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pas ceux qui espèrent en lui, vient les secourir dans le malheur et les tribulations;

Après avoir délibéré mûrement avec des personnes habiles, probes et d'une conscience timorée; vu les traités spéciaux publiés à très-grand nombre d'exemplaires, qui tous estiment que les actions et les paroles de la défunte sont dignes d'admiration plutôt que de condamnation; que tout ce qui a été fait contre elle est vicieux en la forme et au fond;

« Vu toutes les pièces du procès, notamment les deux jugements rendus contre Jeanne Darc, dont le premier est qualifié jugement de chute, et l'autre ju- . gement de rechute1;

« Vu les récusations et appellations multipliées de Jeanne au Saint-Siége et à notre Saint-Père le Pape, ses demandes réitérées pour qu'on leur envoyât toutes les pièces, et sa déclaration d'entière soumission à leur sentence;

« Déclarons en premier lieu les articles commençant par ces mots Certaine femme, qui ont servi de base au premier jugement, infidèlement, méchamment, calomnieusement, frauduleusement et malicieusement extraits du procès et des aveux de Jeanne; faux en plusieurs points, afin d'entraîner les consulteurs dans un autre avis que celui qu'ils auraient embrassé; enfin

1. Lapsus et relapsus.

ajoutant des circonstances qui ne sont point contenues dans les aveux, et en tronquant plusieurs autres. En conséquence les cassons, annulons, mettons au néant, et les condamnons à être lacérés judiciairement.

<«< Au fond, considérant que l'abjuration insérée audit procès est fausse et substituée; d'ailleurs arrachée par la crainte et la violence en présence du bûcher; qu'elle n'a pu être prévue ni entendue par la défunte;

« Déclarons le procès, l'abjuration et les deux jugements rendus contre Jeanne dolosifs, calomnieux et iniques, remplis d'erreurs de droit et de fait; et en conséquence le tout nul et de nul effet; comme tout ce qui s'en est suivi est en tant que de besoin cassé et annulé. En conséquence déclarons que ni Jeanne, ni les ́demandeurs, ni ses parents n'ont encouru aucune tache ni note d'infamie, à l'occasion desdits procès, dont à tout événement ils sont entièrement lavés et déchargés.

« Le présent jugement sera publié dans la ville de Rouen, où l'on fera deux processions solennelles avec prédications: la première au cimetière de Saint-Ouen; la seconde, le lendemain, au lieu même où, par une cruelle et horrible exécution, les flammes ont étouffé et brûlé Jeanne. Une croix y sera plantée pour en consacrer le souvenir perpétuel. Publication solennelle du présent jugement sera faite en outre en toutes les villes du royaume et autres lieux que nous désignerons :

nous réservant au surplus la décision souveraine de tous les points qui resteraient en litige. »

Ce jugement fut immédiatement exécuté. La ville d'Orléans érigea sur le pont de la Loire un monument en bronze, représentant la Pucelle agenouillée devant la sainte Vierge entre deux anges. En 1562, les huguenots l'endommagèrent par leur artillerie en se défendant contre l'armée royale; la ville le rétablit peu après. Au xviie siècle, on le déplaça par l'entraînement des idées soi-disant philosophiques; en 1792, au milieu des dangers de la patrie, on en fit des canons, dont l'un toutefois reçut le nom de Jeanne Darc, afin de montrer que cette ville n'en reniait point la mémoire, mais estimait ne pouvoir mieux l'honorer, qu'en consacrant à la défense de sa patrie adoptive, contre ces odieux Godons, un monument élevé jadis à la gloire de l'hé

roïne.

Le même jugement semblait exhorter à élever en chaque lieu où passa la Pucelle un monument qui servit d'exemple à la postérité; car on ne ferait point un pas dans l'Orléanais ni dans l'Ile-de-France, sans être édifié par ses exploits et sa charité. Les barbares Sarrasins, les Turcs ont respecté le calvaire où fut consommée la régénération du monde; mais on a autorisé d'avides trafiquants à construire une gare de chemin de fer au lieu où la Pucelle fut prise!

Dans la capitale de la France, nombre de rues ou de

passages portent des noms de charcutiers, de bouchers, d'entrepreneurs, d'agioteurs, d'escrocs, de dilapidateurs, de massacreurs cupides, de pseudo-victoires, de faux héros méprisables, d'obscurs maréchaux, de prélats ou de rois paillards et couards; pas une rue, ni une place, ni un boulevard, ni un carrefour, ni un passage du nom de Jeanne Darc, la libératrice de la France!...

CHAPITRE VI

DU CHATIMENT DE QUELQUES JUGES DE LA PUCELLE, ATTRIBUÉ PAR ERREUR A LOUIS XI.

Deux ans après que la mémoire de sa fille fut si bien réhabilitée, Isabelle Romée mourut fière et heureuse, oubliant en quelque sorte les chagrins qu'elle éprouvait depuis si longtemps. Mais aucun des persécuteurs de Jeanne Darc ne fut châtié : loin de là les plus adroits furent comblés de biens et d'honneurs. Charles VII eut le tort insigne de ne les avoir point exceptés des amnisties proclamées à la reprise de Paris et de la Normandie; de sorte qu'ils en furent quittes pour leurs remords et la flétrissure imprimée à leur nom par la postérité.

Ce monarque devait du moins les priver de leurs places lucratives car, si nulle justice n'était faite, l'engeance patibulaire ne craindrait point les révolutions, et celles-ci même seraient souvent illusoires. N'avonsnous pas ultérieurement vu siéger dans certaines corporations dites savantes, et sur les bancs des chambres hautes ces lâches proxénètes qui maquignonnèrent la

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