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qu'ici de trouver une loi générale pour expliquer le développement intérieur de cette action; nous ne pouvons qu'indiquer, pour les cas particuliers, les circonstances physiques, qui, nous ne savons comment, donnent aux forces chimiques l'occasion de s'exercer. Pour quelques points de la psychologie, cette méthode, par laquelle on concilie tout sans rien expliquer, aurait ses avantages. Cependant pour le progrès de la psychologie en général, on gagnerait peu à rapporter ainsi les attributs physiques et les attributs psychologiques à la même substance, et, indépendamment de son degré d'utilité, cette conclusion. n'aurait quelque valeur que comme expression partielle de la vérité, si toutefois il était possible de la mettre d'accord avec les exigences de l'expérience.

Or c'est précisément ce que nous ne pouvons pas, a cause de cette unité de la conscience, sur laquelle on se fonde pour faire l'hypothèse d'un principe spécial des phénomènes intérieurs, tout autant que sur la dissemblance constatée entre ces phénomènes et les phénomènes physiques. Je ne crains pas que l'on oppose à l'existence de cette unité une objection qui résulterait d'une fausse interprétation. Les faits oubliés et ensuite rappelés, les idées flottantes comme à des hauteurs diverses dans la conscience, montrent bien que la conscience ne tient pas enchaînées au même degré toutes les parties de son contenu; mais cela ne détruit pas cette unité qui est le fondement de notre étude présente. Car ce qui constitue cette unité, ce n'est pas que les états intérieurs soient toujours soumis à un enchaînement également rigoureux; il suffit qu'il soit possible à la conscience de réunir sous cette unité seulement quelques impressions. Que maintenant la possibilité de ce fait, indéfiniment observable, ne soit concevable que dans l'hypothèse d'une âme spéciale, nous le reconnaissons dès que nous cherchons à déterminer avec plus de précision le sujet auquel le système mentionné plus haut prétend rapporter les phénomènes physiques et les phénomènes psychologiques. C'est seulement quand la réflexion est encore peu avancée, que le corps entier est

pris pour la personne active et spirituelle; on s'aperçoit bien vite du nombre de ses parties qui n'ont pour la vie de l'âme qu'une importance extrêmement indirecte; plus tard, la tête et le cœur sont considérés comme les sujets matériels de l'activité spirituelle; plus tard encore, des siècles plus savants en physiologie ne s'attachent qu'au système nerveux; là même la science moderne distingue les fils conducteurs des excitations de ces centres nerveux, qui seuls doivent être les substrata immédiats et les producteurs des fonctions psychiques. Mais dans la structure de ces parties, les recherches anatomiques ne montrent pas la rencontre de leurs fibres en un point extrême, distinct, et même le pourraient-elles, ce point constituerait toujours une masse étendue, divisible, et l'on devrait encore poursuivre à l'infini la distinction entre les éléments qui ne sont encore que des agents intermédiaires, et le point central qui devient de plus en plus petit. Les choses étant ainsi, il n'y a pour cette hypothèse que deux issues : on doit faire une nouvelle conjecture, imaginer ce qu'elle ne peut pas trouver, et supposer, dans la masse du système nerveux, puisqu'il n'y a aucune étendue dans les perceptions sensibles, un point indivisible, invisible; mais ce point, à vrai dire, ne peut plus être appelé matériel, et ainsi on donnerait involontairement passage à cette explition plus exacte des choses, qui consiste à admettre un être qui ne tombe pas sous les sens, et qui est en relation avec la masse complexe du corps; ou bien, si l'on craint le danger de ce passage, il faut se résoudre à construire l'unité de la conscience avec la diversité des états qui sont la condition les uns des autres, et qui se produisent simultanément ou successivement dans les différents éléments matériels de la masse nerveuse.

Nous ne pouvons nous intéresser maintenant qu'à l'examen de cette dernière tentative que nous voyons toujours se renouveler sous nos yeux pour toujours échouer. La composition des mouvements physiques, d'après le parallélogramme des forces, ordinairement peu comprise, est la séduisante analogie qui fait naître ces espérances irréa

