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tion du rôle. On voulait empêcher, par là une pratique illicite s'exerçant, parait-il, dans certains cantons, où l'on voyait des gens nomades s'installer temporairement, au moment de la publication du rôle, dans les communes riches en bois, afin de participer à la répartition de l'affouage, sauf à s'éloigner après avoir recueilli leur portion; on citait également le cas de familles nombreuses vivant d'ordinaire ensemble dans une même commune et se dispersant, chaque année, à la même époque, dans les communes environnantes, afin de réunir un lot de bois plus considérable, dont elles trafiquaient ensuite. Il paraissait utile de mettre fin à de pareilles spéculations.

La proposition de loi de M. Lelièvre et de ses collègues, fut soumise à l'examen de la quatrième commission d'initiative parlementaire, qui conclut à sa prise en considération. Elle fut, en conséquence, renvoyée aux bureaux, qui nommèrent une commission de onze membres pour l'étudier. Celle-ci choisit comme rapporteur M. Lelièvre lui-même; c'est dire qu'elle était entièrement favorable à la proposition.

Le rapport fut déposé le 1er juin 1882. Le texte sur lequel la Chambre était appelée à délibérer différait peu du texte primitif. En dehors de quelques modifications de pure forme, le projet avait été amendé sur un point seulement, par la commission, qui avait cru devoir réduire d'un an à six mois la durée de la résidence exigée des ayants-droit à l'affouage. La première délibération s'ouvrit le 28 décembre; l'urgence fut déclarée et le projet voté intégralement sans discussion.

La proposition adoptée par la Chambre fut transmise au Sénat, le 2 janvier 1883, et renvoyée à une commission. Cette commission après avoir étudié les divers modes de partage susceptibles d'être pratiqués, et notamment le partage par tête et le partage par catégories de personnes, se prononça, à la suite d'une discussion approfondie, en faveur du partage par feu. Toutefois, elle introduisit deux modifications dans le texte voté par la Chambre. Celle-ci avait reconnu la qualité de chef de famille aux individus possédant, dans la commune, un ménage ou une habitation distincte; la commission proposa, afin de mieux préciser l'intention du législateur, d'ajouter que cette habitation devrait être pourvue d'un foyer. La Chambre exigeait des ayants-droit à l'affouage un séjour de six mois dans la commune antérieurement à la publication du rôle; la commission supprima purement et simplement cette disposition. « Les spéculations que l'on veut atteindre, a dit le rapporteur, M. Chau<< montel, sont sans doute regrettables; mais est-il nécessaire pour les « empêcher de prescrire un séjour de six mois? Votre commission ne «<le pense pas. Les faits signalés ne constituent que des abus imputables, « non à la loi, mais à la commune qui en fait une fausse application. << Pour les prévenir il suffit de veiller à ce que tout individu porté sur « le rôle ait le domicile réel et fixe, c'est-à-dire le domicile légal exigé <«< par l'article 105. Elle estime qu'il est préférable de laisser aux tribu«naux le soin d'apprécier, dans les cas particuliers qui peuvent se pré<«<senter, si le domicile invoqué présente les caractères exigés par les

<«<articles 103 et 104 du code civil. Du reste, il ne serait pas sans incon«< vénients de prescrire un délai de séjour déterminé.

<< Dans le cours d'une année, le personnel d'une ferme, d'un emploi, << peut être changé. Il ne serait pas juste de priver les nouveaux venus « des avantages dont jouissaient leurs prédécesseurs. En conséquence, <«< votre commission a été d'avis de supprimer ces mots : depuis six <<< mois au moins. >>

Le projet de la commission fut discuté à la séance du 27 octobre 1883, à la suite d'une déclaration d'urgence. Le Sénat adopta la rédaction proposée, après avoir écarté un amendement de M. Oudet ainsi conçu :

« Ajouter au paragraphe 1er de la proposition : « Dans les feux ou « ménages comprenant plus de trois personnes, parents ou alliés, de l'un << ou de l'autre sexe, la portion d'affouage sera doublée. Dans les ména«ges composés de plus de six personnes, elle sera tripiée. »

La proposition de loi retourna à la Chambre des députés, où elle fit l'objet d'un nouveau rapport, qui fut déposé le 8 novembre 1883; la commission accepta, sans difficulté, le texte amendé par le Sénat et en proposa l'adoption; sa décision fut ratifiée par la Chambre, sans discussion, à la séance du 13 novembre.

La loi fut promulguée le 23 du même mois.

