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ses prisonniers en Angleterre, où il déclara n'attribuer toute la gloire qu'à Dieu, « qui châtiait les gentilshommes français de leurs parjures, de leurs viols et de leur dureté envers le pauvre peuple, par eux insulté et pillé sans merci ni miséricorde. »

La faction des Armagnacs semblait anéantie par la disparition du duc d'Orléans et d'un si grand nombre de ses partisans. Mais le comte d'Armagnac, appelé par Isabeau, accourut à Paris avec ses Gascons, se fit élire connétable, et s'empara du pouvoir. Il profita d'un complot réel ou simulé pour charger d'impôts la capitale, et exiler ou supplicier un grand nombre de citoyens; aucune réunion, même pour noces, ne fut autorisée qu'en. la présence de sergents du prévôt. On ne répara les fortifications qu'au moyen de la corvée. Les châsses d'or de tous les saints furent dérobées et fondues.

En 1417, les deux fils aînés du roi étant morts prématurément, Charles, duc de Touraine, né au commencement de 1403, devint dauphin. La reine Isabeau sa mère le détestait, tandis qu'Armagnac, déjà brouillé avec elle, le protégea et s'empara de lui. Le duc de Bourgogne, vers lequel la reine s'était enfuie, profita de ces divisions et du mécontentement public, pour lancer un manifeste où il accusa les Armagnacs d'avoir empoisonné les deux fils du roi, et de décimer et ruiner le peuple; il promit de relever celui-ci, et invita tous les

bons et loyaux sujets à ne plus payer d'impôts. La plupart des villes de Picardie s'étant insurgées en sa faveur, il partit d'Arras, le 10 août, avec une armée, prit possession d'Amiens, de Beauvais, de Senlis, de Reims, de Châlons, de Troyes et d'Auxerre qui se rendirent à lui, et vint camper à Montrouge et à Clamart. N'osant entreprendre le siége de Paris, il se borna à soumettre les villes et les châteaux des environs. Isabeau qui l'accompagnait contre-signait ses dé

crets.

Henri V débarque derechef en Normandie, dont il s'empare aisément, parce que les garnisons en avaient été rappelées pour la défense de Paris. Lorsqu'une ville capitulait, les habitants qui refusaient de le reconnaître roi de France et d'Angleterre étaient expulsés ou décapités. Jamais on ne vit en France pareille désolation : dans un grand nombre de familles, le père tenait pour les Bourguignons ou pour les Armagnacs, et le fils pour la faction contraire...

Cependant, au printemps de 1418, une conspiration fit entrer de nuit dans Paris les Bourguignons, qui s'emparèrent des principaux officiers du comte d'Armagnac. Celui-ci se cacha chez un maçon ; le Dauphin fut sauvé par Tannegui du Châtel, prévôt de Paris, qui l'envoya en sûreté à Melun. Mais une proclamation ayant menacé de confiscation de corps et de biens quiconque ne révélerait point la retraite du comte d'Armagnac, ce

dernier fut dénoncé par son hôte et mis à mort'. Le peuple se rua sur les prisons, égorgea les détenus, et incendia celles où il rencontra de la résistance. Des prélats, des présidents et conseillers au parlement, des capitaines, des financiers y furent exterminés au nombre de huit cents: on ne les jugea pas même prévôtalement, comme en 1792. Les cadavres, réputés indignes de sépulture, furent jetés en pâture aux chiens et aux oiseaux de proie. Dans les rues, il suffisait de montrer un homme en disant : Voilà un Armagnac, pour qu'il fût massacré. On vit souvent des prêtres au nombre des meurtriers; mais, pour éviter l'effusion du sang, prohibée par les canons de l'Église, ils ne se servaient que de massues de fer.

Le 14 juillet, le duc de Bourgogne et Isabeau firent leur entrée solennelle dans Paris. Ils abrogèrent les ordonnances des Armagnacs, dont ils destituèrent tous les officiers. Mais, au bout de deux mois, la capitale se souleva derechef, à cause de la disette, car les Anglais interceptaient les vivres en aval de la Seine, et les Armagnacs en amont. On emprisonna encore des complices de ceux-ci, qui furent massacrés par des bandes populaires que guidait Capeluche, surnommé le bourreau de Paris. Les prêtres armagnacs furent néanmoins jugés prévôtalement. Pierre Cauchon présida la com

4. De nos jours même on a osé faire des proclamations pareilles.

mission qui s'en chargea, et obtint comme récompense l'évêché de Beauvais. En cette année, sur moins de trois cent mille habitants, Paris en perdit cinquante mille, tant par la disette que par les massacres et les combats.

Le Dauphin avait pu se réfugier à Poitiers, où il prit le titre de lieutenant général du royaume, et composa une espèce de parlement avec les membres de celui de Paris qu'on avait chassés ou proscrits. Comme la France désirait la paix, une entrevue eut lieu le 11 juillet 1419 entre le duc de Bourgogne et le Dauphin, laquelle amena entre eux une réconciliation, et la promesse d'unir leurs forces pour expulser les Anglais.

Une seconde entrevue ayant été préparée sur le pont de Montereau, au confluent de l'Yonne et de la Seine, où chaque prince devait être accompagné de dix hommes armés seulement de leurs épées, le Dauphin s'y rendit, mais Jean sans Peur s'arrêta à Brai, parce qu'un astrologue annonça qu'il périrait sur le pont. Après avoir résisté aux sollicitations de l'évêque de Valence, il se laissa entraîner par madame de Giac, sa maîtresse. Dès qu'il aborda le Dauphin, il ôta son chapeau, et fléchit un genou en signe d'hommage à son suzerain. Tannegui, sortant alors une hache de dessous sa robe, lui en porta un coup sur le visage. L'offensé voulut tirer son épée pour se défendre; mais il fut achevé par les compagnons de Tannegui, qui tuèrent ou prirent son es

corte, à l'exception d'un homme qui parvint à s'échapper (septembre 1419).

Cet assassinat précédé de parjure excita contre le Dauphin une vive indignation dans les grandes villes, et surtout à Paris. De peur de retomber sous sa suzeraineté, Philippe, fils et successeur du duc de Bourgogne, consentit à reconnaître comme héritier de la couronne de France, après la mort de Charles VI, le roi Henri V, qui épousa la fille de ce dernier. En mai 1420, un traité daté de Troyes, signé par Charles VI, conféra au roi d'Angleterre le titre de régent et héritier de France, sous la condition qu'il maintiendrait les franchises et priviléges des pairs, des nobles et des communautés, ainsi que toutes les lois et coutumes du royaume. En vertu de cet acte, tout le nord de la France jusqu'à la Loire fut livré aux Anglais, dont les garnisons insuffisantes avaient pour auxiliaires les Bourguignons, les Flamands et les Picards, alors sous la domination du duc de Bourgogne.

En 1422, Henri V mourut d'une fistule à Vincennes, à l'âge de trente-quatre ans, laissant un fils du nom d'Henri VI, âgé seulement de dix mois. Selon son testament, cet enfant eut pour tuteurs ses oncles: le duc de Glocester, qui fut déclaré régent d'Angleterre, et le duc de Bedfort, régent de France. Celui-ci, prudent, rusé, habile capitaine, se fit, en vertu de son droit d'ainesse, déférer aussi la régence d'Angleterre par le par

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