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TITRE XI.

MAJORITÉ.

L'individu qui a atteint l'âge de vingt et un ans est majeur et capable de tous les actes de la vie civile, sauf les restrictions prévues par les lois. Celui qui se trouve dans un état habituel d'imbécillité ou de démence sera interdit à la demande de ses parents plus âgés que lui, de l'autre époux ou du procureur de la République.

Les demandes en interdiction sont portées devant le tribunal de première instance; les faits seront articulés par écrit, les témoins indiqués, les pièces fournies.

Le tribunal prendra l'avis d'un conseil de famille, duquel ne pourront faire partie les demandeurs en interdiction. Le tribunal ordonnera une enquête, et, s'il y a lieu, des mesures provisoires; il rendra son jugement définitif en audience publique, les parties appelées et le ministère public entendu.

La Cour, en cas d'appel, statuera dans les mêmes formes, après avoir fait comparaitre ou interroger, par commissaire spécial, la personne dont l'interdiction est provoquée.

Les jugements d'interdiction sont, dans les dix jours après qu'ils sont définitifs, affichés dans l'auditoire du tribunal et à la mairie du village. L'interdiction a son effet dès le jour du jugement. L'interdit se trouve dans la même situation qu'un mineur; il lui est nommé un tuteur dans les formes qui sont établies pour les mineurs, s'il n'y a pas de tuteur de droit, père ou mère ou époux. Ce tuteur exerce ses fonctions sous l'autorité du Truong-Toé.

La femme de premier rang peut être nommée tutrice de son mari par le conseil de famille.

Après dix ans, le tuteur, s'il n'est l'époux, l'ascendant ou descendant de l'interdit, peut se faire décharger de ses fonctions.

L'interdiction peut être levée dans les mêmes formes qu'elle avait été prononcée.

Les actes antérieurs à l'interdiction peuvent être annulés si la cause existait notoirement à l'époque où ils ont été faits.

Quand l'interdiction n'a pas été prononcée, on ne peut faire annuler les actes d'un majeur que s'ils portent la preuve de la démence.

Le tribunal peut, en refusant de prononcer l'interdiction, ordonner que le défendeur ne pourra accomplir certains actes qu'avec l'assistance d'un conseil qu'il désignera; sauf le cas d'absence ou d'empêchement, ce conseil sera le Truong-Toé.

La nomination d'un conseil pourra être poursuivie principalement, comme la demande d'interdiction, par les mêmes personnes. La mainlevée pourra avoir lieu dans les mêmes formes.

Les principaux actes interdits à l'individu pourvu d'un conseil judiciaire sont tester en justice, emprunter, aliéner, recevoir un capital.

En cas de placement de personnes non interdites dans un établissement d'aliénés, les fonctions de tuteur sont exercées par un des membres de la commission administrative de l'hospice, désigné par cette commission.

TUNISIE

LOI DU 27 MARS 1883, PORTANT ORGANISATION DE LA JURIDICTION FRANÇAISE EN TUNISIE (1)

Notice et notes par M. Jules CHallamel, docteur en droit, avocat à la Cour d'appel de Paris.

Jusqu'au traité du 12 mai 1881, les Français établis en Tunisie étaient justiciables de la juridiction consulaire française.

L'établissement de notre protectorat devait avoir pour première conséquence de développer le mouvement des affaires commerciales et de donner une importance nouvelle aux transactions de tout genre, et par suite aux procès, qui sont le cortège obligé de la civilisation européenne.

Les tribunaux consulaires seraient devenus bientôt insuffisants. Il était donc nécessaire, au seul point de vue des intérêts des résidents français, de les remplacer par une organisation judiciaire plus complète, semblable à celle qui existe en France.

La loi nouvelle donne satisfaction à cette exigence, en établissant dans la Régence un tribunal et six justices de paix, dont le fonctionnement régulier doit suffire à tous les besoins de la justice criminelle et civile.

Mais il est un autre objet, d'une plus haute importance, qui sollicitait également la prompte organisation de ces tribunaux.

