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tion est si litigieuse, qu'après un entretien qu'il a eu avec un homme très-versé dans ces matières, ils se sont séparés sans avoir pu s'accorder.

Les notes de M. Creuzer, annoncées dans le frontispice du volume, ne sont ni aussi fréquentes ni aussi étendues qu'on le voudroit. Fort souvent, dans celles que des lettres de son nom terminent, il n'y a · que les dernières lignes qui soient de lui. Quelques-unes ne consistent qu'en simples citations; mais celles-là se distinguent encore par l'excellent choix des textes cités, et par la justesse des approchemens; d'autres sont historiques et préviennent ou réparent des erreurs. Par exemple, lorsque Cicéron dit de Miltiade, Victorem domitoremque Persarum nondum sanatis vulneribus quæ corpore adverso in clarissimâ victoria accepisset, vitam ex hostium telis servatam in civium vinculis profudisse, M. Creuzer observe que c'étoit au siége de Paros, et non à la célèbre bataille de Marathon, que Miltiade avoit été blessé. On doit aussi à M. Creuzer des remarques fort judicieuses sur les leçons à maintenir ou à préférer dans le texte du Traité de la république. Au ch. 22 du livre 1.", où nous lisons non me inertiorem esse confitear quàm opificem quemquam, M. Mai avertit qu'inertiorem n'est que de seconde main; on avoit écrit auparavant inritiorem (ou irritiorem, plus inutile), et c'est la leçon que M. Creuzer aimeroit le mieux; il justifie cet emploi, non à la vérité du comparatif irritior, mais d'irritus, par des passages de Caton, de Virgile, de Tibulle, de Sénèque, de Tacite; et nous pourrions ajouter qu'en cet endroit Scipion a bien moins à se disculper d'inertie ou d'indolence, qu'à dissiper les doutes qui s'éleveroient sur l'utilité, l'efficacité de son travail, Cependant M. Moser rejette inritiorem comme inusité, quoique les archaïsmes ne soient pas très-rares dans les livres philosophiques de Cicéron, et il maintient inertiorem qui, à notre avis, ne répond pas aussi bien à l'idée que Scipion doit exprimer. Au chapitre III, dans une figne où le palimpseste n'offroit que les syllabes....gentis . . . . . . . .tem, M. Mai a imprimé redigentis in servitutem; la correction redigentis paucitatem, proposée par M. Creuzer, nous paroît fort heureuse;

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» nouvelles, et la première classe, en y joignant la centurie des charpentiers, » que l'on y comprend à cause de leur utilité pour la ville, forme quatre-vingt» sept centuries; si l'on y ajoute les douze centuries qui restent seules de l'ordre » équestre, on a tout ce qui fait la principale force du peuple, et les autres >> centuries, au nombre de quatre-vingt-seize, &c.» M. Leclerc ajoute cette note: « Nous suivrons la correction de M. Niebuhr: les chevaliers et la première classe font alors quatre-vingt-dix-neuf centuries; le reste quatre-vingt» seize; en tout cent quatre-vingt-quinze. »

elle maintient mieux l'opposition à établir entre un prince qui s'applique à conserver ses sujets, cos conservantis studiosiùs, et celui qui n'en prend pas le même soin. Mais plus on avance dans l'ouvrage, plus les notes de M.. Creuzer deviennent rares et succinctes. Réunies toutes ensemble, elies rempliroient à peine quarante pages; elles n'en offrent pas moins une riche variété de souvenirs, d'observations et d'aperçus. Les unes tiennent à la grammaire, à la philologie, à l'art d'écrire; les autres, à l'histoire et à l'antiquité; plusieurs à la philosophie, particulièrement à celle de Platon; et quelques-unes à la science politique. Dans leur petit nombre et dans leur concision extrême, elles laissent voir encore un vaste savoir, une érudition originale et une sagacité profonde.

Nous avons parlé d'une des trois dissertations supplémentaires cu Excursus de M. Moser : les deux autres ont beaucoup moins d'étendue. L'une pag. 615 et 616) est empruntée de Fr. Patrizzi, et concerne le passage de Cicéron où il s'agit de l'époque de la mort de Romulus, passage depuis long-temps connu, parce que S. Augustin l'avoit cité. L'autre (337-340) est tirée des Varia lectiones de Muret; elle rapproche d'un morceau du Phædrus de Platon sur l'immortalité des ames, ce que S. Augustin encore avoit extrait de relatif à ce sujet, du sixième livre de Republicâ.

