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REVENUS

de la régence.

SUBSIDES VOTES
PAR LES ÉTATS.

PERCEPTION

DES SUBSIDES.

nuation d'une lutte qui satisfaisait son amour-propre et son avidité, le peuple, en revanche, se souciait peu de gloire militaire. Voir ses princes régner à Paris aussi bien qu'à Londres l'inquiétait et lui déplaisait, et il ne faisait pas volontiers de sacrifices d'hommes et d'argent. La plupart des Anglais ne désirèrent l'annexion de la France que le jour où leurs armées commencèrent à en être chassées, parce que l'orgueil national humilié réclama une revanche.

Pour conquérir la France, Bedford devait donc trouver de l'argent en France même. Le domaine royal, ruiné par la guerre, donnait de maigres revenus. En Champagne, et dans un grand nombre de terres normandes, il ne rapportait rien. Le produit de la gabelle était mince. Il fallait en conséquence recourir aux impôts extraordinaires. Le régent les fit voter, la plupart du temps, par des États Provinciaux. Les États de Normandie étaient convoqués au moins une fois par an, tantôt dans une ville normande, tantôt dans une ville du «< Pays de conquête », tantôt même à Paris. Les sessions d'États, en Normandie et ailleurs, étaient courtes et le subside voté docilement. Rarement les assemblées posèrent des conditions ou obtinrent des réductions. Les instructions données par les habitants de Reims aux députés qui devaient les représenter dans une réunion d'États de Champagne et de Picardie, tenue à Amiens en 1424, montrent fort bien dans quelle mesure on croyait pouvoir modifier les volontés du régent. Les Rémois craignaient que les Anglais n'exigeassent le rétablissement des aides, impôts indirects abolis par Jean sans Peur en 1418. Le mandat des députés était donc de représenter aux commissaires du roi, tout en protestant de leur obéissance et de leur loyauté, que, selon le traité de Troyes, les sujets du royaume de France devaient être tenus en leurs franchises et libertés anciennes; que, pour avoir aboli les aides, Jean sans Peur avait eu la faveur et l'amour de la plus grande partie du peuple; que cette sorte d'impôt était ruineuse pour les sujets, sans beaucoup profiter au roi; et qu'un impôt direct, une taille, serait préférable. Si les aides étaient rétablies, qu'au moins les vivres à bas prix fussent exempts de toute charge, vu la détresse des classes pauvres; qu'une partie de l'impôt fût donnée à la ville pour ses dépenses, et qu'enfin la justice des aides fût administrée. avec exactitude, sans frais excessifs, par de « bonnes personnes >> que les habitants éliraient.

Moyennant quelques rares concessions, le régent put obtenir le vote de sommes considérables. Dans les pays dévastés par la guerre ou peu soumis, la perception, il est vrai, était souvent impossible. On ne pouvait presque rien tirer de la Champagne les paroisses appartenant à des seigneurs bourguignons ne voulaient rien payer;

d'autres étaient ruinées et désertes; d'autres étaient si souvent visitées par les Armagnacs que les sergents du roi Henry VI n'osaient s'y risquer. La Normandie et la région parisienne supportèrent presque seules le poids de ces impôts extraordinaires, qui pouvaient y être perçus assez régulièrement. Ce furent les Normands qui payèrent les frais du siège d'Orléans.

Aux tailles accordées par les États venaient se joindre les subsides levés d'urgence, et les sommes que des assemblées régionales votaient pour fortifier une place ou assiéger un château. Bedford recourait donc aux procédés que les rois de France avaient employés depuis le xiv siècle. Ajoutez à tout cet argent le produit du butin et des rançons et les énormes contributions levées dans les pays frontières, comme le Maine, sur les habitants restés fidèles à Charles VII. L'or ainsi arraché à une population décimée et appauvrie était d'ailleurs dépensé avec économie et régularité. Les Anglais apportaient dans leur comptabilité financière les mêmes qualités d'ordre et de précision que dans leurs entreprises militaires.

Le clergé de France fut l'objet des mêmes séductions, de la même surveillance et des mêmes exigences que la société laïque. Bedford fit de nombreux dons aux couvents et aux églises de Rouen et sollicita l'honneur d'être reçu chanoine de la cathédrale. Dans les dépouilles des Armagnacs, une part importante fut faite aux prélats qui embrassèrent résolument la cause anglaise. Tel Robert Jollivet, qui avait abandonné, dès 1419, son abbaye du Mont-Saint-Michel, énergiquement défendue contre les Anglais par une troupe de nobles normands. Bedford lui donna la jouissance de tous les revenus que le monastère possédait en Normandie. Le bon apôtre, laissant ses moines jeûner dans l'abbaye assiégée, se mettait en règle avec sa conscience en déclarant que, s'il occupait tous les biens du couvent, c'était pour les lui conserver dans leur intégrité. Les Anglais étaient si sûrs de lui qu'en 1424 ils le chargèrent de diriger le siège du Mont-Saint-Michel.

