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fui-même, consentant à l'union des deux amans, termine la pièce ́ par ce vers :

Vivez heureux ensemble, et moi je vais mourir.

Le rôle de Fodor, ce rôle dominant sur lequel l'intérêt devoit se fixer, n'est guère qu'une copie variée du rôle d'Othello dans la pièce de M. Ducis, et de celui de Pharhan dans la tragédie d'Abufar; mais il produit moins d'effet, parce que Fodor n'est pas aimé comme le sont Othello et Pharhan. La couleur de ces trois personnages est presque la même. Voici une des tirades les plus remarquables dans le grand nombre de celles que contient le rôle de Fodor; elle conviendroit également à Othello ou à Pharhan:

Je sais qu'un vil serpent, par un aigle enlevé,
Loin de son sol impur jusqu'aux cieux élevé,
S'agite en cent façons sous sa serre sanglante,
Qu'il s'attache à son sein, le blesse, le tourmente,-
Qu'il se gonfle de rage et siffle de courroux,
Er de son triple dard lui prodigue les coups.

Oui, mais le roi des airs, planant dans son empire,
En fait pleuvoir le sang, le perce, le déchire,
Dénoue, en les tranchant, ses replis odieux,
Les jette sur la terre et se perd dans les cieux.

M. Campenon dans ses essais et mémoires sur la vie, le caractère et les ouvrages de M. Ducis, avoit présenté une analyse de la pièce de Fodor et Wladamir; it paroît qu'il l'a faite sur un manuscrit autre que celui qui a servi à l'impression. J'ai reconnu dans les détails et dans la marche de la pièce des différences très-notables.

Je ne rapporterai rien des pièces de vers qu'on trouve dans ces œuvres posthumes, et qui, avec celles qui composent le troisième volume de la collection, forment la totalité des pièces fugitives de M. Ducis. On lit dans la lettre qu'il adresse à M. Odogharty de la Tour, le 6 février 1809, les lignes suivantes, à l'occasion du recueil qu'il en publioit à cette époque: « Vous savez avec quelle promptitude » je me suis exécuté, en retranchant de ce recueil deux pièces que » j'adressois à deux personnes qui ont apparemment pensé que les » vers d'un pauvre poëte pouvoient les compromettre. S'il est d'autres » sacrifices à faire, qu'on le dise, je suis tout prêt; plutôt tout jeter » au feu que de désobliger ceux à qui j'ai eu l'intention de plaire.

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Je ne scruterai point si ces épîtres ont été entièrement supprimées dans le temps, de manière qu'elles n'aient pu entrer dans l'édition des

œuvres posthumes; mais je regrette de ne pas trouver dans le recueil des pièces fugitives les vers que M. Ducis avoit faits pour l'infortunée reine Marie-Antoinette, et qui me paroissent également dignes de la princesse et du poète,

Vers sur une esquisse de la reine, faite en quinze minutes par M. Duché, élève de M. Vien.

Quand les dieux se font voir, c'est si rapidement
Qu'à peine à les saisir le crayon peut atteindre;.
Mais ils frappent si vivement,

Qu'un seul trait les indique et suffit pour les peindre,
Quand Vénus, sur son char vers la terre abaissé,
Daigna pour un moment paroître aux yeux d'Apelle,
Son air, son port divin fut à peine esquissé,
Que le monde enchanté reconnut le modèle.

Par M. DUCIS, Secrétaire de Monsieur (i). Dans les notes que M. Campenon a placées à la suite des Essais de mémoires ou lettres sur la vie, le caractère et les écrits de J. F. Ducis, on trouve la partie du discours de M. de Fontanes qui fut consacrée à l'éloge de M. Ducis, lors de la réception de son successeur à l'Académie française; je crois convenable de citer ici quelques vers de l'épître que M. de Fontanes avoit adressée à M. Ducis, lorsqu'il fut appelé à y remplacer Voltaire. Dans cette épître, peu connue, dont M. de Fontanes fit hommage à l'auteur d'Hamlet, de Roméo et Juliette, d'Edipe, et où il lui parle déjà de Macbeth, on distingue plusieurs passages ; je

me bornerai à citer les vers suivans.

Après avoir déploré la perte de Voltaire et de Rousseau, le poëte

s'écrie:

D'autres noms, il est vrai, notre France s'honore:
D'Alembert et Buffon leur survivent encore;
D'Alembert, notre appui, ce sage respecté,
Qui d'un zèle prudent servit la vérité,
Successeur de Bacon, vainqueur de Fontenelle,
Qui préside à ce temple, où sa voix paternelle
Encourageant des arts les jeunes nourissons,
De l'honneur et du goût leur dicte les leçons;
A ce temple où toujours, malgré la calomnie,
Transmis de main en main, le flambeau du génie,

(1) Mercure de France, juillet 1775, 2. partie, p. 174.

