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» s'est offert à leur vue; tout leur a paru français ou moderne. » Pour s'assurer de la vérité de ces résultats, l'auteur examine à son tour la Normandie; il interroge les monumens, les mœurs, la langue, la poésie, les chroniques, les chartes; et s'il n'y découvre pas de très sensibles traces du caractère scandinave, il y recueille du moins l'histoire des progrès de la civilisation. Il considère l'état des arts, les essais de l'architecture militaire et civile, ia construction des églises, les institutions et les pratiques religieuses, les coutumes féodales, les habitudes. sociales, les désordres publics, l'étude des lettres et des sciences, les établissemens d'instruction, les travaux des copistes et des auteurs; ce qu'on avoit de notions historiques, en quels genres de poésie on s'exerçoit, comment se formoit l'idiome vulgaire, quels sujets on traitoit en prose et en vers, combien peu étoient empruntés de la littérature islandaise ou scaldique ; quels restes néanmoins de superstitions septentrionales s'introduisoient quelquefois dans les productions des romanciers et des poëtes anglo-normands; quelles espèces de grains, de plantes et arbres on cultivoit; en quoi consistoit l'économie rurale et domestique, de quels alimens et de quelles boissons l'on faisoit usage; comment se pratiquoient la chasse, la pêche, la navigation, les échanges; quels étoient les ports, les marchés, les foires, la condition des laboureurs et celle des bourgeois, l'administration de la justice, les combats judiciaires, les services dus aux seigneurs, les traditions chevaleresques, enfin les armes et les costumes employés à la guerre. Tout ce chapitre se compose de faits précis et de détails positifs, beaucoup plus que d'aperçus généraux. Plus M. Depping rassemble de documens, plus il craint d'en trop étendre les conséquences: il n'invente point un système; il n'entreprend pas de donner un aspect nouveau, ou, comme on a dit, une nouvelle signification à l'histoire : c'est l'histoire elle-même qu'il recherche curieusement et scrupuleusement dans toutes les sources; ce qui est une tâche bien assez laborieuse et assez honorable, quand on la remplit avec autant de sagacité, de méthode et d'exactitude qu'il vient de le faire. Son, ouvrage, dont le sujet même est plein d'intérêt, nous paroît mériter, par la profondeur des recherches, par la rigueur de la critique et par la convenance des formes, un rang très-distingué entre les productions historiques de ces derniers temps (1).

DAUNOU.

(1) Les pièces justificatives sont, 1. un éclaircissement sur le nom et la patrie des Normands; 2. les textes des historiens sur l'expatriation de la jeunesse du nord; 3. l'Histoire des expéditions de Hasting, tirée de la Chroniqué ma

FABLES INÉDITES des XII., XIII. et XIV. siècles, et Fables de la Fontaine rapprochées de celles de tous les auteurs qui avòient avant lui traité les mêmes sujets, précédées d'une notice sur les fabulistes, par A. C. Robert, conservateur de la bibliothèque de Sainte-Geneviève, &c. Paris, Étienne Cabin, fibraire éditeur, rue de la Harpe, n.° 50 bis, octobre, 1825, 2 vol. in-8.°

PENDANT long-temps on a donné en Italie des leçons publiques uniquement consacrées à l'explication de la DIVINA COMMEDIA de Dante; mais ces divers et nombreux commentaires ont laissé peu de notions philologiques dignes de servir à l'illustration de l'ouvrage de ce grand poëte et d'ajouter au zèle de ses admirateurs. La France n'a pas fondé de chaire publique spéciale pour faire apprécier plus dignement le mérite et les beautés de son fabuliste; mais les commentaires nombreux de ses apologues sont un genre d'hommage et ont un caractère d'utilité qui équivalent aux leçons verbales et fugitives d'une chaire où le professeur auroit à donner des explications souvent nécessaires, quelquefois curieuses, de plusieurs passages, et à présenter des rapprochemens utiles sous le rapport du goût. Oui, un des moyens de rehausser encore, s'il étoit possible, la gloire du fabuliste français et de faire sentir utilement sa supériorité dans le genre qui l'a immortalisé, ce seroit d'établir une comparaison suivie et détaillée de son travail avec celui des autres fabulistes qui, avant et après lui, et dans les différentes littératures, ont traité les mêmes sujets; l'avantage seroit presque toujours en faveur de la Fontaine : et si, dans un très-petit nombre de circonstances, quelque autre auteur offroit des détails et même un ensemble préférables, ces accidens littéraires ne seroient pas les leçons les moins utiles pour nous, et ne nous feroient rien perdre de notre admiration pour le rare talent de notre auteur. C'est dont offrir au public un travail très-intéressant et très-utile, que de réunir, dans une édition nouvelle, les nombreuses indications des auteurs, je