Mais ils ne trouvaient point partout la même docilité. Plusieurs évêques et beaucoup de curés, au temps de Henry V, avaient émigré plutôt que de se soumettre. D'autres étaient suspects. Le conquérant, quelques semaines avant de mourir, avait décidé que tous les bénéficiers du royaume devaient jurer l'observation du traité de Troyes, et Bedford nomma des commissaires chargés de recueillir ce serment.

AUTRES

IMPOSITIONS.

BEDFORD ET L'ÉGLISE

DE FRANCE.

OBLIGATION DU SERMENT.

BEDFORD

Le régent trouva dans la collation des bénéfices un moyen plus efficace pour dompter le clergé. Il avait cru d'abord habile d'adopter ET LES LIBERTÉS les doctrines gallicanes, et, dans une assemblée d'États tenue à Paris, en 1424, il avait déclaré qu'il voulait maintenir l'Église de France

GALLICANES.

NOMINATION
DES ÉVÊQUES.

LES DÉCIMES.

dans ses franchises anciennes, et empêcher les entreprises des papes contre les ordonnances des saints conciles et des rois; mais un an s'était à peine écoulé qu'il signait une ordonnance sacrifiant les libertés gallicanes 1. Bien qu'amendées par le Parlement de Paris, ces lettres du 26 novembre 1425 ne laissaient à la nomination « des ordinaires et des patrons » que « les bénéfices qui viendraient à vaquer en mars, juin, septembre et décembre »; le reste, c'est-à-dire environ les deux tiers, était abandonné au bon plaisir du pape. Il n'était pas question, dans ces lettres, d'abroger les élections épiscopales; mais Bedford montra bientôt comment il entendait la liberté des élections et de quelle façon il comptait mettre à profit la reconnaissance de la papauté. Lorsque le siège épiscopal de Paris vint à vaquer, en 1426, il força les chanoines de Notre-Dame à lui demander l'autorisation d'élire un nouvel évêque, sous peine d'une amende de deux mille marcs d'argent, et il présenta un candidat officiel. Les chanoines portèrent leurs suffrages sur un autre; mais devant les menaces du régent, l'élu n'osa prendre possession de sa dignité, et le chapitre dut installer bientôt le candidat des Anglais, nommé par bulle pontificale. Dès 1423, un concile de la province de Reims, tenu à Noyon, se plaignait des prélats insouciants et simoniaques auxquels le gouvernement confiait les évêchés. Il les accusait de se faire les instruments du régent pour la destruction des libertés ecclésiastiques.

Enfin le duc de Bedford obtint du pape Martin V une bulle invitant le clergé de France à payer les subsides que lui demanderait le roi Henry VI, dans les cas de nécessité. Les décimes succédèrent aux décimes; dans la seule année 1428, le régent en demanda deux. Les juges apostoliques, choisis par le Saint-Siège pour connaître des questions contentieuses que soulevaient ces écrasantes impositions, étaient les auxiliaires les plus dévoués de la politique anglaise : l'évêque de Beauvais Pierre Cauchon, l'évêque de Thérouanne Louis de Luxembourg, chancelier de Henry VI, et l'archevêque de Sens, qui devait son siège au régent.

Ainsi le duc de Bedford était un homme d'état et un homme de guerre. Il avait la meilleure armée de son temps et il avait adopté la politique la plus habile, qui était de conquérir la France avec l'aide des Français et par leur argent, et d'avoir, outre l'alliance du puissant duc de Bourgogne, celle du pape, mais l'œuvre qu'il avait entreprise était d'une difficulté immense, car le « royaume de Bourges », la moitié de la France, était encore à conquérir, et il s'en fallait que l'autre moitié, depuis si peu de temps conquise, fût déjà résignée.

1. Sur les libertés gallicanes au temps de Charles VI, voir t. IV, 1 partie, p. 360.

LE ROI DE BOURGES

CHAPITRE II

I. LES DÉBRIS DE LA MONARCHIE DES VALOIS EN 1422.

II. LE ROI, LES

RÉVOLUTIONS DE PALAIS ET L'ANARCHIE. III. LA POLITIQUE DU ROI DE BOURGES.
FINANCES, ARMÉE, DIPLOMATIE. -IV. PROGRÈS DE L'INVASION ANGLAISE, 1422-1428.

I. LES DÉBRIS DE LA MONARCHIE DES VALOIS EN 14221

L

E surnom de roi de Bourges dépeint en trois mots la faiblesse du prince, et le peu d'estime où ses adversaires le tenaient; mais il ne doit pas nous abuser sur les limites véritables de la domination armagnaque en 1422, une moitié de la France reconnaissait Charles VII pour roi.

