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En résumé, nous rejetons la doctrine de la courtoisie. pour les deux motifs suivants :

En premier lieu, nous ne saurions accorder au juge, dans l'application qu'il doit faire de la loi, la faculté de préférer telle loi à telle autre par courtoisie ou bienveillance. S'il n'est pas obligé d'appliquer la loi étrangère, il n'est pas non plus autorisé à l'appliquer.

En second lieu, c'est une erreur complète de croire que le juge est obligé seulement d'appliquer la loi nationale. Le procès, en général, n'est pas destiné à créer des droits nouveaux, mais à faire reconnaître les droits existants. Cette vérité serait méconnue si le juge n'était obligé d'appliquer dans tous les cas indistinctement que la loi du pays où le procès a lieu.

9. Nous pensons donc que, même en l'absence de dispositions légales à ce sujet, le juge est obligé de rechercher selon quelle loi le procès doit être jugé, en vertu des principes généraux, et d'appliquer cette loi.

La nature de la cause et du fait juridique, la nationalité des parties ou leur domicile, le lieu du contrat, celui de l'exécution de l'obligation, toutes ces circonstances et d'autres encore lui montreront quelle est la loi applicable dans chaque cas particulier.

Sans doute, l'appréciation de ces circonstances ne pourra se faire sans provoquer des divergences considérables. A défaut de lois et de traités, l'accord est bien loin d'être établi entre les États, soit dans la jurisprudence, soit dans la doctrine. Il est d'autant plus nécessaire de trouver les principes justes, susceptibles de réaliser

l'unité dans la mesure du possible et du désirable, et de préparer ainsi les voies à la rédaction des règles qui pourront un jour être consacrées législativement ou conventionnellement.

$ 6.

10. Division.

Comment le juge doit-il appliquer la loi
étrangère?

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11. Le juge doit appliquer la loi étrangère d'office. 12. Le juge doit s'enquérir de la loi étrangère. Preuve de la loi étrangère. 14. Y a-t-il ouverture à cassation pour la violation ou l'application erronée de la loi étrangère?

10.

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L'application de la loi étrangère a-t-elle lieu de la même manière et dans les mêmes conditions que celle de la loi nationale? Question générale qui comprend plusieurs questions particulières :

Le juge doit-il appliquer la loi étrangère, alors même que les parties ne l'invoquent pas; doit-il l'appliquer d'office?

Que fera-t-il s'il y a doute ou contradiction touchant la disposition du droit étranger?

Imposera-t-il la preuve du droit étranger à la partie qui l'invoque? Et, dans l'affirmative, cette preuve sera-t-elle administrée selon les règles de la preuve des faits?

Enfin, y aura-t-il cassation, dans les pays où le pourvoi en cassation existe, pour violation ou application erronée de la loi étrangère ?

Pour répondre avec toute la précision désirable à ces diverses questions, il faudrait tenir compte de la procédure et de l'organisation judiciaire de chaque pays. Nous

nous bornerons à poser les principes généraux qui nous paraissent devoir être observés en l'absence de dispositions contraires de la loi.

11. Le juge appliquera-t-il la loi étrangère d'office? Nous répondons oui (1).

L'office du juge est de juger chaque procès selon le droit qui le régit (ci-dessus, no 8). Peu importe ici que le pouvoir du juge soit limité ou non aux moyens que les parties font valoir. Le juge doit fonder sa décision, dans tous les cas, sur la loi qu'il estime applicable : ainsi, le cas échéant, sur la loi étrangère, alors même que les parties ne l'invoqueraient point; et si même il n'était autorisé à tenir compte que des moyens proposés par les parties, il devrait toujours examiner et apprécier ces moyens conformément au droit qu'il estime applicable.

12. Que fera le juge s'il y a doute ou contradiction touchant la loi étrangère? Il a mission de faire droit. Il estime que le fait juridique qui lui est soumis doit être décidé par une loi étrangère. Il se trouve donc, vis à vis

(1) Ainsi Bar, § 32, Laurent, t. II, 263 s. On peut dire que c'est l'opinion régnante aujourd'hui. Toutefois M. Demangeat, sur Fœlix, a encore admis comme chose évidente que le juge n'est pas tenu d'appliquer d'office la loi étrangère.

Plusieurs auteurs envisagent le droit étranger comme un simple fait, au point de vue de la procédure, et ne permettent au juge de l'appliquer que si l'une des parties l'invoque. Tel est le point de vue du droit anglais, Westlake, § 334, R. D. I., t. XIV, p. 304; et aux États-Unis.

