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Cette dernière, au folio 12, verso, porte Darc; M. Quicherat écrit le même mot d'Arc, t. Ier, p. 46.

L'expédition du procès de révision, provenant du Trésor des Chartres, au folio 203, verso, et celle de NotreDame, fo 178, recto, portent en trois passages Darc; M. Quicherat, t. III, p. 355, les transcrit en mettant d'Arc. Il en est de même des autres passages des expéditions authentiques et des copies, notamment de celle de Saint-Victor et de d'Urfé; il serait superflu de pousser plus loin la preuve des erreurs de transcription commises par M. Quicherat.

On a objecté qu'au quinzième siècle on ne mettait point d'apostrophe aux noms qui commençaient par une voyelle avec une particule; que l'on écrivait par exemple Dalençon pour d'Alençon. Mais en ce cas, lorsque c'était en latin, on ajoutait de pour la particule; comme on le voit dans le nom d'Estivet de Estiveto (Procès, tome I, p. 7, 24, 40, et tome III, p. 144, 162). On eût donc écrit de Arcu et non pas Darc, dans le texte latin, s'il eût fallu une apostrophe.

Au surplus M. Quicherat emploie souvent des expressions impropres, dénotant qu'il ne connaît pas même la langue du droit qu'il s'amuse à discuter. Par exemple il dit souvent l'instrument du procès (notamment t. V, p. 434 et 470). Mais le mot instrument vient du latin instrumentum, qui signifie opération ou acte. Ainsi une citation, une minute est un instrument. Or la collection de tous les actes d'un procès peut se nommer (en mauvais français) les instruments du procès, mais non pas l'instrument; puisqu'elle se compose d'une multitude d'actes, tels que citations, interrogatoires, procès-verbaux, jugements. Le texte latin lui en fournissait l'exemple. Une rubrique (tome III, page 350) est en ces termes : « Visitatio in

strumentorum causæ Rothomagi facta per consiliarios primi processus adhuc viventes. » Dans une déposition de G. Manchon (procès III, p. 145), on voit bien instrumento sententiæ (ostenso sibi instrumento sententiæ); mais c'est l'instrument de la sentence ou le jugement, et non du procès; car le procès est la collection de tous les actes, tandis que le jugement n'est qu'un seul acte.

III

DE LA NATIONALITÉ DE JEANNE DARC.

(Livre I, chapitre ш.)

Jusqu'en 1789, et surtout au moyen âge, le territoire de la France présentait d'étranges irrégularités dans ses divisions. Telle portion d'un État se trouvait enclavée dans un autre; et il n'y avait pas une province ni un bailliage dont les limites ne fussent sujettes à contestations et à guerre entre deux seigneurs riverains ou éloignés. Certaines contrées ou villes étaient régies par les lois ecclésiastiques d'un diocèse éloigné, par les lois civiles d'un autre pays, par les lois administratives d'un autre encore, et payait impôt à un État différent de ceux-là. On voyait même, des villages mi-partie d'un État, mipartie d'un autre.

Les écrivains récents, tels que M. J. Quicherat, M. Athanase Renard et M. H. Martin, qui prétendent que Jeanne Darc naquit sur territoire champenois ou français, n'ont évidemment pas consulté l'histoire de Lorraine. Ils auraient appris que Domremi était mi-partie champenois ou français, et mi-partie barrois, c'est-à-dire lorrain; et que les parents de Jeanne habitaient la dernière. Plusieurs villages de ce duché étaient ainsi partagés; plus de vingt titres authentiques, de 1334 à 1599, le prouvent en ce qui concerne Domremi.

Par exemple, en 1334, Jean de Bourlémont reconnaît tenir en fief du comte de Bar « la fort maison de Domremi, le pourpris et les appartenances et la moitié de ladite ville... » En 1397 (après la mort et conséquemment l'ordonnance de Charles V), Jean de Bourlémont reconnaît tenir en foi et hommage du duc de Bar... «<audit Domremi environ vingt et cinq conduis (ménages) de personnes, lesquels doivent chacun..... pour chacun cheval trayant... un reassel de froment... » (Trésor des Chartes. Gondrecourt, 1, no 112.)

Ultérieurement encore, et après la mort de la Pucelle, les Élus de Langres, quoique sujets du roi de France, rendirent un jugement déclarant que cette dernière partie n'était soumise qu'à Gondrecourt, incontestablement Lorrain. « Et en regard desdits autres habitants demeurans en ladite ville depuis lesdits ruisseau et pierre, en tirant vers le Neufchâtel, et au ban et finage dudit Domremi outre ladite pierre, ledit procureur du roi n'a aucunement prouvé son intention à l'encontre d'eux; pourquoi jouiront iceux habitans de semblable privilége que font les habitans de ladite ville de Gondrecourt. »

En 1581, Barnet, éditant l'Histoire tragique de la Pucelle d'Orléans, lui fait dire dans la dédicace qu'il adresse à Jean, comte de Salm, maréchal de Lorraine, qu'elle reconnaît le comte « pour son naturel seigneur, étant sujette de son bourg de Domremi, et lui doit humble obéissance. »

<«< En serait-il ainsi, fait observer dans une de ses brochures M. Beaupré, l'un des hommes les plus érudits de notre époque en histoire de Lorraine et en bibliographie, si Jeanne Darc était née dans la partie de ce village qui était le siége d'une autre seigneurie? La supposition est inadmissible. Il faut qu'elle soit née dans la

seigneurie des comtes de Salm, qu'elle soit née, je ne dis pas en Lorraine, mais Barroise... Je conviens que s'il était établi que le comte de Salm était aussi seigneur de la partie champenoise du village de Domremi, les termes de la dédicace que je viens de reproduire n'auraient plus la même portée. Mais c'est une preuve à faire; et jusque-là les présomptions sont du côté des écrivains qui revendiquent Jeanne Darc pour le Barrois. En tout cas, la lecture de l'Histoire tragique montre en plus d'un endroit, qu'à l'époque où cette pièce parut, un siècle et demi après la mort de la Pucelle, cette origine n'était pas mise en doute:

De Lorraine est venue une fille qui ose
Dire qu'elle a été vers votre majesté...
Vierge très-chaste et très-forte

De la France le bonheur

Et de Lorraine l'honneur... »

Cette observation est exacte, non-seulement pour le XVIe siècle, mais encore pour le xve, le xvire et le xviii. Éberhard de Windecken, trésorier et historiographe de l'empereur Sigismond, qui vécut du temps de la Pucelle, dit, d'après des documents officiels envoyés par Charles VII, « qu'il surgit de la Lorraine une jeune fille qui fit en France des prodiges qui affaiblirent singulièrement les Anglais. >> Ainsi la Cour de France elle-même avouait que Jeanne était Lorraine, quoiqu'elle eût intérêt à la considérer ou faire passer pour Française et sujette de Charles VII.

Jean Hordal, descendant d'un frère de Jeanne, et vivant en Lorraine, à Pont-à-Mousson, dans un milieu plein d'érudition, à une époque peu éloignée de la mort de l'héroïne, n'hésite point à la considérer comme Lorraine.

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