Que Descarte aux Français le premier apporta,
Brûle comme le feu de l'antique Vesta.

Ce temple, cher Ducis, t'ouvre son sanctuaire;
Ta gloire t'y précède; et l'ombre de Voltaire,
Déterminant son choix si long-temps suspendu,
Te regarde et t'appelle à son rang qui t'est dû.
Viens, ami, c'est à toi de célébrer ton maître;
Apprends-nous à sentir, apprends-nous à connoître
Cet homme aux traits divers qui brille à tous les rangs.
Comme aux champs de Memphis, les voyageurs errans,
Par-delà les rochers qui menacent les nues,
Vont découvrir du Nil les sources inconnues,
Approche de Voltaire, et, comme eux, va chercher
La source où son génie en vain croit se cacher;
Et montrant le berceau dont elle s'est formée,
Parcourt en l'admirant sa vaste renommée.

Les nombreuses éditions des œuvres de M. Ducis prouvent que ses ouvrages sont recherchés autant qu'ils sont dignes de l'être; ce nouveau volume aura aussi son intérêt. Je desirerois que l'on insérât à la suite de chaque pièce un jugement raisonné qui en fît sagement apprécier les beautés et en marquât les défauts; la gloire du poëte n'auroit pas à y perdre, les droits du goût seroient conservés. Les personnes qui admireroient tout dans Ducis, ne sentiroient pas son véritable talent et ne seroient pas dignes de l'applaudir. Qui seroit plus propre à remplir cette tâche honorable que l'ami, le juste admirateur de M. Ducis, l'auteur de la notice sur sa vie, son caractère et ses écrits ?

RAYNOUARD.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT ROYAL DE FRANCE.

M. VAUDOYER a prononcé, le 28 juin, aux funérailles de M. Thibaut, un discours dont nous extrairons quelques détails biographiques. « Jean-Thomas » Thibaut, né le 20 novembre 1757, à Montierender, département de la » Haute-Marne, dut son talent à ses inspirations, à son goût pour les beauxarts, et à une étude approfondie de la nature, dont il fut l'élève le plus fidèle.

» Attaché d'abord aux travaux du prince de Conti, à l'Ile-Adam, c'est dans » ce beau pays qu'il prit le goût particulier du paysage, qu'il sut peindre avec » tant de vérité, et qu'il alloit si heureusement à l'architecture. Aidé des » conseils de MM. Boullé et Paris, architectes, M. Thibaut se présenta quelquefois aux concours académiques, et il y fit époque. Ses compositions archi>>tecturales n'avoient rien de ces règles routinières si douces pour la médiocrité. Cet artiste n'adoptoit pas ce beau conventionnel, à la mode du temps. » Nourri des principes puisés dans les bons auteurs et dans les monumens antiques, il eut le bonheur d'aller perfectionner à Rome d'aussi heureuses » dispositions. M. Thibaut ignoroit seul qu'il avoit des talens; et malgré le » voile de la modestie dont il les enveloppoit, on sut les découvrir, Ils furent » employés, avec succès, dans les palais de Neuilly, de Malmaison, de l'Elysée et autres. De grands travaux devoient s'exécuter dans une cour » étrangère; il fut jugé capable de cette mission, et il montra plus de mérite. » en conservant, qu'il n'en auroit acquis en détruisant ou en altérant un bel »édifice respecté par plusieurs siècles. C'est ainsi que l'hôtel-de-ville d'Ams»terdam, le palais de la Haye, et plusieurs monumens de la Hollande, furent »embellis par ses soins. Revenu dans sa patrie, au milieu de ses amis, » l'Académie des beaux-arts s'empressa d'appeler dans son sein cet artiste, bon architecte, peintre habile, profondément instruit dans l'art de la pers>pective et dans la connoissance des monumens de l'antiquité. Ces mêmes » qualités le placé ent honorablement au conseil des bâtimens civils. L'école. » des beaux-arts se trouva heureuse de le nommer professeur de perspective. » On sait avec quel empressement les peintres, les architectes, et même les » étrangers, suivirent les leçons de cet habile professeur, qui, par la simplicité » de ses préceptes, fit faire à cette science de rapides progrès. Nous connoissons » tous les soins assidus que donnoit M. Thibaut à l'important ouvrage qu'il étoit sur le point de publier sur la perspective: espérons que ce travail pré>> cieux sera conservé aux aits et à la mémoire de son auteur! » — M. Delabarre a été élu pour le remplacer à l'Institut.

L'Académie royale des sciences vient de perdre M. Proust, membre de la section de chimie, et de lui donner pour successeur M. Chevreul, l'un des auteurs du Journal des Savans.