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lisables. Deux mouvements peuvent en produire un troisième aussi simple qu'ils étaient eux-mêmes. De même, pourquoi les états physiques des divers éléments nerveux, leurs sensations, leurs sentiments, leurs tendances, conçus en rapport réciproque constant avec les états analogues de leurs voisins, ne donneraient-ils pas lieu en définitive au cours simple d'une conscience générale, qui, à la manière d'un mouvement résultant, nous offrirait toujours l'apparence de l'unité, tout en étant le produit d'une infinité d'éléments composants? Nous disions plus haut que c'est l'expression inexacte d'une loi physique qui fait concevoir ces espérances. Nous savons en effet par le parallelogramme des forces, que deux forces agissant sur un seul et même point, impriment à ce point un mouvement simple et moyen. Mais de l'unité de ce point, l'hypothèse que nous examinons ne dit rien; car, d'après elle, ce n'est pas à un point fixe, indépendant, situé hors du tissu des filets nerveux, ni à une substance simple et spirituelle que les fibres du cerveau impriment leur mouvement, mais, sans que l'on ait à supposer un pareil point d'application, l'activité de ces fibres donne lieu à de simples résultantes. On peut interpréter cela de deux manières. Il y a certainement, au fond d'un grand nombre d'assertions pareilles, l'idée confuse et dénuée de sens, que les forces de parties différentes peuvent produire une résultante, qui n'est pas seulement un état quelconque d'une ou de plusieurs de ces parties, mais qui constitue un être indépendant. Mais laissons de côté ce malentendu tout extérieur : regardons comme accordé que toute résultante ainsi produite doit s'appliquer à une substance dont elle forme l'état. Il ne nous reste alors que la manière suivante de voir les choses: chaque élément nerveux, d'une manière qui d'ailleurs nous est inconnue, transmettra à ses voisins les plus proches et aux plus éloignés, les états psychiques intérieurs dans lesquels il se trouve par suite de n'importe quelle excitation. D'après toutes les analogies des sciences naturelles, nous devons supposer que la différence des positions dans l'étendue, et

d'autre part le degré de concentration dans l'union physiologique des éléments, auront une grande influence sur la portée de cette communication. De même qu'une onde se propage avec une hauteur décroissante en formant sur l'eau un cercle de plus en plus grand, l'état d'excitation propre à chaque élément nerveux se communiquera aux plus éloignés à un moindre degré, et, au bout du compte, chaque élément sera dans un état d'excitation intérieure autre que celui de son voisin. Ce sera du moins le cas pendant le court instant, qui, à travers le mouvement continuel des impressions dans la vie de l'âme, est donné à chacune d'elles en particulier pour se propager sans obstacle et qui s'opposerait toujours à ce qu'il se produise, dans toute la masse nerveuse, un état parfaitement ́identique.

Nous ne saurions rien ajouter à cette conséquence : que l'on soit bien loin d'établir ainsi une unité de conscience, c'est évident. Au lieu de l'âme une, dont nous cherchions à composer les états, nous n'avons obtenu qu'un agrégat de beaucoup de petites âmes, dont chacune sympathise, d'une manière et dans une proportion qui lui sont propres, avec les excitations des autres. Leur multiplicité laisse subsister la question de savoir quel est celui de ces éléments actifs, dont les états intérieurs représentent la vie de notre âme. On supposera peut-être que dans ce grand nombre d'éléments, il y en a un, si favorablement placé, si heureusement en rapport organique avec les autres, que, comme le premier parmi des égaux, il puisse seul contenir un résumé complet et très-exact de toutes les impressions; les autres, abstraction faite de la vie intérieure qui leur appartient, ne seraient considérés que comme des serviteurs et des pourvoyeurs de cet élément central. Mais on ne fera que revenir par là à l'hypothèse généralement réclamée d'une unité, sur laquelle agissent, comme à leur foyer commun, toutes les forces des éléments particuliers, isolés. On perdra enfin l'habitude de chercher cette unité dans n'importe quelle partie matėrielle et étendue on avouera que la conscience, qui, en

fait, est une sorte de résultante de toutes les forces des divers organes, ne peut cependant être cette résultante que s'il existe déjà un sujet simple, immatériel, auquel se rapportent toutes les actions qui se produisent simultanément et réagissent les unes sur les autres. Rien ne doit s'opposer à l'établissement de cette vérité, si ce n'est peutêtre la tendance souvent invincible à faire cette confusion que nous avons exprès signalée plus haut comme inadmissible, c'est-à-dire l'habitude de laisser de nouveaux mouvements, de nouveaux faits sortir de certains états, de certains phénomènes, sans se préoccuper le moins du monde de rechercher avec une scrupuleuse attention dans quel sujet se produit la nouvelle manière d'être.

Si nous affirmons maintenant que nous pouvons nous appuyer avec une parfaite sécurité sur ce fait de l'unité de conscience pour admettre l'existence d'un être spirituel distinct, ce qui précède nous donne aussi une nouvelle preuve que l'hypothèse d'une vie spirituelle et intérieure de tous les éléments matériels, n'offre absolument aucun avantage pour le progrès de notre science. Si les sensations, les tendances des éléments nerveux, pouvaient, comme des feux follets, se réunir en une sensation, en une tendance commune, et par elles-mêmes donner naissance à un nouveau sujet simple, auquel se rapporteraient cette sensation, cette tendance, il serait alors très-avantageux de croire à la vie intérieure des éléments matériels. Mais chacun d'eux ne peut communiquer ses propres états intérieurs qu'à un autre et encore à la seule condition de lui donner une impulsion physique pour le déterminer à produire en lui un même état intérieur. C'est du moins la supposition que nous devons faire, si nous voulons procéder comme dans les autres sciences naturelles. Autrement, en affirmant une relation immédiate et sympathique, par laquelle une molécule devinerait, sans aucune action physique, l'état d'une autre molécule, nous rendons superflu et inintelligible le mécanisme si délicatement ordonné de l'organe central du système nerveux. Mais si cette communication physique est une fois reconnue nécessaire, et s'il

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