Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors][merged small][merged small][merged small]

Mémoires d'AGRICULTURE, d'économie rurale et domestique, publiés par la Société royale et centrale d'agriculture de France; tomes XII et XIII, in-8.o A Paris, chez M.me Huzard, libraire, rue de l'Éperon, n.° 7.

DEPUIS

EPUIS que nous avons fait connoître quelques-uns des volumes de la Société centrale d'agriculture de France, elle en a publié deux qui conduisent l'histoire de ses travaux jusqu'à l'année 1826.

Dans le premier, il s'agit d'abord d'une séance publique que M. de Corbière, ministre de l'intérieur, a présidée, et qu'il a ouverte par un discours dans lequel il expose les causes d'où dépendent les progrès de l'agriculture. Ce sont, l'expérience, qui ne peut s'acquérir que par la

Ccc a

pratique; une communication facile entre tous ceux qui s'y livrent; l'établissement d'un dépôt commun où chacun apporte le fruit de ses efforts; le concours de toutes les sciences; enfin l'influence de la législation civile de chaque nation, de ses mœurs, de ses habitudes. L'époque actuelle paroît au ministre la plus favorable aux travaux agricoles, parce que jamais les classes éclairées de la société ne s'en sont autant occupées. Bien qu'on se plaigne généralement de la difficulté de trouver des débouchés aux produits, néanmoins l'utile direction donnée aux esprits ne s'est point ralentie.

A la suite du discours du ministre, se trouve un rapport de M. Challan, vice-secrétaire, sur les travaux annuels de la société. Entre autres détails intéressans, on y remarque une notice de plusieurs établissemens relatifs à l'agriculture, formés en différens pays; ce sont: 1.° la ferme expérimentale près de Moscou, fondée par la société économique de Russie en 1822, et dont les détails ont été communiqués par le prince Gagarin, l'un de ses membres, lors de son séjour à Paris, où il assistoit aux séances de la société centrale de France: 2.o un comité que le propriétaire d'Hosteimbourg a composé d'ecclésiastiques du comté, de ses agens, et de cultivateurs, qui se rassemblent tous les dimanches; chacun y rend compte de la partie dont il est chargé ; les connoissances acquises depuis l'existence de ce comité ont tellement influé sur les esprits, que les paysans vendent des légumes maintenant, tandis qu'ils étoient forcés d'en acheter pour leur consommation: 3. la ferme expérimentale d'Hohenheim, près de Stutgard, dont la direction est confiée à M. Schwerz, homme de beaucoup de mérite, correspondant de l'académie des sciences de France; le roi de Wirtemberg la visite souvent et y prend un grand intérêt; c'est une réunion d'agriculteurs, qui délèguent l'administration à un comité, auquel tous les intéressés ont droit de communiquer leurs observations; elle tient des assemblées périodiques : cette association emploie des orphelins qui exécutent la plupart des travaux; elle s'adjoint des maîtres d'école, chargés de propager les notions d'agriculture. 4. II existe dans la Belgique un dépôt de mendicité où les hommes travaillent à la terre, et une colonie occupée à défricher des landes qu'on 'appelle champ Frédéric, parce que le prince qui porte ce nom y vient fréquemment; ce sont des souscriptions qui l'alimentent.

Il est question, dans le même compte rendu, d'essais sur le formium tenax, ou lin de la Nouvelle-Zélande, dont on doit l'introduction au botaniste la Billardière; cette plante, à ce qu'on assure, donne des fils très-fins, forts et extensibles.