Le 18 juillet, l'Académie française a tenu une séance publique pour la réception de MM. Brifaut et Guiraud. On y a entendu les discours des deux récipiendaires et les réponses de M. le directeur, M. le marquis de Pastoret. Ces quatre discours ont été imprimés chez M. Firmin Didot; 19 et 30 pages in-4.°

L'Académie royale des inscriptions et belles-lettres a tenu, le 28 juillet, une séance publique qui a été présidée par M. Abel-Rémusat, et qui s'est ouverte par l'annonce des prix décernés et proposés.

« Le sujet d'un de ces prix, remis l'année dernière au concours, et renvoyé à celle-ci, étoit de comparer les doctrines des diverses sectes des Gnostiques et Ophites, en s'attachant spécialement à leurs caractères essentiels; de rechercher ies origines de ces sectes, et d'en déterminer, autant qu'on le pourroit, la succession; d'examiner quelle influence elles ont pu exercer sur les autres sectes contemporaines, soit religieuses, soit philosophiques. Le prix, consistant en

ane médaille d'or de la valeur de 1,500 francs, a été adjugé au mémoire enregistré sous le n.o 3, et qui porte cette épigraphe tirée de Synésius: Ta jo arw orza xaxúmor [superna silentium operiat J. Hymn. 1, v. 75. L'auteur est M. MATTER, professeur d'histoire ecclésiastique à l'Académie royale de Strasbourg, département du Bas-Rhin, qui a remporté en 1818 le prix dont le sujet étoit l'Histoire de l'école d'Alexandrie, depuis ses commencemens jusqu'aux premières années du troisième siècle de l'ère chretienne. (Voyez Journal des Savans, août, 1820, pag. 477-486). L'Académie a jugé digne d'une mention très-honorable, le mémoire enregistré sous le n.o 2, et qui porte pour épigraphe cette maxime des Gnostiques, Bé ór. L'auteur, qui s'est fait connoître, est M. DEPPING, membre de plusieurs sociétés littéraires, et qui remporta en 1822 le prix dont le sujet étoit de rechercher les causes des nombreuses émigrations des peuples connus sous le nom de Normunds, dans le moyen âge, et de tracer l'histoire abrégée de leurs établissemens (voyez Journal des Savans, mars 1826, pag. 171-178, mai, pag. 281-291), et qui a obtenu, depuis, plusieurs mentions honorables dans nos concours. Le sujet d'un autre prix étoit de rechercher quels sont, en France, les provinces, villes, terres et châteaux dont Philippe Auguste a fait l'acquisition, et comment il les a acquis, soit par voie de conquête, soit par achat ou échange; de déterminer entre ces domaines quels sont ceux dont il a disposé par donation, par vente ou par échange, et ceux qu'il a retenus entre ses mains et réunis à la couronne. Le prix, consistant en une médaille d'or de la valeur de 1,500 francs, a été adjugé au mémoire enregistré sous le n.o 2, et qui porte pour épigraphe : Unde meritò dictus est Augustus, ab aucta republicä; adjecit enim regno suo totam Viromandiam, quam predecessores sui multo tempore amiserant, et multas alias terras. (Rigord. de vit. Philip. Aug. præfat. ) L'auteur est M. CAPEFIGUE, de Marseille, que l'Académie couronne cette année pour la troisième fois. L'Académie a jugé digne d'une mention honorable le mémoire enregistré sous le n.o 1, et qui porte pour épigraphe: De tous les rois de la 3. lgnée, c'est lui qui a le plus acquis de terres à la couronne et de puissance à ses successeurs. (Mézeray, tom. II, p. 635.) L'auteur du mémoire qui, au concours de l'année dernière, sur le culte et les mystères de Mithra, portoit pour épigraphe, Je fais izeschné à Mithra, et obtint une mention honorable, s'étant fait connoître à l'Académie, elle a décidé que son nom seroit proclamé dans cette séance; c'est M. DE HAMMER, bibliothécaire de sa majesté l'empereur d'Autriche. »

« L'Académie renouvelle l'annonce qu'elle fit l'année dernière du sujet du prix qu'elle adjugera dans la séance publique du mois de juillet 1827. Ce sujet consiste à rechercher quel fut l'état politique des cités grecques de l'Europe, dis iles et de l'Asie mineure, depuis le commencement du 11. siècle avant notre ève, jusqu'à l'établissement de l'empire de Constantinople. Les concurrens devront recueillir dans les écrivains et dans les monumens de tout genre, tous les fuits propres à faire connoître, soit l'administration intérieure de ces cités, soit leurs rapports entre elles et avec l'empire. Le prix sera une médaille d'or de la valeur de 1,500 francs. Les ouvrages envoyés au concours devront être écrits en français ou en latin, et ne seront reçus que jusqu'au 1. avril 1827. Ce terme est de rigueur. L'Académie propose pour sujet d'un autre prix qu'elle adjugera dans să séance publique du mois de juillet 1829: Tracer le tableau

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