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Qui des humides prés ceignent les verts tapis,
De tes jardins rians la bordure fleurie,

Qu'avril semble à ta voix nuancer le matin,
Doux trésor du berger qui, d'une adroite main,
Y tresse une couronne à sa nymphe chérie.

Cérès arrive et dit entre autres vers:

Que la terre pour vous, en toutes les saisons,

Se couronne de fleurs, de fruits et de verdure;

Que vos greniers soient pleins des plus riches moissons;
Que toujours à vos ceps pende la grappe mûre, &c.

Et Iris fait ensuite un appel aux nymphes et aux moissonneurs :
Ne tardez point, Junon par má voix vous appelle;
Venez célébrer en ce jour,

D'un couple vertueux qu'anime un pur amour
L'alliance à jamais fidèle.

(Les nymphes des eaux paroissent.)

Et vous que le soleil brunit de ses ardeurs,
Qu'en vos augustes mains la faucille s'arrête ;
Réservez ces sillons, habitans moissonneurs ;
Ce jour pour vous aussi doit être un jour de fête;
De vos chapeaux de seigle ombragez votre tête;
Et qu'au plaisir s'abandonnent vos cœurs.
Empressez-vous; déjà dans les campagnes
A retenti le son des agrestes pipeaux,

Avec ces nymphes pour compagnes,

Formez la danse des hameaux.

Cette traduction est élégante et poétique, et on lit ces vers avec un vrai plaisir; cependant je pourrois faire remarquer que l'auteur a dérogé à ses principes de rigorisme, quand il a traduit en rimes croisées et en vers libres les vers qui dans l'original sont à rimes plates. Pour faire sentir combien les vers rimés sont préférables pour nous aux vers blancs, je transcrirai deux courts passages de vers non rimés de la même pièce dans le même acte.

CALIBAN. Oh! de grâce, mon roi, prends quelque patience:
Vois-tu bien! c'est ici que s'ouvre sa caverne;
Entres-y bravement, et ne fais point de bruit;
Accomplis ce bon meurtre, auquel tu vas devoir
De régner à jamais sans rival sur cette île;
Et je serai toujours ton humble Caliban,

Rrrr

Ton esclave soumis, prêt à lécher ton pied.... PROSPERO. Furie, appuie, appuie! et toi, tyran, tiens bon;

Cours, fidèle Ariel, commande à mes esprits

De déchirer leurs chairs, de mordre leurs jointures,
De leur faire sentir ces crampes convulsives
Par qui sont des vieillards les muscles raccourcis,
Enfin de les pincer jusqu'à ce que leur peau
Soit mouchetée ainsi que celle des panthères
Ou du tigre félon, errant dans les forêts.

Tenterai-je d'expliquer pourquoi les vers rimés de M. le baron de Sorsum ont une grâce, un charme qu'on cherche vainement dans ses vers blancs! Qu'on me permette de renvoyer le lecteur aux observations que j'ai présentées sur l'avantage et la nécessité de la rime pour nos vers français, dans le numéro de juin 1822, pages 342-344, où j'ai rapporté quelques exemples frappans des beautés que la rime procure à notre poésie. Après avoir montré M. le baron de Sorsum vainqueur de lui-même par la comparaison de ses deux genres de traduction, je ne nierai pas que sa traduction en vers blancs, quoiqu'elle ne me procure aucun plaisir d'harmonie, et que même elle m'en fasse regretter l'absence, ne soit une traduction claire et fidèle; mais cette gêne à laquelle l'auteur s'est assujetti pour calquer son vers blanc français sur le vers blanc anglais, l'a privé de l'avantage de donner à son travail cette élégance que le lecteur desire autant que la fidélité. Cependant, telle qu'elle est, sa version sera très-utile aux personnes qui la consulteront pour l'intelligence de l'original. Cette entreprise d'un homme de talent figurera dans notre histoire littéraire comme un monument dont le peu de succès poétique signalera, aux yeux de ceux qui voudroient la renouveler l'écueil où ils doivent nécessairement se briser, puisque un vrai poëte, qui avoit un sentiment exquis de l'harmonie, et qui s'élevoit aux beautés d'expression, n'a pas évité le naufrage; et, sous ce rapport, l'erreur de M. le baron de Sorsum deviendra utile, par cela qu'on ne sera pas tenté de l'imiter. Mais il ne seroit pas aisé d'imiter M. le baron de Sorsum dans les traductions qu'il a données en vers rimés et dans les beaux vers français qu'il a faits d'original, et dont des fragmens nombreux sont imprimés à la suite de la traduction de Shakspeare. Il y a beaucoup à louer dans cette partie: je n'aurai pas besoin de caractériser par un éloge détaillé les beautés qui m'ont charmé dans les vers qui ouvrent le poëme sur le siége de Marseille,