Le régime des capitulations, sous lequel sont placés la plupart des Étals musulmans à l'égard des nations chrétiennes, s'applique actuellement encore à la Tunisie. De là, pour le développement de notre influence dans

(1) J. Off. du 28 mars 1883. Chambre exposé des motifs, annexes 1882, par 1317; rapport, p. 2101; discussion, J. Off. du 18 juillet. Sénat exposé des motifs, annexes 1882, p. 601; projet de loi rectificatif, annexes 1883, p. 15; nouveau projet de loi, ibid. p. 492; discussion, J. Off. du 4 mars 1883. Retour à la Chambre : rapport et discussion, J. Off. du 16 mars.— Retour au Sénat rapport et discussion, J. Off. du 18 mars.

Une autre loi du 27 mars 1883 (J. Off. du 28) a ouvert un crédit extraordinaire de 220.000 francs pour les frais d'installation et d'organisation des tribunaux qui venaient d'être institués.

le pays, les obstacles les plus graves. Les divers consuls accrédités près du Bey avaient juridiction sur leurs nationaux, ainsi que sur les étrangers ou musulmans protégés (1), de même que nos propres consuls avaient juridiction sur les résidents et les protégés français.

Un pareil état de choses, né du contact des nations européennes avec des peuples d'une civilisation différente, ne pouvait convenir désormais à un état dont l'organisation se transforme sous l'influence du protectorat et dont les institutions, comme la politique, sont guidées par une main française.

Néanmoins, il pouvait sembler dangereux de procéder par mesure d'autorité à la suppression immédiate des capitulations. Le gouvernement pensa qu'il valait mieux obtenir des puissances elle-mêmes, et par la voie diplomatique, l'abandon du privilège de juridiction qui résultait des capitulations et des traités.

Dans ce but, il convenait d'instituer des tribunaux assez nombreux pour statuer sur tous les procès, civils ou criminels, qui se présenteraient à juger dans la Régence, et composés avec assez de soin pour que les nations intéressées prissent confiance dans les lumières et dans l'intégrité des magistrats nouveaux. Ces tribunaux, destinés à remplacer les diverses juridictions consulaires au fur et à mesure de leur suppression par chacun des États européens, verraient ainsi leur compétence s'étendre peu à peu à tous les habitants, sans distinction de nationalité.

Notre diplomatie est en effet parvenue au résultat qu'elle avait pour mission d'atteindre, et le ministre des affaires étrangères a pu déclarer à la tribune, dans la discussion d'une interpellation récente, que l'Angleterre et l'Italie avaient adhéré, comme les autres puissances, aux propositions qui leur avaient été faites, et qu'on devait, en ce point, considérer désormais les capitulations comme abolies (2).

1er.

Art. 1o.- Un tribunal français et six justices de paix sont institués dans la régence de Tunis.

Le tribunal de première instance siège à Tunis; les justices de

(1) Sur les conséquences diverses des capitulations, au point de vue politique, administratif et financier, v. le rapport présenté à la Chambre des députés : annexes 1882, p. 2105.

(2) Chambre interpellation, J. Off. du 4 avril 1884. — « Quant à l'Allemagne, une loi du 27 juillet 1883 a autorisé le gouvernement à fermer le tribunal et à abolir la juridiction du consul d'Allemagne en Tunisie, et une ordonnance du 21 janvier 1884 a déclaré, en conséquence, que « les pouvoirs judiciaires du «< consul allemand cesseraient de s'exercer à partir du 1er février 1884, les « sujets et protégés allemands passant, dès lors, à partir de cette date, sous la << juridiction des tribunaux français de la régence. » Pour la GrandeBretagne, « un ordre en conseil du 31 décembre 1883 a fermé le tribunal consulaire de S. M. Britannique... et il lui a été simplement prescrit de se borner à vider son rôle. » - En ce qui concerne l'Italie, une convention a été conclue entre son gouvernement et le gouvernement français: la ratification en est actuellement soumise aux chambres italiennes. - Pour les autres États, v. discours du ministre des affaires étrangères, loc cit., p. 1018.

paix ont leur siège à Tunis, à la Goulette, à Bizerte, à Sousse, à Sfax et au Kef.

La circonscription du tribunal s'étend sur toute la régence. Le ressort de chaque justice de paix sera déterminé par un décret rendu le conseil d'État entendu (1).

Au cas où les besoins du service judiciaire viendraient à l'exiger, d'autres tribunaux de première instance et d'autres justices de paix pourront être institués par des règlements d'administration publique, qui auront à en déterminer les ressorts.

Art. 2. Ces tribunaux font partie du ressort de la cour d'Alger (2). Ils connaissent de toutes les affaires civiles et commerciales entre Français et protégés français.

