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reste, n'est qu'un principe général que nous rappelons, et il n'en résulte rien contre les expériences mêmes du capitaine Sabine, puisque, dans les deux genres d'observations auxquelles il a employé son cercle, les erreurs dont sa petitesse le rendoit susceptible se trouvent atténuées et rendues insensibles par des circonstances diverses, savoir, dans la détermination du temps, par la longueur de l'intervalle total que les observations embrassent, et dans la mesure des latitudes, par le peu d'influence qu'une incertitude de quelques secondes dans cet élément a sur les variations de la pesanteur.

Pour terminer ce qui concerne la mesure du temps, nous devons ajouter que les observations qui l'avoient pour objet ne se faisoient point directement avec l'horloge devant laquelle oscilloit le pendule d'expérience, mais avec un chronomètre que l'on comparoit à cette horloge deux fois en vingt-quatre, heures, à des époques fixes. En résultat, cette manière d'opérer a peu d'inconvéniens, parce que, ainsi que nous le faisions remarquer tout-à-l'heure, les erreurs extrêmes tant des comparaisons que de la marche du chronomètre, entrent seules dans le calcul de la marche moyenne de l'horloge, et n'y entrent que pour leur valeur moyenne; mais, en principe, il est plus sûr de n'employer le chronomètre que comme compteur, et de s'en rendre indépendant le plutôt possible, en s'empressant de transporter à l'horloge les observations auxquelles il vient de servir. A ce sujet, nous avons eu peine à comprendre pourquoi M. le capitaine Sabine a, dans chaque station, comparé son chronomètre à l'horloge presque toujours à une seule et même heure, minute et seconde du chronomètre. On conçoit bien le choix d'une époque constante, afin de retrouver le mouvement du chronomètre plus exactement dans les mêmes conditions: mais pourquoi se fier à une comparaison unique', prise sur un seul battement! Et si on le fait, comment évaluer la fraction de seconde avec certitude! Il eût été plus satisfaisant, à ce qu'il nous semble, de réitérer la comparaison sur plusieurs battemens successifs, à peu de distance de l'époque constante, et d'obtenir la fraction de seconde par leur moyenne. Au reste, la petite incertitude qui affecte chacune de ces comparaisons isolées, ne peut, de même que l'erreur absolue des observations célestes, altérer sensiblement l'évaluation de la marche moyenne de l'horloge, conclue d'un certain nombre de jours d'intervalle, parce qu'elle n'y entre que par son influence moyenne sur la première et la dernière observation que cet intervalle embrasse, et qu'ainsi elle se trouve divisée par le nombre de jours dont il est composé. On voit donc qu'en ayant

strictement égard à toutes les causes d'erreur comportées par ce genre de détermination, la marche diurne de l'horloge du capitaine Sabine ne peut être supposée incertaine que de quelque petite fraction de seconde, de sorte que cet élément fondamental de toutes ses expériences doit être considéré comme suffisamment bien connu.

Celui qui importe le plus après celui-là, c'est la température du pendule d'expérience; car les dimensions du pendule, et par suite la durée de ses oscillations, varient avec elle; de sorte que, pour rendre les observations comparables, il faut corriger par le calcul l'effet de ces variations, et ramener toutes les oscillations à un état constant de température. Pour atteindre ce but, Borda, et après lui tous les observateurs français, suspendent dans la cage qui renferme le pendule deux thermomètres bien comparés, qu'ils placent l'un à la hauteur de l'axe de rotation, l'autre au niveau de la boule de platine; ils observent fréquemment les indications de ces deux thermomètres, qui sont en général un peu différentes, parce que, dans une masse d'air ainsi renfermée, les couches les plus élevées sont généralement les plus chaudes; et la demi-somme de ces indications leur donne la température moyenne du fil métallique auquel la boule est suspendue. M. le capitaine Sabine a employé aussi deux thermomètres; mais il les a placés tous deux au même niveau à côté de son pendule d'expérience, et à une hauteur qu'il n'indique point et que l'on doit raisonnablement présumer être correspondante au milieu de sa longueur. Or Ja tige de ce pendule ayant une masse sensible, qui ne peut pas, comme un simple fil métallique, prendre instantanément la température de l'air où elle oscille, il est difficile de savoir si sa température moyenne est exactement celle de la couche d'air qui répond au milieu de sa hauteur ou à telle autre partie. On conçoit même que cet état moyen doit dépendre de la loi suivant laquelle la température varie à diverses hauteurs dans la masse d'air environnante, loi qui ne peut être indiquée que par l'observation de plusieurs thermomètres situés à des hauteurs inégales. Et cette précaution ne feroit pas connoître encore la loi de température du pendule même, à cause du temps plus ou moins long que celui-ci mettroit à la partager; de sorte qu'en définitive on ne pourroit la déterminer avec certitude qu'à l'aide de thermomètres incrustés dans le pendule même. C'est ce qu'avoit bien senti Borda, lorsqu'il employa un simple fil métallique pour tige de son pendule, et qu'il disposa, pour en mesurer la longueur, un système de règles qui marquoit par lui-même sa propre température. Nous avons conservé dans les observations françaises le premier de ces