Ces dissertations sont suivies de variantes du texte latin du Songe de Scipion, recueillies en 1823 par M. Gust. Pinzger dans un manuscrit de Breslaw. On lit ensuite la traduction grecque de ce songe, intitulée dνειες το Σκιπιώνες, έρμηνεία Θεοδόρου, quoique la lettre de M. Hase, insérée, comme nous l'avons dit, dans les préliminaires, tende à établir que cette version est de Planude et non de Théodore Gaza. Les courtes notes dont elle est accompagnée sont purement grammaticales.

Les pages 561 à 594 du volume sont remplies par des additions aux notes; les pages 594-620, par des tables dont les deux principales, celle des matières et celle de la latinité, ont été rédigées par M. Niebuhr (1). On voit combien d'articles principaux et accessoires contribuent à recommander cette édition, à laquelle sur-tout les remarques de M. Creuzer donneroient un très-grand prix, si elles y occupoient plus de place.

DAUNOU.

(1) Qui sequuntur, indices perutiles, auctorem habent ill. Niebuhrum, qui tanto et librum meum honore et me beneficio dignatus est, ut laborem hujusmodi in suminis suis occupationibus ultrò perferre non dubitaverit, dit M. Moser.

Essai sur les nIELLES, gravures des orfévres florentins du xv. siècle, par Duchesne aîné: xij et 381. pages in-8.o Paris, 1826, imprimerie d'Ad. Moëssard; se trouve chez Merlin, libraire, quai des Augustins, n.° 7.

PARMI les arts qui contribuent le plus aux agrémens de la vie, celui de la gravure occupe sans contredit un des premiers rangs. Quelles grâces, en effet, ne devons-nous pas rendre à un art qui · multiplie à nos yeux des chefs-d'œuvre uniques et inappréciables, tels que ceux d'un Raphaël, d'un Poussin, d'un Lesueur, d'un David, d'un Girodet, sans parter de ceux qu'enfantent encore au milieu de nous plusieurs grands maîtres, leurs illustres rivaux, dans l'atelier desquels il nous est heureusement donné de pouvoir contempler à-lafois et l'œil brillant de génie du peintre, et. le produit admirable de son pinceau !

Cet art ne peut, il est vrai, nous rendre ces chefs-d'œuvre que dépouillés de la magie des couleurs qui, sur une toile plane et inanimée, sait créer un vaste espace où l'air circule, où tout est plein de vie et semble se mouvoir; mais avec les seules ressources qu'il ait à sa disposition, je veux dire l'emploi des ombres et de la lumière habilement combinées, quels effets admirables un burin exercé ne produit-il pas encore! Si ce n'est plus cette illusion complète émanée du pinceau créateur, la richesse de la composition originale, le goût éclairé qui en a disposé toutes les parties, le jeu des passions, l'expression des têtes, il nous perinet au moins de jouir de tout cela.

Avec de tels avantages, un at aussi précieux a naturellement dû fixer de bonne heure l'attention des esprits animés du sentiment du beau. Aussi voyons-nous qu'un grand nombre d'écrivains se sont attachés à en faire l'histoire. L'origine de la gravure sur bois, celle de la gravure sur métal, ont été tour-à-tour l'objet de leurs savantes recherches. Quelques-uns se sont particulièrement proposé de fixer l'époque où, pour la première fois, on a conçu l'idée de tirer une épreuve d'une planche de métal gravée; d'établir dans quel pays on fit d'abord usage de cet ingénieux procédé, sans lequel, comme le dit avec beaucoup de raison d'Agincourt, la gravure ne seroit qu'un art secondaire, et de découvrir quel en fut l'heureux inventeur.

Cependant il restoit encore bien des doutes, particulièrement sur ce dernier point; et c'est sur-tout dans le dessein de les dissiper que M. Duchesne, s'étayant des recherches de l'abbé Zani, a entrepris son

intéressant ouvrage sur les nielles, branche la moins connue de f'histoire de la gravure, et qui est bien loin cependant de mériter un tel abandon, puisque c'est à l'épreuve d'un nielle tirée en 1452 par Finiguerra, orfévre florentin, que nous sommes redevables d'un procédé qui, perfectionné de plus en plus, nous procure aujourd'hui d'aussi douces jouissances.

M. Duchesne commence par définir le mot même de nielle, qui, dérivé du latin niger, nigellum, sert à désigner certains bijoux d'argent gravé et recouvert d'un émail noir auquel les Italiens ont donné le nom de niello. Le même mot, dit-il, sert également à désigner les empreintes en soufre et les épreuves sur papier qui ont été tirées de ces petites planches de métal; avant qu'elles fussent couvertes de l'émail noir qui est cause de leur nom.