Une opinion intermédiaire autorise le juge à appliquer la loi étrangère, sans l'y obliger Kori, Erærterungen, t. III, p. 29, cité par Bar.

de cette loi, dans la situation dans laquelle il se trouve ordinairement à l'égard du droit national. Il doit s'enquérir, en cas de doute, des dispositions de cette loi.

Qu'arrivera-t-il si les parties ne réussissent pas à prouver la loi étrangère? On a soutenu que le juge peut alors se dispenser de l'appliquer. On cite des arrêts dans ce sens (1). Cette doctrine ne nous paraît point justifiée; il y aura là, sans doute, une difficulté pratique à surmonter mais nous n'y saurions voir une raison de droit.

13.

Est-ce à la partie qui invoque le droit étranger à en fournir la preuve?

Nous pensons que l'on ne saurait lui demander de le prouver comme si c'était un fait qu'elle alléguait (2). Elle

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(1) Jurisprudence de la Cour supérieure de commerce allemande : Quand un rapport de droit est, par sa nature, soumis à la prédominance de la loi étrangère, le juge doit appliquer le droit étranger autant qu'il lui est connu; il peut baser cette connaissance, soit sur sa science propre, soit sur la preuve faite par les parties, et que sa conviction estime suffisante. S'il s'agit de principes de droit étranger qui sont inconnus au juge, il en peut exiger la preuve des parties qui l'invoquent, ou faire d'office les recherches nécessaires, mais il n'y est pas obligé. Le juge peut, d'après des présomptions, décider que le droit étranger, à lui inconnu, est en harmonie avec le droit national. Ces présomptions, toutefois, pouvant être combattues par la preuve contraire faite par les parties, ne lient pas le juge de telle façon qu'il soit obligé de décider d'après elles. La maxime Jura novit curia ne pourrait être invoquée en matière de droit étranger. Arrêt du 14 février 1871. J. D. P., t. I, p. 80.

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(2) Contra, Felix, 18; les Anglais et les Américains. Westlake, § 335: « La législation étrangère, ou la différence entre elle et l'anglaise, étant un fait, il s'ensuit que c'est au jury, s'il y en a un, de juger de la preuve qu'on en fera : le juge n'a qu'à faire connaître au jury quel est le pays dont il faut appliquer la législation. » R. D. I.. t. XIV, p. 305. Wharton, 773.

s'efforcera, s'il y a lieu, d'établir la justesse de son appréciation ou interprétation, par une déduction juridique, que le juge devra compléter d'office conformément aux règles ordinaires.

On pourrait croire qu'au moins le texte de la loi étrangère est un fait à prouver dans les formes légales.

Tel n'est point le cas, cependant, pas plus pour la loi étrangère que pour la loi territoriale. Abstraction faite de la preuve légale, là où elle existe, le juge a divers moyens de se procurer la certitude qui lui est nécessaire, soit quant au texte, soit quant au sens de la loi étrangère. Dans quelques pays, le ministre de la justice délivre des déclarations auxquelles on reconnaît force authentique. Ailleurs, on fait constater par des avocats, notaires ou fonctionnaires de l'ordre judiciaire, quelle est la disposition légale concernant le point controversé (1).

On ne doit pas assimiler le droit étranger à la coutume. La coutume est un fait ou un ensemble de faits, et son existence doit être prouvée par les moyens admis pour la preuve des faits. N'est pas justifiée davantage la présomption qu'établit le droit anglais et américain et en vertu de laquelle, en l'absence de preuves, le droit étranger est présumé identique avec le droit national. Laurent, 263. Sur la preuve des lois étrangères : Laurent, t. II, 262-272. Bar, § 32. Westlake, §§ 334-341. Wharton, 771-780.

Pierantoni, Della prova delle leggi straniere nei giudizi civili. Considerazioni e proposte (Extrait du Filangieri, 1883). - Le même, Proposta di un Codice dei Codici (Rassegna di diritto commerciale italiano e straniero, novembre 1883). Sur la proposition de M. Pierantoni, laquelle coïncidait avec une proposition analogue de M. Norsa, l'Institut de droit international a décidé de mettre à l'étude la question suivante : Quels seraient les moyens à proposer aux gouvernements en vue de favoriser la connaissance des lois étrangères, et en particulier d'assurer la preuve de ces lois devant les tribunaux? 1) Les actes de notoriété, qui remplacèrent les anciennes enquêtes

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