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Nous signalerons enfin, en matière budgétaire : un projet de loi, déposé par le ministre des finances, ayant pour objet l'établissement d'une contribution foncière sur les propriétés bâties en Algérie (1); — une proposition de loi de M. Guichard, ayant pour objet : 1o de rétablir pour 1884 le budget ordinaire de l'Algérie et son budget sur ressources spéciales conformément aux lois existantes; 2° d'établir en Algérie l'impôt foncier sur les propriétés bâties et non bâties dont le produit, en principal et centimes additionnels, sera affecté aux dépenses départementales et communales de l'Algérie (2); une proposition de loi de M. Peulevey, tendant à modifier les dispositions du sénatus-consulte du 4 juillet 1866, en ce qui concerne les droits de douanes et la loi du 17 juillet 1867 sur le régime douanier de l'Algérie (3).

COLONIES FRANÇAISES

Notice par M. BOUCHIE DE BELLE, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de

cassation.

ORGANISATION ADMINISTRATIVE ET POLITIQUE.

Services administratifs.

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Le gouvernement a continué dans le cours de l'année 1883, l'œuvre de réforme administrative et politique entreprise pour les colonies depuis 1879: de nouveaux progrès ont été fails, notamment dans la voie de la séparation des services coloniaux de ceux de la marine. Cette séparation, ainsi que nous l'avons fait remarquer dans nos précédentes notices, constitue le fait essentiel de cette série de changements apportés dans les dernières années au régime colonial.

Autrefois les colonies n'étaient considérées, en quelque sorte, que comme de simples établissements de la marine. Les gouverneurs, ainsi que le personnel supérieur de presque tous les services civils, étaient empruntés aux corps des officiers de la marine ou du commissariat qui étaient placés hors cadres, mais qui continuaient à concourir pour l'avancement avec les officiers et employés de leur corps,

Un décret du 15 septembre 1882 a ramené les attributions exercées par le commissariat colonial à celles qui sont exercées en France par les fonctionnaires de ce corps. L'emploi d'ordonnateur qui était rempli par

tableau que nous avons mis en note de notre étude sur le budget de l'Algérie, dans l'Annuaire 1882, p. 112.

(1) Chambre: exposé des motifs, annexes 1883, p. 999.

(2) Chambre: exposé des motifs, ibid., p. 1405.

(3) Chambre: exposé des motifs, ibid., p. 1403; rapport sommaire, p. 2226.

un commissaire a été supprimé. Cet emploi consistait dans l'ordonnancement de toutes les dépenses, aussi bien de celles qui concernaient la marine et l'armée, que de celles qui concernaient les services civils payés sur le budget de l'État. L'ordonnancement de ces dernières dépenses appartient maintenant au directeur de l'intérieur, dont les fonctions ont un caractère exclusivement colonial,

C'est dans le même esprit qu'a été édicté le décret du 27 janvier 1883 qui a réorganisé les directions de l'intérieur. Le personnel de ces directions avait été régi jusqu'ici par le décret du 23 décembre 1857. Les conditions fixées par ce décret pour le recrutement et l'avancement du personnel, ne pouvaient pas assurer convenablement les besoins du service les garanties de capacité demandée aux candidats étaient insuffisantes et la modicité des traitements ne permettait pas d'exiger davantage; aussi choisissait-on dans le personnel des officiers du commissariat de la marine tous les employés supérieurs depuis le grade de sous-chef. Il fallait donc, si l'on voulait constituer, à l'exclusion du commissariat, un corps spécial d'administration civile des colonies capable de faire face à tous les besoins du service, élever les traitements. C'est ce qu'a fait le décret du 27 janvier 1883. En revanche, il exige des candidats qui voudront prendre part au concours pour l'emploi d'écrivain de deuxième classe, le moins élevé de la hiérarchie, le diplôme de bachelier ou le brevet de capacité pour l'enseignement primaire supérieur. Un arrêté ministériel du 23 février (1) règle les autres conditions de ce concours, les licenciés en droit pourront être nommés d'emblée à l'emploi de commis. Une disposition transitoire du décret, autorise pendant deux ans encore les officiers du commissariat à accepter des emplois dans les directions de l'intérieur.