Cette définition bien établie, l'auteur donne un aperçu rapide et concis de l'histoire de la gravure: il fait voir que cet art a été exercé chez plusieurs peuples de l'antiquité, parle des rapports et des différences qui existent entre la gravure sur bois et la gravure sur métal, passe à la découverte de l'impression des planches gravées sur cette dernière matière, dont il démontre plus bas que l'honneur, si longtemps disputé entre l'Allemagne et Italie, appartient tout entier à ce dernier pays, « que cette invention eut lieu dans la ville de Florence »en 1452, et que son berceau fut l'atelier du célèbre orfévre » Thomas Finiguerra. »

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M. Duchesne entre ensuite dans des détails curieux sur l'antiquité des ouvrages niellés, genre de travail déjà pratiqué en France sous le règne de Clotaire II, comme on peut s'en convaincre par un passage tiré du testament de Léedebode, abbé de Saint-Aignan d'Orléans, qui vivoit sous ce prince, passage où il est fait mention de croix niellées [cruces niellatas], et qui est cité dans une des notes instructives qui accompagnent l'ouvrage sur les nielles.

Il est difficile, à cause du manque de monumens, de juger jusqu'à quel point ce travail, d'abord fort grossier, fut porté parmi nous; mais il ne paroît pas à l'auteur qu'il y ait jamais acquis ce degré de perfection que surent lui donner beaucoup plus tard, et particulièrement dans le xv. siècle, les orfévres florentins.

On sait, nous dit-il, que ces artistes, pour se rendre compte de l'état de leur travail, avant de le nieller, se contentèrent d'abord de prendre une empreinte de leur gravure avec une terre fine et humide, et que plus tard ils imaginèrent de couler sur cette terre du soufre fondu qui, s'emparant de tout le noir gras qui, des tailles

de la gravure avoit passé sur le moule en reproduisoit fidèlement à feurs yeux jusqu'aux moindres traits, et, ce qui n'étoit pas un petit avantage, dans le même sens où ils étoient jetés sur la planche originale.

C'étoit sans doute un grand pas de fait; mais peut-être se seroitil écoulé beaucoup de temps encore avant d'en ê re venu à la découverte principale, si le hasard, ce grand aide du génie, n'eût opéré cette merveille. Voici comment Vasari rapporte cette circonstance.

« Une femme étant entrée un jour dans l'atelier de Maso Fini»guerra, posa sur son établi un paquet de linge mouillé sans faire » attention qu'il s'y trouvoit une planche prête à être niellée, et le » paquet étant resté quelque temps sur la planche, on fut fort étonné, » en l'enlevant, de voir tout le travail de la gravure empreint avec » fidélité sur le linge humide. »

On conçoit qu'un homme aussi industrieux que Finiguerra mit à profit ce hasard, que bientôt if remplaça le linge par un papier mouillé, et qu'il ne tarda pas à en faire l'essai sur la précieuse planche de la Paix de 1452 dont il prit ainsi une empreinte, premier essai ou du moins le plus ancien connu de ce procédé, qui, de son atelier, se répandit dans ceux des artistes de toutes les autres nations où cet art étoit cultivé, et y prit ensuite le plus grand développement.

Il faut lire dans l'Essai sur les nielles les preuves qu'apporte T'auteur à l'appui de son opinion, opinion qu'il partage avec le savant abbé Zani, touchant l'antériorité de cette épreuve à toutes les autres pièces du même genre; on y verra comment il réfute d'une manière victorieuse MM. Bartsh, Ottley et Lanzi, qui, dans leurs ouvrages, ont émis un sentiment opposé.

Mais où étoit caché un semblable trésor!.... dans la Bibliothèque du Roi de France. Long-temps il y demeura ignoré, et l'on n'apprit à juger de toute sa valeur qu'en 1797, époque à laquelle l'abbé Zani, amateur éclairé qui se trouvoit alors à Paris, en fit la découverte sous les yeux mêmes de M. Duchesne, fort jeune alors, et qui, pour la première fois, entendit à cette occasion prononcer le nom de nielle, entièrement nouveau pour lui.

Les pages de son livre dans lesquelles il nous peint les transports de joie que ressentit l'abbé Zani à la vue de cette épreuve unique, dont il connoissoit depuis long-temps la planche originale, se font lire avec le plus vif intérêt.

« Cet excellent homme, dit-il, étoit tellement sourd, qu'il enten» doit à peine les complimens qu'on lui faisoit sur l'importance de

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