nuscrite de Normandie, par Benoît de Saint-Maur; 4. l'Histoire de l'expatriation de Rollon, tirée d'une saga; 5.° un Éclaircissement sur la clameur de haro; 6. des Lettres de Suhm, Mallet, &c., sur l'expédition du roi Harald en France; 7.° un Extrait du roman du Rou, sur l'expédition d'Olaf en France; 8. un Extrait d'une saga sur le même sujet; 9.o une Note, sur les noms topographiques de Normandie.

ne dirai pas, dont la Fontaine a emprunté ses sujets, car je pense, comme M. Robert, que la Fontaine ne les cherchoit pas au loin, mais avec lesquels il a des traits de ressemblance ou de dissemblance, soit dans l'ensemble, soit dans les détails de ses fables; on sent que ce travail fournira à l'homme de goût le moyen d'établir d'heureux rapprochemens et de faire d'utiles comparaisons.

Plusieurs éditeurs ou commentateurs des fables de la Fontaine avoient précédemment indiqué une partie des ouvrages où l'on trouve plus ou moins de rapports avec la très-grande partie de ces fables; mais personne ne l'avoit fait encore avec autant de soins et de succès que le nouvel éditeur; et il est vraisemblable qu'une partie des notes et des indications qui composoient le recueil que publie M. Robert, après l'avoir enrichi de ses propres recherches, n'avoit pas été inconnue à ceux qui l'ont précédé, et qui ont pu sans doute en faire un légitime usage.

En effet, on s'étoit jadis occupé du soin de rechercher les auteurs antérieurs à la Fontaine, et dont les fables offroient les mêmes sujets que ceux de ce poëte. M. de Foncemagne avoit une ébauche d'un travail en ce genre; il la tenoit de M.me Pons de Saint-Maurice, et il la remit au savant Grosley, qui y ajouta de nouvelles notes. M. Grosley fut aidé par M. Adry, qui lui-même avoit beaucoup travaillé sur les fables et sur les fabulistes. M. Grosley céda le recueil de ses indications à M. le cardinal de Brienne-Loménie, qui l'augmenta encore; et bientôt la collection devint assez considérable pour qu'il fût permis de croire qu'il n'étoit plus nécessaire de se livrer à de nouvelles recherches. En 1795, M. Sélis, professeur au collège de France, fit connoître ce travail dans ses leçons publiques. M. Robert, attaché au département des imprimés de la Bibliothèque du Roi, et M. Robert son fils, qui publie aujourd'hui le travail dont je rends compte, crurent qu'on pouvoit ajouter encore aux recherches précédentes, et ils consacrèrent leurs soins à en faire de nouvelles. M. Robert fils forma ensuite le dessein de rendre publique cette collection, dont la connoissance lui paroissoit à-la-fois utile à notre littérature, et une sorte d'hommage à la mémoire de la Fontaine on conçoit les peines et les recherches nouvelles que ce projet exigeoit.

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Les encouragemens qu'il obtint le décidèrent, et, en présentant aujourd'hui son travail, il expose quels soins il a pris pour réduire à une juste proportion l'emploi des immenses matériaux qu'il avoit amassés, soit en ne choisissant que ce qui étoit seulement nécessaire, soit en n'omettant rien de ce qui paroissoit l'ètre.

En publiant un travail aussi considérable sur les nombreux sujets de fables dont l'exécution peut être comparée avec les mêmes sujets traités par la Fontaine, M. Robert ne pouvoit guère éviter de parler des fabulistes qui avoient précédé, dans l'ordre des temps, celui qui les a ensuite tous laissés derrière lui sous le rapport du mérite et du talent. Dans son discours préliminaire, après avoir donné ses idées sur le genre de l'apologue, il présente des notices plus ou moins détaillées sur les fabulistes qui étoient le moins connus. et il indique divers monumens non-seulement inédits, mais presque entièrement ignorés.

