillons sortaient de l'étendard de la Pucelle, demandèrent à capituler 1.

1. Quand le roi eut pris possession de la ville (26 juillet), Jeanne demanda et obtint de lui que les habitants de Domremi et de Greux fussent à perpétuité affranchis de toutes tailles, aydes et subventions. Cette faveur dura plus de trois siècles.

La garnison, autorisée à se retirer avec armes et bagages, se réfugia à Paris, où le duc de Belford rassemblait une armée considérable.

Ayant rallié en Normandie et en Picardie toutes les troupes disponibles, ce prince opéra sa jonction avec le cardinal de Wincester, qui amenait quatre mille hommes levés avec l'argent que la chrétienté lui avait confié pour aller combattre les hérétiques de Bohêne : abus de confiance qui parut naturel au gouvernement anglais. Les deux princes entrèrent dans Paris le 25 juillet.

Charles VII conclut avec le duc de Bourgogne, le 4 août, une trève de quinze jours, à l'expiration de laquelle ce dernier devait lui rendre Paris. La Pucelle, qui ne croyait nullement à cette promesse, fut trèsmécontente de la trêve, qui retardait le siége de la capitale en ce moment opportun, et fit tous ses efforts pour maintenir le rassemblement de l'armée jusqu'à l'expiration du terme, et la rapprocher de son point objectif. Le 5, elle écrit aux habitants de Reims : <«< qu'elle ne les abandonnera point tant qu'elle vivra ‘; mais qu'elle ne sait si elle observera la trêve. Si elle le

1. Lettre de la Pucelle, Procès, V, p. 139. Quoique depuis longtemps l'original en soit détruit, elle porte tous les caractères de l'authenticité. Cette lettre prouve aussi que la Pucelle ne voulait point quitter l'armée, après le sacre du roi. C'est évidemment par erreur que la plupart des historiens lui en ont imputé la résolution.

fait, ce sera seulement pour garder l'honneur du roi. » Sur ces entrefaites le régent quitta Paris avec toute l'armée anglaise, composée de dix mille hommes, et alla camper à Montereau. Il envoya à Charles VII un manifeste pour lui reprocher « l'assassinat traîtreusement commis par ses ordres contre le due Jean, sur le pont de cette ville; ce qui avait suscité l'horrible guerre actuelle; la ruse qu'il employait pour séduire le peuple au moyen d'une femme désordonnée et diffamée qui portait habit d'homme, et d'un frère mendiant, apostat et séditieux, tous deux abominables à Dieu; qu'en conséquence lui régent prenait Dieu à témoin que c'était Charles VII qui nécessitait l'emploi de la force; et que, s'il ne licenciait pas ses troupes, il répondait seul des ruines et du sang qui allait couler (7 août). »

On ne sait si Charles répondit à ce manifeste; quoi qu'il en soit, il continua son mouvement vers Paris, jusqu'au château de la Motte-de-Nangis, qui n'en était situé qu'à seize lieues. Le régent, qui s'attendait à sa retraite, le vit au contraire se préparer à la bataille, avec son armée intacte. Craignant une défaite qui l'eût empêché de rentrer dans Paris, parce que la cavalerie française était supérieure à la sienne, il se hâta d'y ramener toutes ses troupes.

1. Fr. Richart qui s'était attaché à l'armée.

Nonobstant les succès obtenus, pour ainsi dire, au pas de course, et la terreur de l'ennemi, La Trémouille et quelques autres courtisans décidèrent le roi à retourner derrière la Loire, plutôt que de continuer sa marche sur la capitale, dont la prise, peu difficile à l'expiration de la trêve eût complété son triomphe. Mais la Pucelle et les ducs d'Alençon et de Bar blâmèrent vivement cette résolution. Toute l'armée partagea leur mécontentement: lorsqu'on voulut lui faire traverser la Seine à Bray, elle trouva le pont occupé depuis la nuit précédente par un détachement d'Anglais; comme elle montrait peu de disposition à l'attaquer', le roi rétrograda jusqu'à Château-Thierry, où il passa la Marne (13 août).

Tandis qu'il s'avançait par la Ferté- Milon vers Crespy-en-Valois, les populations accoururent au-devant de lui en criant: Noël! Noël! et en se prosternant devant la Pucelle. La jeune fille émue dit à l'archevêque de Reims et au Bâtard, entre lesquels elle voyageait à cheval: « Voici un bon peuple, et n'ai encore vu nul autre qui se soit tant réjoui de la venue d'un si noble roi. Plût à Dieu que je fusse assez heureuse, quand je finirai mes jours, pour être ensevelie en cette

1. C'est par erreur que M. Quicherat, dans ses Aperçus nouveaux, p. 33, place cet événement avant la lettre de la Pucelle aux habitants de Reims, laquelle est antérieure de six à sept jours.

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