Instruction publique. La création par décret du 20 janvier 1883 (2) d'une école de droit à la Martinique facilitera la réorganisation des services civils dans les colonies françaises des Antilles, en fournissant des candidats pour les concours qui viennent d'être institués. Les professeurs à l'école de droit de la Martinique sont nommés par le gouverneur sur la proposition du vice-recteur. Ils doivent être pourvus du diplôme de licencié en droit. Leur traitement, qui est à la charge de la colonie, est fixé chaque année par le gouverneur dans la limite des crédits budgétaires. L'enseignement comprend, en outre des matières exigées pour l'obtention du grade de bachelier et de licencié dans les facultés de la Métropole, un exposé de la législation coloniale et de son histoire. En venant passer en France un examen spécial, les élèves peuvent convertir les certificats d'études qu'ils ont obtenu de l'école de la Martinique, en diplômes de bacheliers et de licenciés. Un autre décret, en date du 18 juin 1883, applique aux colonies le décret du 10 octobre 1882, instituant un conseil d'administration dans chaque lycée.

(1) J. Off. du 27 février 1883, p. 1050. (2) J. Off. du 25 janvier 1883, p. 435..

Conseil supérieur des colonies.

Dans l'ordre des mesures qui intéressent l'ensemble de nos colonies, il nous reste à signaler un décret très important du 19 octobre 1883, qui rétablit le conseil supérieur des colonies.

Le conseil supérieur, sorte de comité consultatif placé auprès des ministres avait été institué par la loi du 24 avril 1833 (1). Cette loi décidait que quatre de nos colonies auraient des délégués auprès du gouvernement du roi, savoir: la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion, deux délégués chacune; la Guyane, un délégué. Les autres colonies n'étaient pas représentées.

Les conseils coloniaux nommaient les délégués qui, d'après l'article 19 de la loi, étaient chargés, réunis en conseil, de « donner au gouverne<«<ment les renseignements relatifs aux intérêts généraux des colonies et « de suivre auprès de lui l'effet des délibérations et des vœux des conseils «< coloniaux. »>

Cette institution supprimée une première fois en 1848, a été rétablie par le sénatus-consulte du 3 mai 1854. Son article 17 avait organisé auprès du ministre de la marine « un comité consultatif » composé de quatre membres nommés par le chef de l'État et d'un délégué de chacune des colonies de la Martinique, de la Guadeloupe et de la Réunion, choisi par le conseil général. Un ou plusieurs des membres que nommait le chef de l'État, devaient être spécialement chargés de remplir l'office de délégués pour les diverses colonies qui ne jouissaient pas encore d'une constitution. Les attributions du comité consistaient à donner un avis sur les projets de sénatus-consulte et de décrets relatifs aux matières coloniales, qui étaient renvoyés à son examen par le ministre ; à préparer lui-même les projets d'après les vues générales indiquées par le gouvernement.

Le comité créé en 1854 a cessé de fonctionner depuis 1870. Une commission supérieure des colonies a été créée par décision du 23 décembre 1878, mais cette commission, dont le ministre nommait les membres, a cessé de siéger en 1881. Avant de se séparer elle a émis un vœu en faveur du rétablissement du conseil supérieur des colonies.

« L'utilité de cette création, dit le ministre dans le rapport qui précède «<le décret du 19 octobre 1883, est difficilement contestable. La législa<«<tion coloniale demande à être revisée, simplifiée, réformée; des << mesures doivent être prises en vue du développement de la prospérité << matérielle de nos colonies; il est devenu nécessaire d'aborder résolu«<ment les difficultés multiples que soulèvent les questions d'immigration <«<et de colonisation. Pour remplir... la tâche vraiment considérable qui <«<lui incombe, mon administration à besoin du concours d'hommes << notoirement connus pour leur compétence en matière coloniale. >>

Le conseil supérieur, d'après l'article 2 du décret du 19 octobre 1883, est présidé par le ministre ou par le sous-secrétaire d'État. Il comprend : 1o Les sénateurs et députés des colonies;

(1) J. Off. du 20 février 1883, p. 5433.

2o Quatre délégués élus pour trois ans dans les quatre colonies qui n'ont pas de députés ni de sénateurs; à savoir; un délégué pour la Nouvelle-Calédonie, un délégué pour Tahiti, un délégué pour Saint-Pierre et Miquelon, un délégué pour Mayotte et Nossi-Bé ;

3o Dix membres nommés également pour trois ans par décret du président de la République :

4° Les présidents des sections des finances et de législation, du Conseil d'État ;

Le chef d'état-major général du ministre de la marine ;

Le directeur de la comptabilité au ministère de la marine;

Le président de la commission de surveillance des banques coloniales; Le directeur du service pénitentiaire au ministère de l'intérieur; Le directeur du commerce extérieur au ministère du commerce; Les présidents des chambres de commerce de Bordeaux, le Havre, Marseille, Nantes et Paris.