par lesquels je terminerai cet article; l'amour de la patrie a noblement

inspiré le poëte.

O ville, dont le ciel protége la fortune,

Toi qui remplaças Tyr dans l'amour de Neptune,
Et jadis la première, au Gaulois étonné,
Montras ton jeune front de créneaux couronné,
Marseille, illustre sœur de la reine du monde,
Trente siècles déjà, plus rapides que l'onde,
Entraînant les cités dans leur cours destructeur,
N'ont pu de tes remparts abaisser la hauteur:
Sidon est prosternée au niveau de la plage,
Sous des sables sans nom a disparu Carthage,
Et vainement Corinthe, au pied de ses rochers,
D'une voix méconnue appelle ses nochers;
Seule, parmi tes sœurs, du couchant à l'aurore,
Fille des Phocéens, tes nefs voguent encore;
Et ton vieux pavillon, d'Éole respecté,
Signale sur les mers ton immortalité.

Berceau de mes aïeux, ô ma douce patrie!
Vanterai-je ton ciel ou ta noble industrie!
Dirai-je ces moissons, ces liquides trésors
Dont Bacchus et Minerve enrichissent tes bords!
Non, sur un plus haut ton j'accorderai ma lyre,
Je veux chanter ta gloire, et ton amour m'inspire.
Que tes rocs parfumés, tes bosquets toujours verts,
Ecoutent ton poëte et retiennent ses vers.

Je pourrois rapporter d'autres vers de la pièce du Voyageur, du poëme de Fingal en six chants, des fragmens d'un poëme intitulé le Rhin, et de celui intitulé le Mexique conquis, de la Description du bouclier d'Hercule, et de diverses traductions de poëtes latins, anglais et italiens. Dire qu'ils seroient dignes de figurer à côté des vers que j'ai cités, c'est, je crois, leur accorder un éloge distingué.

RAYNOUARD.

DI UN' EPIGRAFE LATINA SCOPERTA IN EGITTO dal viaggiatore G. B. Belzoni; e in occasione di essa, dei prefetti di quella provincia, da Ottaviano Augusto a Caracalla; dissertazione del dottor Labus. Milano, 1826, 152 pages in-8.o

L'INSCRIPTION latine qui fait le sujet de la première partie de cette dissertation, est l'inscription, relative aux carrières de Syène, qui a été découverte par Belzoni, publiée par ce voyageur et M. Cailliaud, et expliquée dans ce journal, et ensuite plus complètement dans mes Recherches pour servir à l'histoire de l'Egypte. M. le docteur Labus ayant été invité par le traducteur italien des voyages de Belzoni, à lui donner son avis sur ce monument, ce savant l'a examiné de nouveau sans ajouter rien d'essentiel et d'important à l'interprétation déjà donnée, il a amélioré la lecture de plusieurs passages. La première ligne 10M. HAMMONI, CENVBIDI m'avoit semblé devoir être lue IOVI, HAMMONI. CHNVBIDI; j'avois mieux aimé supposer une légère erreur dans la leçon 10M, et lire IOVI, au lieu de 1. 0. M., à cause de l'absence de points entre les lettres. M. le docteur Labus, au contraire, préfère 1. o. M., et peut-être a-t-il raison; car les points de séparation ont été omis si souvent dans la copie, que cette omission cesse d'être un indice critique. Le passage

FELICISSIMO. SAECULO. D D.