Ils connaissent également de toutes les poursuites intentées contre les Français et protégés français pour contraventions, délits ou crimes.

Leur compétence pourra être étendue à toutes autres personnes par des arrêtés ou des décrets de son altesse le bey, rendus avec l'assentiment du gouvernement français.

Art. 3. Les juges de paix exercent en matière civile et pénale la compétence étendue telle qu'elle est déterminée par le décret du 19 août 1854.

Toutefois, les juges de paix siégeant dans une ville où il y a un tribunal de première instance n'ont cette compétence étendue que pour les actions personnelles et mobilières en matière civile et commerciale; pour le surplus, ils exercent la compétence ordinaire telle qu'elle est déterminée par les lois et décrets en vigueur en Algérie.

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Art. 4. Le tribunal de première instance connaît en dernier ressort des actions personnelles et mobilières jusqu'à la valeur de 3.000 francs et des actions immobilières jusqu'à 120 francs de revenu. En premier ressort sa compétence est illimitée.

En matière correctionnelle, il statue en premier ressort sur tous les délits et contraventions dont la connaissance n'est pas attribuée aux juges de paix par l'article précédent.

En matière criminelle, il statue en dernier ressort sur tous les faits qualifiés crimes, avec l'adjonction de six assesseurs ayant voix délibérative, tirés au sort sur une liste dressée chaque année dans

(1) Le projet primitif n'instituait qu'une justice de paix, siégeant à Tunis. Il a été modifié conformément au texte actuel par la commission de la Chambre. Rapport, loc cit., p. 2108.

(2) Dans l'ancienne organisation, les sentences des consuls français étaient, comme on sait, portées en appel devant la cour d'Aix.

des conditions qui seront déterminées par un règlement d'administration publique (1).

Si l'accusé ou l'un des accusés est Français ou protégé français, les assesseurs devront être tous Français.

Art. 5.

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Le tribunal statuant au criminel est saisi par un arrêt de renvoi rendu par la chambre des mises en accusation de la cour d'Alger, conformément aux dispositions du code d'instruction criminelle; sa décision est rendue dans les mêmes formes que les jugements en matière correctionnelle.

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Art. 6. Le tribunal assisté d'assesseurs, comme il est dit article 4, tient ses assises tous les trois mois, aux dates fixées d'avance par arrêté ministériel.

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Art. 7. Sauf les dérogations apportées par les articles précédents, les règles de procédure et d'instruction criminelle déterminées par les lois, décrets et ordonnances en vigueur en Algérie, sont applicables aux juridictions instituées en Tunisie.

Art. 8. Les délais des ajournements et des appels sont réglés conformément à l'ordonnance royale du 16 avril 1843.

Toutefois, si celui qui est assigné demeure hors de la Tunisie, le délai des ajournements sera:

Pour ceux qui demeurent dans les autres États, soit de l'Europe, soit du littoral de la Méditerranée et celui de la mer Noire, de deux mois;

Pour ceux qui demeurent hors de ces limites, de cinq mois.

Art. 9.

Lorsqu'il y aura lieu à insertions légales, elles devront, à peine de nullité, être faites dans l'un des journaux désignés à cet effet par arrêté du ministre résident de France à Tunis.

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Art. 10. Les dispositions de l'arrêté ministériel du 26 novembre 1841 sur la profession de défenseur (2), et les dispositions des décrets et arrêtés concernant l'exercice de la profession d'huissier en Algérie sont applicables en Tunisie.

Cependant les Français et les étrangers qui, à la promulgation de la présente loi, exerceront la profession d'avocat en Tunisie, et

(1) Cette dérogation aux principes de notre organisation judiciaire est justifiée par le nombre encore trop restreint d'Européens actuellement établis dans la régence. La procédure instituée par l'article 4 est conforme à celle qui est suivie dans plusieurs de nos établissements coloniaux.

(2) Le projet primitif autorisait les plaideurs à se faire représenter par des mandataires quelconques. -« Cette disposition, dit le rapport, à déjà soulevé parmi nos nationaux à Tunis d'unanimes protestations. Déjà les tribunaux consulaires sont envahis par des agents d'affaires, la plupart ignorants et n'offrant aucune garantie; les justiciables en sont souvent les victimes. » V. loc. cit., p. 2108. Afin de parer à ces inconvénients, on a rendu obligatoire l'intervention des avocats-défenseurs.

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