avantages, puisque nous employons toujours un simple fil qui obéit aux influences thermométriques aussi vîte ou même plus vite que les thermomètres les plus sensibles; mais nous avons été obligés de renoncer au second, par la nécessité de donner aux règles qui servent à nos mesures une invariabilité qui permit de les transporter sans altération dans de longs voyages, et dans des lieux d'un pénible accès. Ainsi en cela nous sommes soumis au même genre de difficultés thermométriques que les observateurs qui emploient des pendules invariables; mais avec combien plus de moyens d'y échapper! n'ayant à opérer qu'avec une simple barre de fer très-peu épaisse, d'une dimension uniforme, et d'une nature très-peu dilatable, qui, devant être employée seulement à de certaines époques toujours prévues, toujours soumises à notre volonté, peut être préparée convenablement à la température qu'elle doit prendre; après quoi, s'il lui reste quelque légère tendance à s'en écarter, en vertu de son état primitif, cette tendance peut être appréciée, et mème compensée avec une extrême approximation par la friction plus ou moins forte, quoique toujours très-légère, du contact auquel on l'amène; de sorte que cette dernière cause d'erreur, étant ainsi rendue très-petite et d'un sens connu, perd son caractère, et, comme il arrive dans une foule de recherches physiques, devient au contraire, pour qui sait s'en servir, un nouveau moyen de précision. Voilà ce qu'il est impossible d'obtenir avec un pendule invariable, tel que ceux dont on a fait jusqu'à présent usage; ces instrumens étant composés d'une tige de cuivre beaucoup plus dilatable que le fer, dont la régularité est interrompue par une grosse lentille ordinairement de même métal, laquelle, outre sa lenteur propre à partager les variations thermométriques de l'air ambiant, doit modifier encore d'une manière très-compliquée l'influence de ces variations sur la tige qui la traverse. Ajoutez que les résultats d'une telle complication ne peuvent être prévenus, ni appréciés, ni compensés en aucune manière, puisqu'ils s'opèrent invisiblement dans l'intérieur de la tige du pendule pendant qu'il est en mouvement, et l'on accordera, à ce qu'il nous semble, que, sous ce rapport, la méthode de Borda, même avec les modifications qu'on y a faites en France pour la plier aux nécessités des voyages, a sur l'emploi des pendules invariables un avantage certain.

Des deux thermomètres que le capitaine Sabine avoit placés près de son pendule, il y en a un dont il n'a pas consigné les indications dans son ouvrage; et il s'est, dit-il, borné à celui dont le tube, vérifié depuis par expérience, s'est trouvé d'un calibre plus égal. Ces thermo

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mètres, quoique demandés exprès pour des observations si importantes, étoient cependant gradués d'une manière fort inexacte, comme le capitainé s'en est convaincu en les comparant avec beaucoup de soin à un thermomètre de choix appartenant à M. F. Daniell, membre de la société royale, ce qui lui a permis de dresser une table de leurs erreurs. On ne peut que déplorer une négligence qui auroit pu rendre le zèle et les efforts du capitaine Sabine inutiles ou même nuisibles à la science, si ces thermomètres se fussent par malheur brisés avant son retour. Mais on doit regretter également qu'il n'ait pas rapporté les indications de l'un comme de l'autre, toutes discordantes qu'elles pouvoient être. Leur comparaison avec celles qu'il donne auroit pu jeter quelque lumière sur l'influence thermométrique des courans d'air qui s'élevoient vraisemblablement autour du pendule, et qui ont dû affecter ses oscillations.