LE & ROL DE BOURGES ».

LIMITES

ARMAGNAQUE.

On a vu que les Anglais occupaient presque toute la région du Nord, depuis la vallée de la Meuse jusqu'à la baie du Mont- DE LA DOMINATION Saint-Michel. A peine si, dans ces pays, quelques places fortes reconnaissaient encore l'autorité de Charles VII. Mais, sur la Loire et au midi de ce fleuve, le roi avait gardé ou reconquis les terres du domaine royal il avait la Touraine, le Berry, le Poitou, qui furent ses provinces de prédilection; il avait l'Aunis, la Saintonge, une partie du Limousin et de l'Auvergne. Dans le duché de Guyenne même, il avait l'Agenais, le Quercy, le Rouergue. En 1420, un rapide voyage à travers le Languedoc avait regagné définitivement à sa cause cette belle province, qui lui assurait les communications avec le Dauphiné et la fidèle ville de Lyon. Dans toutes ces terres domaniales,

1. OUVRAGES A CONSULTER. Outre les ouvrages, cités une fois pour loutes, de Beaucourt et de Vallet Mémoire de Longnon, Revue des Questions historiques, t. XVIII. Cosneau, Le connétable de Richemont, 1886 (très utile). Flourac, Jean Ier comte de Foix, 1884. Dognon, Les Armagnacs et les Bourguignons en Languedoc, Annales du Midi, 1889. Huillard-Bréholles, La rançon du duc de Bourbon, Mémoires présentés à l'Acad. des Inscriptions, t. VIII. Didier Neuville, Le parlement royal à Poitiers, Revue historique, t. VI.

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LES GRANDS

VASSAUX. BRE-
TAGNE.

BARONS DU MIDI.
FOIX.

NEVERS, BOURBON.

c'étaient principalement les «< bonnes villes » qui pouvaient prêter au roi un secours efficace. Elles joueront un rôle important dans la délivrance nationale.

Si l'on excepte le duc de Bourgogne, aucun des grands seigneurs de France ne donnait aux Anglais un appui sérieux. Jean V, duc de Bretagne, conclut à Amiens, en 1423, une alliance avec le duc de Bedford et le duc de Bourgogne; mais, dans le pays où vivait encore la veuve de Du Guesclin, Charles VII comptait bon nombre de partisans. Jean V lui-même n'était nullement décidé à soutenir efficacement les Anglais. La Bretagne, désolée par les luttes du XIVe siècle, avait recouvré la tranquillité, et le commerce y renaissait. Son duc, habitué à se comporter à peu près comme un souverain indépendant, songeait surtout à la garantir contre le retour des maux de la guerre.

Dans le sud-ouest, les grands feudataires avaient une attitude également réservée, et pour la même raison. Le plus puissant de tous était Jean de Grailly, comte de Foix, vicomte de Béarn, de Marsan, de Gavardan et de Nébouzan. La maison de Foix avait d'importantes possessions en Catalogne, et tendait à devenir la maîtresse des deux versants des Pyrénées. Elle convoitait la Navarre et devait finir en effet par l'absorber. Jean de Grailly, jusqu'à sa mort, ne cessa d'augmenter ses domaines et d'y maintenir la paix, au milieu du désordre général. En 1418-1419, il avait trouvé moyen de se faire reconnaître lieutenant du roi en Languedoc, d'abord par le dauphin Charles, puis par la faction anglo-bourguignonne, et il s'était présenté dans le pays comme un pacificateur, avec la prétention de rester neutre entre les deux partis. Henry V, dans les derniers jours de sa vie, croyait pouvoir le compter parmi ses alliés, mais déjà le comte de Foix avait secrètement renoué des relations avec le dauphin.

Dans le centre de la France, depuis Azincourt, tous les grands fiefs avaient perdu leurs chefs. Le comte de Nevers avait péri dans la bataille, et sa veuve, qui devait plus tard épouser le duc de Bourgogne, s'était engagée envers ce prince à observer la neutralité. La duchesse de Bourbon avait fait la même promesse. Son mari, Jean Ier, était captif en Angleterre; elle avait à défendre ses terres contre les incursions des routiers et les convoitises de son voisin le duc de Savoie; elle avait aussi à payer l'énorme rançon de Jean Ier. Spéculant sur la faiblesse de leur prisonnier, qui était allé jusqu'à promettre d'accepter le traité de Troyes, les Anglais augmentaient sans cesse leurs exigences. Ils demandèrent finalement une somme totale de 254000 écus. La duchesse, désarmée contre cette rapacité se confia à des escrocs

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