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Article unique. L'article 105 du code forestier est modifié ainsi qu'il suit:

«S'il n'y a titre contraire (1), le partage de l'affouage, en ce qui concerne les bois de chauffage (2), se fera par feu, c'est-à-dire par chef de famille ou de maison (3) ayant domicile réel et fixe dans la

(1) Par titres, il faut entendre, non des titres conventionnels, mais des titres légaux ou réglementaires relatifs au partage de l'affouage, tels qu'arrêts de règlement, édits et déclarations émanés des autorités compétentes ou homologués par elles. Telles étaient, pour la Lorraine, les édits des 31 janvier et 13 juin 1724, et pour la Franche-Comté, l'édit du 19 août 1766, concernant les trente-six paroisses riveraines de la forêt de Chaux. - V. Dalloz, Répertoire, Vo Forêts, no 1814; MEAUME, Commentaire du Code forestier, t. 2, no 771, p. 89; MIGNERET, Traité de l'affouage (2o édition), nos 75 à 77.

(2) Cette expression a été très heureusement substituée à celle de : bois d'affouage, qui se trouvait dans l'ancien article 105 et qui manquait de précision. Dorénavant, certaines futaies, peu propres à être utilisées comme bois d'œuvre ou d'industrie à raison de leurs faibles dimensions, et qui généralement sont converties en bois de chauffage, dans l'exploitation des coupes de taillis sous futaie, devront être distribuées entre les habitants, sans qu'il soit permis au conseil municipal de les vendre au profit de la caisse communale conformément au paragraphe deux. Il en sera de même des arbres reconnus impropres à tout service autre que le chauffage.

(3) La femme mariée, vivant séparée de son mari, n'est considérée comme chef de maison qu'autant que la séparation a été prononcée judiciairement. La femme séparée de fait ne peut participer à l'affouage, puisqu'elle n'a pas d'autre domicile légal que celui de son mari (V. en ce sens, DALLOZ, Vo Forêts, no 1798; MIGNERET, nos 136 et 137).

Les mineurs émancipés ont droit à l'affouage, car ils ont un domicile propre ;

commune (1) avant la publication du rôle. Sera considéré comme chef de famille ou de maison tout individu possédant un ménage ou une habitation à feu distincte, soit qu'il y prépare la nourriture pour lui et les siens, soit que, vivant avec d'autres à une table commune, il possède des propriétés divisées, qu'il exerce une industrie distincte ou qu'il ait des intérêts séparés.

«En ce qui concerne les bois de construction, chaque année le conseil municipal, dans sa session de mai, décidera s'ils doivent être, en tout ou en partie, vendus au profit de la caisse communale ou s'ils doivent être délivrés en nature.

<< Dans le premier cas, la vente aura lieu aux enchères publiques par les soins de l'administration forestière; dans le second, le partage aura lieu suivant les formes et le mode indiqués pour le partage des bois de chauffage.

<< Les usages contraires à ce mode de partage sont et demeurent abolis.

« Les étrangers qui rempliront les conditions ci-dessus indiquées ne pourront être appelés au partage qu'après avoir été autorisés, conformément à l'article 13 du code civil, à établir leur domicile en France (2).

il en est autrement des mineurs non-émancipés, qui ont pour domicile légal celui de leur père ou de leur tuteur (V. en ce sens MIGNERET: nos 134 et suivants; MEAUME, t. 2, no 807, p. 129. - · Contrà: PROUDHON, Traité de l'usage, t. 3, no 958; CURASSON, Code forestier, t. 1er, p. 447).

Une part d'affouage peut être attribuée à l'école communale (V. circulaire du ministre des finances, du 24 avril 1830).

(1) Il s'agit du domicile légal, tel qu'il est défini par le code civil. C'est aux tribunaux à apprécier, dans les cas spéciaux qui leur sont soumis, si le domicile présente bien les caractères exigés par l'article 105. — V. Rapport fait au Sénat; J. Off. Sénat, documents parlementaires, session ordinaire de 1883, p. 869, col. 2.

(2) Cette disposition a été introduite dans l'article 105 par la loi du 25 juin 1874. Auparavant, la question était controversée. Un certain nombre d'arrêts avaient admis que l'étranger avait droit à l'affouage dans la commune où il était domicilié, alors même qu'il n'avait pas sollicité et obtenu l'autorisation de fixer son domicile en France. (V. Besançon, 25 juin 1860; S. 60. 2. 591. Cassation, 1er juillet 1867; S. 1. 275. 67. Cassation, 22 février 1869; S. 69. 1. 159).

IX

LOI DU 24 NOVEMBRE 1883, AYANT POUR OBJET DE COMPLÉTER L'ARTICLE 4 DE LA LOI DU 1er JUIN 1853 SUR LES CONSEILS DE PRUD' HOMMES (1).

Notice par M. CORTOT, avoué au tribunal civil de la Seine.

