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Dans les premiers siècles du moyen âge, après les invasions germaniques, le principe dominant fut celui de la personnalité du droit. Chacun, quel que fût le lieu de sa résidence, était soumis au droit de sa nation. Ainsi, dans toutes les parties de l'empire de Clovis et de Charlemagne, les Francs Saliens et Ripuaires, les Goths, les Burgondes suivaient leurs lois nationales, tandis que les Romains ou Romans conservaient le droit romain (1). Cet état de

aujourd'hui que ces textes ne concernent le droit international privé qu'en apparence.

Le droit civil de Rome était, sauf les exceptions individuelles et partielles, l'apanage exclusif des citoyens.

Le jus gentium, admirable création des préteurs qui peut bien avoir eu un fondement conventionnel et international, était réputé commun à tous les peuples civilisés.

Le droit particulier des divers pays ou cités était appliqué aux pérégrins certæ civitatis cives en matière personnelle, familiale et successorale. Gaius, III, 120: «...Nisi si de peregrino fideipromissore quæramus, et alio jure civitas ejus utatur.» Ulpien, xx, 15 : «...Quoniam nullius certæ civitatis civis est, ut secundum leges civitatis suæ testetur. »

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On sait que Caracalla a donné le droit de cité, et par conséquent le jus civile, à tous ceux qui in orbe romano sunt. Auparavant déjà, la concession du droit de cité, en donnant le jus civile, faisait perdre le droit national. Aulu Gelle (iv, 4), parlant du droit latin en matière de fiançailles, dit : «Hoc jus sponsaliorum observatum dicit Servius ad id tempus quo civitas universo Latio lege Julia data est. » (1) Le clergé était réputé romain. Ce système de la personnalité du droit fut le fruit des conquêtes, car, aux yeux des anciens Germains, l'étranger comme tel était sans droit. Grimm, Deutsche Rechtsalterthümer, p. 396-402. Savigny, Histoire du droit romain au moyen âge (édition allemande), t. I, chapitre III.- Stobbe, Jahrbücher des gemeinen Rechts, vi, 2. — Bar, § 3.— Savigny a montré l'erreur de Montesquieu (Esprit des Lois, xxvIII, 2), que l'on a reproduite récemment. Le système de la personnalité du droit est en vigueur aujourd'hui, avec des divergences nombreuses, en divers pays: en Algérie, dans l'empire ottoman, aux Indes. M. Brocher s'occupe spécialement

choses, compliqué par les déplacements individuels et les mariages, devait amener une confusion extrême; nous ne pensons pas qu'il ait contribué d'une manière appréciable au développement des principes du droit international privé.

La féodalité provoqua un changement radical. Dans la seconde partie du moyen âge, le criterium de l'origine s'est effacé devant le service féodal, et le principe de la territorialité domine. Ce qui détermine le droit, c'est désormais le fait d'appartenir à une certaine communauté ou association locale (1).

On comprend qu'un tel système ne pouvait être appliqué d'une manière générale et absolue. Il est impossible, en effet, de méconnaître qu'à raison de leur nature même, certains droits doivent suivre la personne hors du territoire. Ainsi s'est formée la doctrine que l'on a nommée la théorie des statuts et qu'ont enseignée, d'une manière concordante dans les traits généraux, les juristes du moyen âge (2).

(Cours, t. I, nos 34-40, et J. D. P., t. VIII, p. 373 s.) des «< établissements extracontinentaux » de la France: Algérie, Indes Orientales, Cochinchine, Échelles du Levant, Barbarie; des consulats, des capitulations, des traités d'établissement et de protection, de l'organisation judiciaire et des tribunaux mixtes en Égypte. Sur les Chinois et les Indiens aux États-Unis, Wharton, §§ 7-9, 12; voyez aussi § 15.

(1) Sur l'opposition de la personnalité et de la territorialité : Savigny, à l'endroit cité, et au tome VIII du Système du droit romain, § 346. Bar, § 4, et dans l'Encyclopédie de M. de Holtzendorff, p. 675. On exagère quand on dit que le principe territorial «< consistait dans l'application de la loi du territoire à toutes les personnes et choses qui se trouvaient dans le territoire. » Il n'en a jamais été ainsi, pas même vers la fin du moyen âge.

(2) Ce sont les auteurs qui ont développé et formé le droit en

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3. Ces docteurs, que l'on nomme généralement les Commentateurs ou Post-Glossateurs, divisent toutes les lois, tous les statuts, toutes les coutumes, toutes les sources du droit positif en vigueur dans un pays, en trois classes auxquelles on a donné les noms de statuts personnels, réels et mixtes (1).

On entend par statuts personnels les lois, statuts ou coutumes qui concernent en première ligne l'état et la capacité des personnes. La classe des statuts réels comprend ce qui a trait aux biens, et plus particulièrement aux immeubles. La troisième classe comprend les lois, statuts ou coutumes qui concernent à la fois les personnes et les biens; ceci toutefois n'est point constant (2).

