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LA

CONVENTION LITTÉRAIRE & ARTISTIQUE

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LA CONVENTION LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE

DU 19 AVRIL 1883,

CONCLUE ENTRE

LA FRANCE ET L'ALLEMAGNE,

PAR

M. CH. LYON-CAEN,

Professeur à la Faculté de droit de Paris et à l'École des sciences politiques.

GÉNÉRALITÉS.

IMPORTANCE DE LA CONVENTION.

La convention conclue entre la France et l'Allemagne, le 19 avril 1883, pour la protection des auteurs d'œuvres littéraires et artistiques, est entrée en vigueur le 6 novembre de la même année. Elle a, sous plusieurs rapports, une importance de premier ordre.

On peut la considérer comme l'une des conséquences spéciales de l'unification de l'Allemagne. La France avait conclu avec les différents États allemands d'assez nombreuses conventions littéraires et artistiques ('). Les divergences existant entre ces conventions étaient une source de grandes complications. Aussi, en 1870, peu d'années après la création de la Confédération de l'Allemagne du Nord, l'on pensa à remplacer ces conventions multiples par une seule. Le désir d'arriver à ce résultat, manifesté par le Bundesrath, était, à part toute considération politique, d'autant plus légitime que quelques-uns des anciens traités consacraient des principes généralement condamnés aujourd'hui (2). La guerre de 1870 empêcha de poursuivre la réalisation de ce vou. Mais,

(1) Les plus importants de ces traités étaient : le traité du 2 août 1865 avec la Prusse (auquel ont accédé beaucoup de petits États); le traité du 26 mars 1865 avec la Bavière, étendu à l'Alsace-Lorraine par la convention additionnelle au traité de Francfort du 11 décembre 1871; le traité du 25 avril 1865 avec le Wurtemberg; le traité du 26 mai 1865 avec la Saxe. Voir le texte de ces traités dans l'ouvrage suivant : PATAILLE, Code international de la propriété industrielle, artistique et littéraire, et spécialement pour les traités conclus entre la France et les États allemands, Annales de la propriété industrielle, artistique et littéraire, 1866, p. 35 et suiv.

(2) Nous indiquerons ces dispositions surannées à propos des dispositions de la nouvelle convention qui les modifient. Elles sont relatives spécialement au droit exclusif de traduction appartenant à l'auteur, droit qui était restreint dans de trop étroites limites.

en 1875, des négociations furent entamées, dans le but d'arriver à la conclusion d'un traité unique. Elles n'aboutirent pas; leur échec provint surtout du désaccord existant entre les vues des deux gouvernements sur la durée à assigner au droit exclusif de traduction au profit de l'auteur. Mais des négociations reprises à la fin de 1882 conduisirent à la conclusion du traité signé à Berlin le 19 avril 1883.

La nouvelle convention a été rédigée avec un grand soin. Elle a sur beaucoup de points amélioré les solutions données aux principales questions par les conventions franco-allemandes antérieures. Elle servira sans doute de modèle à tous les traités du même genre que l'Empire d'Allemagne conclura avec les autres États. Déjà même une convention entre l'Allemagne et la Belgique a été modelée sur elle.

Mais il faut se garder, en étudiant cette convention, d'une erreur à laquelle les jurisconsultes allemands même les plus compétents se sont Zaissé entraîner par un sentiment d'amour-propre national assurément fort respectable en lui-même.

Les solutions adoptées par la convention sont, en général, plutôt conformes aux dispositions des lois allemandes du 11 juin 1870 et du 9 janvier 1876, sur les droits des auteurs et des artistes (*), qu'à celles des lois françaises. Des jurisconsultes paraissent en conclure qu'il y a là une sorte de reconnaissance de la haute valeur des lois allemandes et qu'elles deviendront la base du droit international en cette matière spéciale.

On ne saurait sans erreur parler d'un succès réel pour la législation de l'Allemagne. Il y a là seulement, en quelque sorte, une conséquence nécessaire de principes adoptés, en général, par les conventions littéraires et consacrés spécialement par la convention franco-allemande. Cette convention admet les deux règles suivantes:

1o Les sujets d'un des deux États contractants n'ont pas dans l'autre plus de droits que les sujets de ce dernier État. — Ainsi, un auteur français ne peut pas avoir en Allemagne plus de droits qu'un Allemand. Il en résulte que, par exemple, encore qu'en France les droits d'auteur durent cinquante ans après le décès de l'auteur, le droit exclusif de reproduction appartenant à un Français ne dure en Allemagne que jusqu'à l'expi

(1) Convention du 12 décembre 1883.

(2) Ces lois ont été traduites en français dans l'Annuaire de législation étrangère publié par la Société de législation comparée de Paris, 1872, p. 205 et suiv., 1877, p. 88

ration d'un délai de trente ans après la mort de l'auteur; le droit d'auteur n'a pas en Allemagne pour les nationaux eux-mêmes une plus longue durée.

2o Les sujets d'un des deux États contractants ne peuvent pas avoir plus de droits dans l'autre État que dans leur pays d'origine. Ainsi, bien qu'en France le droit de reproduction dure pendant la vie de l'auteur et cinquante ans après sa mort, le droit d'un auteur allemand s'y éteint trente ans après son décès, parce que c'est là le maximum de la durée admise par la loi allemande.

Il résulte de ces deux principes que la convention a dû s'approprier les dispositions de celle des législations des deux États contractants qui est la moins favorable aux auteurs. Or, il est incontestable que tel est le caractère des lois allemandes comparées aux lois françaises. Il était donc impossible qu'on ne donnât pas, dans la nouvelle convention, la prédominance aux dispositions des premières de ces lois. Autrement, on serait arrivé, contrairement aux principes fondamentaux du traité, à accorder aux auteurs allemands en France des droits plus étendus que dans leur pays d'origine, ou aux auteurs français en Allemagne des droits plus considérables que n'en ont les auteurs allemands eux-mêmes. Au surplus, nous avons voulu seulement rectifier une idée fausse. Mais nous n'avons nullement la pensée de déprécier la législation allemande sur les droits des auteurs. Les lois dont elle se compose forment un ensemble grandiose et harmonieux, composé par des hommes d'une haute compétence juridique.

Nous nous proposons d'expliquer les dispositions de la convention nouvelle. Afin d'en donner une idée plus complète, nous prendrons la forme du commentaire, nous reproduirons les articles soit de cette convention, soit du protocole et du protocole de clôture qui y sont annexés et sous chacun d'eux nous fournirons quelques explications. Pour ce commentaire, nous avons eu constamment recours au petit volume de M. Otto Dambach, professeur de droit à l'université de Berlin, intitulé: Der deutsch-französische Litterar-Vertrag vom 19. April 1883 ('). Ce savant professeur et jurisconsulte était mieux placé que qui que ce fût pour donner de la convention un commentaire autorisé et exact. Non seulement il a contribué puissamment à la préparation des lois allemandes sur la protection des auteurs et des artistes (2), mais encore il a (1) Berlin (1883).

(2) Il a publié un excellent commentaire de la loi du 11 juin 1870. Die Gesetzgebung des norddeutschen Bundes betreffend das Urheberrecht (Berlin, 1871).

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