Ce rapport est suivi du programme des concours ouverts par la Société centrale d'agriculture. L'un des prix est destiné à la traduction, soit complète, soit par extrait, d'ouvrages ou mémoires relatifs à l'économie rurale, écrits en langues étrangères, et offrant des observations neuves et utiles: la société a distingué celle d'un traité ayant pour titre, Luis bovilla symptomata, cause, discrimina, remedia præservativa et curativa, formant le deuxième livre d'un ouvrage de M. Scopoli, intitulé Annus tertius historico-naturalis. Le traducteur est M. Favre, vétérinaire du canton de Genève, qui a recueilli des faits et des observations puisés dans l'histoire des maladies bovines en diverses contrées de l'Europe, depuis 1713 jusqu'en 1765; travail qui peut servir à éclaircir la question de savoir si toutes les épizooties décrites dans les livres allemands, sous les noms de peste du gros bétail, de malaaie pestilentielle du gros bitail, étoient bien la même affection.

Le deuxième prix devoit s'obtenir par l'introduction dans un canton de la France d'un engrais ou amendement qui n'y étoit pas usité auparavant ;

Le troisième, par des essais comparatifs de culture de plantes propres à former des fourrages précoces ;

Le quatrième, par des mémoires et observations de médecine vétérinaire pratique ;

Le cinquième, par des notices biographiques sur des agronomes, cultivateurs ou écrivains dignes d'être mieux connus qu'ils ne l'ont été, pour les services qu'ils ont rendus à l'agriculture. Une de ces notices, due à feu M. Laurent de Saint-Vincent, a fixé plus particulièrement l'attention; elle est destinée à tirer d'un injuste oubli Henri de Richeprey. Né à Nancy en 1751, il fut envoyé en Corse, où, d'après un examen attentif du pays, il forma des projets qui devoient être utiles à cette île: il voyagea ensuite en Italie, où il étudia les diverses cultures et la sage administration de Léopold, duc de Toscane. Les sentimens d'humanité de M. de Richeprey lui firent accepter une mission qui demandoit beaucoup de zèle, de prudence, de patience, et le talent de persuader : il s'agissoit d'amener les negres de la colonie de Caïenne à sentir le prix du bien qu'on vouloit leur faire en les affranchissant. C'étoit le vœu de l'ame compatissante de Louis XVI, qui vouloit qu'on pût donner à cette race d'hommes des mœurs et des vertus, de l'activité et de l'industrie, et développer leur intelligence. M. de Richeprey s'acquittoit de cette mission avec succès, lorsqu'il mourut à l'âge de trente-six ans : on a de lui une bonne description de la haute Guiane.

Un éloge, par M. Silvestre, de M. Herwin de Nevelle, pair de France et membre de la Société, rappelle ce qu'il a fait, avec M. son frère, pour assainir un pays étendu, situé entre Furnes, Bergues, Hondschote et Dunkerque, et pour rendre à l'agriculture environ trente mille arpens de marais connus sous le nom de moëres. Ils y ont réussi en six années. Nous avons eu occasion d'examiner leur travail : ils firent construire des moulins à palettes et à vis d'Archimède, pour élever les eaux ; ils établirent de fortes digues, des saignées intérieures, et des canaux de ceinture avec des écluses et des ponts; ils parvinrent ainsi à effectuer d'une manière constante l'évacuation des eaux; ils couvrirent enfin le terrain de céréales et de plantations

diverses.

Nous ne parlerons pas du rapport présenté par une commission sur les résultats des concours successifs pour la culture de la pomme de terre, sa préparation et l'emploi de ses produits : ce compte rendu contient des notes sur les essais qui ont été faits; et le nombre en est grand, en sorte qu'on sait maintenant tout le parti qu'on peut tirer de ce précieux végétal. Aussi la Société juge-t-elle que la matière est épuisée; elle cessera désormais de la faire entrer dans ses sujets de prix, pour donner ses soins à d'autres objets.