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Une particularité des expériences du capitaine Sabine, c'est que son pendule n'étoit point habituellement renfermé dans une cage vitrée qui le préservât des agitations que pouvoit éprouver l'air de la chambre où il oscilloit. On se bornoit à rendre ces agitations aussi foibles que possible, en n'entrant dans la chambre qu'aux époques où l'on devoit observer les coïncidences. Une autre circonstance digne de remarque, c'est la méthode par laquelle on déterminoit les instans précis de ces phénomènes. Le capitaine Sabine emploie pour cela un disque blanc, fixé sur la lentille de l'horloge devant laquelle oscille le pendule d'expérience; if note l'instant où ce disque commence à être caché par tige du pendule, l'instant où il commence à reparoître, et il prend l'époque moyenne entre ces deux-là pour celle de la coïncidence. Le capitaine Kater, en opérant de même, n'observoit que les époques des disparitions du disque; mais il avoit soin de placer la lunette d'observation à une distance telle, que les côtés de la tige parussent exactement tangens au disque dans l'état de repos, de sorte que les retours à la disparition étoient de véritables intervalles de coïncidence, exempts des erreurs que M. le capitaine Sabine attribue aux disparitions seules, sans doute en omettant cette précaution. Dans les expériences du capitaine Sabine, les intervalles entre les disparitions et les réapparitións consécutives du disque, varient singulièrement avec la finesse de la vue de l'observateur, avec son plus ou moins d'exercice, ét enfin, toutes ces choses égales d'ailleurs, avec l'intensité de la lumière qui éclaire le disque. Il y a de ces intervalles qui ne sont que de deux ou même d'une seconde, et cependant l'obsérvateur les apprécie avec une précision et une sécurité parfaites. Nous n'avons pas la moindre

idée de révoquer cette assertion en doute; mais nous avouons sincèrement qu'il nous est impossible de concevoir comment un phénomène aussi variable, aussi délicat, aussi incertain que l'auteur le représente, et qui ne dure quelquefois qu'une seconde, peut être apprécié à une seconde près. Dans la méthode de Borda, aucune de ces incertitudes n'existe, parce que l'on n'a jamais à y observer que la coïncidence d'un simple fil d'une grosseur insensible, avec un trait ou un point de dimensions presque nulles, ce qui rend l'observation absolue.

Nous avons raconté plus haut l'erreur importante que le capitaine Sabine avoit reconnue dans ses thermomètres. Les soins qu'il a mis à vérifier toutes les parties de ses appareils après son retour à Londres, lui en ont fait découvrir une autre dans la division circulaire destinée à la mesure des amplitudes. Les pendules ayant dû être construits précisément sur le même modèle que celui du capitaine Kater, il étoit à présumer que l'échelle d'amplitudes seroit également la même. Aussi le capitaine Sabine l'avoit-il supposée telle pendant tout le voyage. Mais elle étoit en effet de rayon différent. L'erreur, une fois reconnue, étoit facile à mesurer et à corriger par le calcul. Un tel défaut de soin dans la construction d'appareils destinés à des recherches si pénibles et si importantes, mérite d'être remarqué.

Les expériences faites par le capitaine Sabine dans ses diverses stations, étant, à l'aide des corrections précédentes, ramenées au cas idéal d'oscillations infiniment petites, exécutées dans le vide à une température constante, offrent dans chaque station un accord réellement étonnant; je dis étonnant, à cause du grand nombre d'élémens d'observation dont ces résultats dépendent, et dont les petites erreurs peuvent en conséquence les influencer. Ici les différentes séries d'un même pendule offrent tout au plus, dans sa marche diurne, des écarts de quatre ou cinq dixièmes de seconde, et encore dans des cas bien rares, même sous l'équateur, où la température éprouvoit le plus de variations. On jugera de la confiance du capitaine Sabine dans cet accord, quand on saura qu'ayant fait à Londres, au mois de décembre 1823, vingt séries de onze coïncidences chacune, avec ses deux pendules, pour déterminer leur marche à une température trèsbasse, il rejeta toutes ces séries, parce qu'elles donnoient entre les marches diurnes des différences d'une seconde, ce qu'il crut devoir attribuer à l'irrégularité de marche de l'horloge, bien qu'en effet la contraction lente et progressive des pendules d'expérience pût en être aussi en partie la cause. On peut trouver que le capitaine Sabine a été trop rigoureux en rejetant ces vingt séries de coïncidences; et nous

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