NN. INVICTOR. IMPP. SEVERI. ET

ANTONINI, PIISSIMORUM. AUGG,
ET........ ISSI . . . . .

avoit été lu felicissimo sæculo dominorum nostrorum invictorum impe-
ratorum Severi et Antonini piissimorum Augustorum et Geta piissimi (ou
nobilissimi) Cæsaris, &c. M. Labus adopte cette leçon; mais il
prouve fort bien qu'il ne faut pas hésiter sur le mot nobilissimi.
Sa leçon diffère de la mienne en deux endroits de la fin. Le texte
porte :

SV B

SVBATIANO. AQVILAE. PR

AEG. CVRAM. AGENEOP DOMINIC

AVREL. HERACLIDAE DECAL. MAVR.

J'avois lu Sub Subatiano Aquila, præfecto Egypti curam agente, operâ Dominici coloni Aurelii Heraclidæ, decurionis ala I Maurorum. Comme le nom Subatianus est inconnu, M. Labus suppose que le

sculpteur a répété à tort le mot SVB, et qu'il faut lire SVB ATIÁNO: il cite plusieurs exemples de cette répétition vicieuse des mêmes. syllabes, ce qui rend sa conjecture fort vraisemblable. Plus loin, sans s'inquiéter du génitif HERACLIDAE, qui avoit amené ma conjecture, il change la construction de la phrase, et lit Sub Atiano Aquila, præfecto Egypti, curam agente operum Dominicorum Aurelio Heraclida, decurione alæ I Maurorum. Cette leçon me paroît meilleure; et si l'on objectoit le changement du texte qu'elle nécessite (HERACLIDAE), M. Labus pourroit répondre que le copiste a bien pu faire ici la même faute que plus haut, où le mot AQVILAE doit certainement se lire AQVILA.

Du reste, le docteur Labus adopte et reproduit mon opinion sur la date et l'objet de ce curieux monument. Chemin faisant, il donne des éclaircissemens sur quelques points de détail, tels que le titre nobilissimus donné à Géta, sur la formule curam agente, et déploie autant de sagacité que d'érudition dans la restitution de plusieurs inscriptions latines.

J'ai exposé, dans l'ouvrage cité, les raisons qui me faisoient croire que la colonne, dite de Pompée, élevée en l'honneur, de Dioclétien, provient de ces carrières d'où, selon le texte de l'inscription, les Romains tirèrent une multitude de grandes colonnes et de pilastres. M. Labus rappelle, à l'appui de cette opinion, un passage de Masoudy, qui parle de ces carrières, situées aux environs d'Assuan, d'où les anciens, dit-il, tiroient leurs colonnes et autres monumens, après les avoir taillés et polis. Quant aux colonnes, aux bases et aux chapiteaux que les habitans appellent asuaniah, elles ont été taillées deux cents ans après la naissance du christianisme: telles sont les colonnes d'Alexandrie, et notamment cette belle colonne qui, pour la hauteur et le diamètre, surpasse toutes celles que l'on connoît dans le monde (1), Ce de l'auteur arabe revient d'une manière frappante, et pour passage la date, et pour les circonstances, au fait énoncé dans l'inscription, et confirme les conséquences que j'en avois tirées.

J'ajouterai ici une idée qui m'est venue depuis la publication de mon ouvrage; c'est que ces carrières considérables sont très-probablement le lieu désigné, dans la Notice de l'empire (2), sous le nom de castra lapidariorum, où étoit cantonnée la cohors sexta saginarum (lisez avec Panciroli sagittariorum), dans le voisinage de Syène. (Cohors quinta Suentium, Syene. Cohors sexta saginarum in castris lapidariorum ). ·

(1) Ét. Quatremère, Mém. géogr, II, 5.— (2) Pag. 212, ibiq. Panciroli, p. 215.

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