On lit dans le même volume des Considérations de M. Yvart sur le domaine de Roville, de M. Mathieu de Dombale; un Mémoire sur la pousse des chevaux, par M. Demoussy, correspondant et inspecteur du haras de Pompadour; des Recherches théoriques et pratiques de la meilleure méthode pour faire fermenter le vin, le cidre et les autres liqueurs du même genre, par M. Bigot de Morogues, correspondant: ces recherches, qui ont paru fort intéressantes, forment un grand article; enfin un Mémoire de sir J. Bierley, correspondant, sur les routes anglaises, dites routes de M. Mac Adam. L'auteur y fait connoître d'abord les causes de détérioration ordinaires des routes en Angleterre, et il expose ensuite la méthode de M. Mac Adam pour refaire une vieille route. On ne croira pas sans doute que cette matière soit un horsd'œuvre dans un livre d'agriculture; car la confection des bons chemins économise la dépense dont les cultivateurs font les frais, les communications se font mieux et le transport des denrées devient plus facile. La méthode de M. Mac Adam consiste à enlever, à une certaine profondeur, tout le terrain d'un chemin à rétablir, en mettant les pierres à part pour les casser, et à donner à la route la forme d'un segment de cercle, afin de procurer de l'écoulement aux eaux: on płace d'abord une petite couche de pierres qui ne sont pas plus grosses

que des noix; on les bat avec un cylindre de fer; on laisse quelque temps passer les voitures, et l'on remplit les ornières; quand tout est solide, on met une nouvelle couche, et ainsi de suite jusqu'à ce que la route ait dix pouces d'épaisseur. Sur un sol marécageux, on étend des broussailles avant de mettre la première couche, &c.

Le tome XIII, disposé comme le précédent, commence par un tableau des travaux de la Société et de ceux de ses correspondans pendant la dernière année. Ce compte rendu, aussi succinct qu'il devoit l'être, suffit néanmoins pour faire voir que l'agriculture avance à pas rapides vers son perfectionnement, que par-tout on s'en occupe, que par-tout elle est regardée comme la source de la véritable richesse. Bien que nous desirions que les producteurs soient plus amplement dédommagés de leurs peines et de leurs avances, nous croyons difficilement que l'augmentation des récoltes soit un mal. Ce qu'il y a de certain, c'est que les gens de la campagne, du moins parmi nous, sont mieux nourris, mieux logés, mieux vêtus; ce qui est particulièrement l'effet des progrès de l'agriculture.

Deux notices biographiques, par M. Silvestre, se lisent avec intérêt dans ce volume. L'une concerne M. André Thouin, professeur de culture au Jardin du Roi, et membre de l'Institut et de la Société d'agriculture les services qu'il a. rendus à l'art agricole, considéré moins dans son ensemble et dans toute son étendue, que dans des détails d'acclimatation des végétaux étrangers, y sont exposés d'une manière exacte et propre à honorer la mémoire d'un homme qui, de simple et modeste jardinier, s'éleva au rang des savans les plus distingués. M. Thouin, protégé et encouragé par Buffon et par Bernard de Jussieu, eut la satisfaction de s'asseoir à côté d'eux à l'académie des sciences. Les Français n'ont pas été les seuls à profiter de ses observations et de l'impulsion qu'il a donnée pour la multiplication des objets confiés à ses soins: il y a peu de pays qui n'aient été appelés à partager les avantages de la distribution qu'il faisoit de graines et de greffes, et qu'il accompagnoit de conseils pour les faire réussir. C'est à ses cultures que l'on doit la propagation de plusieurs plantes utiles, telles que la patate, le lin de la Nouvelle-Zélande, l'herbe de Guinée, la buniade; de plusieurs arbres précieux, tels que le sophora du Japon, le robinier d'Amérique, le mûrier à papier, le noyer noir, le laricio, les daturas, &c. Nous lui devons encore la naturalisation, aux Antilles, de la canne à sucre d'Otahiti, de la vanille à l'ile de Bourbon, et de l'arbre à pain à Caïenne: cet arbre précieux, après avoir séjourné pendant trois ou quatre ans dans le Jardin du Roi, où il étoit cultivé par

« AnteriorContinuar »