La création de ce conseil dans le sein duquel toutes les colonies se trouvent représentées, soit par leurs députés et sénateurs, soit par des délégués élus par elles au suffrage universel, tempère heureusement ce que peut avoir d'arbitraire le régime des décrets auxquels elles restent soumises. Les décrets préparés par le conseil supérieur auront, grâce à la collaboration des représentants des colonies, un caractère quasi législatif. C'est le couronnement, en quelque sorte, de l'œuvre d'affranchissement politique de nos établissements d'outre-mer.

Magistrature. Un décret du 9 février 1883 dispense des conditions d'âge et de capacité exigées des titulaires, les intérimaires appelés, en cas d'empêchements, à remplacer des magistrats dans les colonies autres que la Martinique, la Guadeloupe et la Réunion.

DÉCRETS ET DÉCISIONS SPÉCIAUX A CERTAINES COLONIES.

Cochinchine.- Un décret en date du 27 janvier 1883 (1) relatifau mariage en Cochinchine, a pour but de supprimer certains obstales résultant de formalités difficiles à remplir dans une colonie aussi éloignée de la métropole et de l'Europe. Il dispense les personnes résidant en Cochinchine et dont les ascendants auront leur domicile dans un autre pays, de l'obligation de signifier des actes respectueux.

Lorsque le consentement de ces ascendants sera nécessaire à la validité du mariage, il pourra être suppléé à ce consentement par une autorisation du conseil privé de la colonie.

Le conseil privé pourra aussi dispenser les futurs époux: 1o de la production de leur acte de naissance, pourvu que leur âge et leur identité paraissent suffisamment établis; 2o des publications prescrites par les articles 167 et 168 du code civil; 3° en cas de second mariage, de la

(1) J. Off. du 18 février 1883, p. 890.

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production de l'acte de décès du premier conjoint, quand ce décès pourra être établi par d'autres documents.

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Législation annamite. Un véritable code de législation civile annamite a été promulgué par un décret du 3 octobre 1883. Cet important document faisant le sujet d'une étude spéciale publiée dans l'Annuaire, nous nous bornerons ici à le signaler (1).

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Guadeloupe. Un décret du 22 janvier 1883 (1) a mis en vigueur dans cette colonie les lois des 8 mars, 12 avril et 24 juin 1851 sur les montsde-piété. Inde. Un décret du 12 juin 1883 (2), promulgue dans les établissements français de l'Inde le code d'instruction criminelle de la métropole, avec quelques modifications nécessitées par les mœurs et par l'organisation particulière de la justice dans ces établissements. Ainsi, la cour d'assises ne siège pas avec l'assistance d'un jury, mais elle doit s'adjoindre des assesseurs choisis sur une liste dressée dans chaque établissement par une commission composée d'un juge, du juge de paix et de deux conseillers généraux, l'un Européen, l'autre natif.

La promulgation de ce code d'instruction criminelle constitue un grand progrès dans la législation spéciale de l'Inde. Jusqu'alors, en effet, les formes de la procédure criminelle étaient réglées par de simples arrêtés des gouverneurs.

D'autre part, la Cour de cassation, par un arrêt en date du 7 novembre 1883 (3), a tranché une question d'interprétation du décret du 21 septembre 1881 qui intéresse au plus degré une partie considérable de la population. Le décret du 21 septembre 1881, dispose que les Indiens qui auront renoncé aux usages et coutumes de leurs castes, en un mot à leur statut personnel seront régis « par les lois civiles et politiques applicables aux Français dans la colonie ». Le juge de paix de Pondichéry, statuant en matière électorale et se fondant sur l'article 4 du décret du 25 janvier 1879, qui dispose que pour la formation des conseils électifs, deux listes doivent être dressées, comprenant l'une les Européens, l'autre les indigènes, avait refusé d'ordonner l'inscription des indigènes renonçants sur la liste des Européens. La Cour de cassation a annulé ce jugement et a décidé que l'assimilation créée au profit des indigènes et à l'égard des Français par le décret du 21 septembre 1881, était absolue, et attribuait aux natifs qui avaient renoncé à leur statut personnel, tous les droits politiques applicables aux Français non indigènes, y compris celui d'être inscrits sur la même liste électorale. La portée de cette décision est tellement considérable que nous avons cru devoir la signaler à l'égal d'un décret. Elle peut mettre entre les mains des natifs renonçants la prépondérance politique.

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Deux traités passés l'un avec le gouvernement du Cayor le

(1) J. Off. du 11 novembre 1883. V. infrà, p. 121.

(2) J. Off. du 24 juin 1883.

(3) Voyez le Droit du 16 novembre 1883.

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