La loi du 24 novembre 1883 a eu pour but de préciser le sens de l'article 4 de la loi du 1er juin 1853 qui avait donné lieu à des difficultés depuis la loi du 13 juillet 1880. Aux termes de cet article : « Sont élec«teurs les patrons âgés de vingt-cinq ans accomplis et patentés depuis «< cinq ans au moins et depuis trois ans dans la circonscription du con« seil. » Or, la loi du 15 juillet 1880 a affranchi du droit fixe de patente les associés secondaires des sociétés en nom collectif exerçant des professions rangées au tableau C.

En présence de ces deux textes s'était posée la question de savoir si l'exemption prononcée par la loi du 15 juillet 1880 en faveur des associés secondaires les laissait électeurs. Certains conseils de préfecture s'étaient prononcés dans le sens de l'affirmative, mais le conseil d'État avait annulé l'élection faite dans ces conditions.

L'interprétation du conseil d'État fondée sur le sens strict des textes a paru être en opposition manifeste avec l'intention des législateurs de 1880 qui, en exonérant les associés secondaires, n'avaient évidemment pas voulu les priver d'un droit électoral justifié à divers titres. C'est pour rétablir la situation que la loi a été proposée.

Article unique.

L'article 4 de la loi du 1er juin 1853 est complété de la manière suivante :

Art. 4. Sont électeurs :

1° Les patrons âgés de vingt-cinq ans accomplis, patentés depuis cinq ans au moins et depuis trois ans dans la circonscription du conseil; les associés, en nom collectif patentés ou non, âgés de vingt-cinq ans accomplis, exerçant depuis trois ans une profession assujettie à la contribution des patentes et domiciliés depuis trois ans dans la circonscription du conseil.

2o Les chefs d'atelier, contre-maîtres et ouvriers, âgés de vingtcinq ans accomplis, exerçant leur industrie depuis cinq ans au moins et domiciliés depuis trois ans dans la circonscription du conseil.

(1) J. Off. du 25 novembre 1883.

X

LOI DU 8 DÉCEMBRE 1883 RElative a l'élECTION DES JUGES CONSULAIRES.

Notice par M. A. CHAUMAT, docteur en droit, avocat à la Cour d'appel de Paris.

La loi relative à l'élection des juges consulaires qui porte la date du 8 décembre 1883 a une importance considérable en ce qu'elle rétablit, pour la nomination des magistrats des tribunaux de commerce, le principe de l'élection par le suffrage universel des commerçants, principe déjà admis et consacré une première fois par l'Assemblée constituante en 1790 et appliqué jusqu'en 1809, puis introduit une seconde fois dans l'organisation des tribunaux de commerce pendant une période de quatre années, de 1848 à 1852.

Il est, du reste, intéressant, pour bien préciser et pour bien comprendre le caractère, le but et la portée de la nouvelle loi, de rappeler sommairement ce qu'a été en France depuis son origine l'institution de la juridiction consulaire et aussi d'indiquer quelles phases successives a traversées la loi du 8 décembre 1883 avant d'être définitivement votée par le Sénat le 3 juillet et par la Chambre des députés le 4 décembre 1883. « L'origine des tribunaux de commerce (1) remonte au xiv° siècle. »

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« Un édit de Philippe de Valois, en date du 6 août 1349, donne la connaissance des causes commerciales au garde des foires de Champagne et de Brie. Les foires de Lyon, qui furent créées au xve siècle sous Charles VI (1419) et Charles VII (1443), eurent aussi leurs gardes conservateurs. En 1462, Louis XI institua une quatrième foire et attribua la juridiction au bailli de Mâcon, à la charge de juger sommairement comme les gardes. Mais en 1464 un nouvel édit conféra le droit «< aux conseillers, bourgeois, manants et habitants de la ville de Lyon, de commettre un prud'homme suffisant et idoine pour régler les contestations qui pourraient survenir entre les marchands fréquentant les foires >>.

«En 1563, un édit préparé par le chancelier de l'Hospital établit à Paris l'élection des juges de commerce par une réunion de marchands électeurs. Cet édit parait avoir été fait sur la demande des commerçants: car il est motivé « sur la requête et remontrance à nous faite en << notre conseil, de la part des marchands de notre bonne ville de Paris, «<et pour le bien public et abréviation de tous procès et différends entre <«< marchands qui doivent négocier ensemble de bonne foi, sans être <«< astreints aux subtilités des lois et ordonnances. » D'après l'article 1er, les prévôts des marchands et échevins de la ville de Paris devaient élire,

(1) Rapport fait au nom de la commission chargée d'examiner le projet de loi, adopté par la Chambre des députés, relatif à l'élection des juges consulaires, par M. Le Bastard, sénateur.- Séance du 28 avril 1883.-J. Off. Sénat, annexes 1883, p. 754.

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