propose ensuite ses conjectures sur les sources où la Fontaine a probablement puisé les sujets de ses fables. Quand il donne le texte de la Fontaine, il place, à la suite de chaque fable, ainsi que l'avoient fait en partie quelques-uns des derniers editeurs, une indication des auteurs grecs, latins, français, italiens, espagnols, allemands, anglais; hollandais et orientaux, qui avoient traité, avant le fabuliste français, les sujets qu'on retrouve dans ses compositions. Le nombre de ces indications est au-dessus de trois mille, tirées de plus de trois cents auteurs. L'avis du libraire éditeur annonce que ces indications sont complètes: l'assertion est sans doute hasardée; mais on ne peut disconvenir qu'elles sont aussi complètes qu'il étoit permis de l'exiger, et même de l'espérer dans une première publication. Les découvertes nouvelles qu'on fera connoître à M. Robert ne seront pas une critique de son travail, mais une sorte d'hommage rendu à ses soins et à son zèle ; et c'est sous ce rapport que je lui indique, parmi les auteurs espagnols, LAS POESIAS DEL ARCIPRESTE DE HITA, qui contiennent un trèsgrand nombre de fables dont les sujets ont été reproduits par notre fabuliste (1).

Une édition des fables de la Fontaine ainsi exécutée auroit sans doute un grand mérite littéraire; mais ce qui rend celle-ci encore plus précieuse, c'est la publication de cent quatre-vingt-six fables inédites, dont cent quarante-une sont en vers français, et trente cinq en vers

(1) Vayez Colecion de poesias castellanas anteriores al siglo XV, tomo IV; publiée par Sanchez, Madrid, 1790. Jean Ruiz, archiprêtre de Hita, a vécu dans le XIV. siècle. Les sujets qu'il a traités, et qui se retrouvent dans la Fontaine, sont, entre autres,

La Montagne en travail;

Les Grenouilles qui demandent un roi,

Le Chien qui lâche sa proie pour l'ombre;
Le Loup et la Grue;

Le Geal paré des plumes du Paon;
Le Lion devenu vieux;

La Couleuvre et l'Homme;

Le Rat de ville et le Rat des champs;
Le Coq et la Perle;

L'Ane et le petit Chien;

Le Lion et le Rat;

Le Lièvre et les Grenouilles, &c. &c.

latins. M. Robert annonce qu'elles appartiennent aux XII., XI. et XIV. siècles. Les unes, et c'est le plus grand nombre, sont imprimées à la suite des fables de la Fontaine dont le sujet est le même; les autres sont placées ensemble à la fin du tome II, sous le titre d'Appendice, et complètent ainsi la publication de ces monumens inédits, dont la plus grande partie fournit de nouveaux matériaux pour la connoissance de notre ancien idiome.

M. Robert a ajouté à la publication des fables françaises inédites, de courtes explications de mots qui lui ont paru en avoir besoin, et, sous ce nouveau rapport, son travail offre un autre mérite et un autre intérêt philologique. Il a eu même le soin d'indiquer quelques passages de classiques latins qui lui paroissoient avoir été traduits ou imités par les auteurs de ces fables.

M. Robert ayant annoncé dans le titre même de son édition qu'il publioit des fables inédites des XII., XIII. et XIV. siècles, il est important pour la philologie et pour l'histoire littéraire de déterminer d'une manière précise quelles sont celles qui appartiennent spécialement ou qui paroissent du moins appartenir à chacun de ces trois siècles; comme M. Robert ne s'est pas expliqué à cet égard, je crois devoir entrer dans quelques détails.

Ces fables sont tirées, 1.° de deux recueils que M. Robert désigne sous le nom d'YSOPET; 2.° du roman du RENARD et de ses diverses branches; 3.° d'un recueil qui a fourni une fable inédite de Marie de France.

Le premier recueil des Ysopet est désigné par M. Robert sous la qualification d'Ysopet 1, d'Ysopet-Avionet. I contient quatre-vingttrois fables inédites jusqu'à présent. On peut les diviser en deux parties, dont la première commence par ces mots : Compilacio Ysopi alata cum Avioneto cum quibusdam ad iicionibus et moralitatibus; viennent ensuite le prologue et soixame-quatre fables latines, en vers élégiaques, de l'ancien anonyme que l'éditeur croit être Galfred ou Geoffroi; des imitations en vers français de huit syllabes suivent chacun de ces apologues.

Un épilogue en vers français sert de transition à la seconde partie, qui contient dix-neuf fables d'après Avienus, circonstance qui a fait donner par fauteur le titre de compilation d'Avionet aux versions françaises dont il les accompagne.

Cette première collection porte sa date: le poëte parle du roi de France Philippe VI,

Le roi Philippe son seigneur,

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