Cette division tripartite des statuts se trouve déjà chez Bartole, Balde, Albéric de Rosciate et chez d'autres Commentateurs; développée et précisée au seizième siècle, elle a régné jusque dans le nôtre, et c'est elle encore que

cette matière, au moyen âge et plus tard. Cependant quelques dispositions, assez vagues, il est vrai, se trouvent déjà dans les Siete Partidas, l'œuvre si remarquable, aussi au point de vue du droit des gens, d'Alphonse le Sage ou le Savant, roi de Castille. P. I, t. I, loi 15.

(1) Quand les Commentateurs, Albéric de Rosciate par exemple, parlent des statuts, ils prennent ce mot dans le sens originaire et général de lois particulières, municipales, par opposition au droit commun. La terminologie technique de statuts personnels, réels et mixtes paraît dater du seizième siècle.

Savigny, § 361. Lomonaco, Diritto civile internazionale, p. 62, note.

(2) Cette notion des statuts mixtes, sur laquelle il faut voir d'Argentré, s'est développée en partie en suite des principes concernant les actes juridiqués, notamment de la règle Locus regit actum. On mentionne aussi le statut des formes à côté du statut personnel et du statut réel.

sanctionnent ou supposent les principaux codes en vigueur aujourd'hui. Cependant elle prête, dans son application, à trop d'incertitudes et de divergences pour qu'il soit possible de fonder sur elle des règles précises et arrêtées, vraiment propres à résoudre les conflits (1).

Les jurisconsultes du seizième, du dix-septième et du dix-huitième siècle ont continué à travailler sur les bases que les Commentateurs avaient posées. Dès le dix-septième siècle, notamment, on se mit à appliquer la théorie des statuts aux questions spéciales, au détail du droit, et l'on en vint même parfois à tomber dans une casuistique exagérée. La multiplicité des législations en vigueur dans un seul et même pays fournissait naturellement la matière et l'occasion de recherches scientifiques spéciales. Tous les pays de l'Europe étaient alors dans cette situation, et plus que d'autres les Provinces-Unies des PaysBas, où l'autonomie municipale était particulièrement forte et la science juridique florissante, tandis que les rapports entre les citoyens de villes nombreuses et

(1) Le difficile, c'est de trouver le criterium qui décide de la réalité ou de la personnalité. «In iis definiendis, dit Hert, mirum est quam sudant doctores. » Story parle des « metaphysical niceties >> dans lesquelles les docteurs se complaisaient. On a souvent cité, sans la comprendre, une distinction que recommandait, entre autres, Bartole, mais que Balde a repoussée : dans son commentaire à la loi 1, au Code, de Summa Trinitate (I, 1), le grand Commentateur dit que le statut concernant le privilège de primogéniture doit être considéré comme personnel si la loi dit : Primogenitus succedat, et comme réel si la loi dit: Immobilia veniant ad primogenitum. C'était un expédient d'interprétation, que des auteurs plus modernes n'ont point dédaigné.

importantes, très voisines les unes des autres, étaient extrêmement fréquents (1).

On doit surtout nommer, comme ayant exercé une influence prépondérante, Du Moulin, puis d'Argentré, au seizième siècle; le Belge Burgundus ou Bourgoingne; les Hollandais Rodenburgh, Paul Voet, Jean Voet, Ulric Huber (dont l'influence a été particulièrement grande en Angleterre); l'Allemand Hert; enfin, au dix-huitième siècle, le président Bouhier, Froland, Boullenois (2).

4.

Ce que l'on peut appeler l'époque moderne de la science du conflit des lois date à peine d'un demi-siècle. Cette époque a été ouverte, en France et en Allemagne, par deux publications considérables, fort dissemblables d'ailleurs. Un avocat allemand, fixé à Paris, Jean-JacquesGaspard Fœlix, fit paraître, à partir de 1840, dans la Revue étrangère et française de législation et d'économie politique, qu'il avait fondée quelques années auparavant, une série d'articles fort remarqués sur le conflit des lois des différentes nations, qu'il a réunis en deux volumes en 1843. En 1841, un autre Allemand, Ch.-Georges Waechter, alors chancelier de l'université de Tubingue, entreprit, également dans une Revue, l'Archiv für civilistische Praxis, la publication de ses admirables études sur la Collision des lois de droit privé. La même année parut un petit livre, soigneusement fait, d'un avocat de Francfort,

(1) Les jurisconsultes des Pays-Bas, dit Fœlix, nous ont frayé la

route.

(2) Bar, § 5. Laurent, 1, 245-360. M. Laurent donne aux auteurs des trois derniers siècles le nom collectif de Statutaires.

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