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été l'un des commissaires allemands chargés d'arrêter, de concert avec les commissaires français envoyés à Berlin, le nouveau traité. Son ouvrage a ainsi un caractère quasi officiel en même temps qu'une incontestable valeur scientifique.

CONVENTION CONCLUE ENTRE LA FRANCE et l'Allemagne POUR LA GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ DES ŒUVRES DE LITTÉRATURE ET D'ART.

Le Président de la République française et Sa Majesté l'empereur d'Allemagne, roi de Prusse, au nom de l'empire allemand, également animés du désir de garantir d'une manière plus efficace dans les deux pays la protection des œuvres littéraires ou artistiques, ont résolu de conclure à cet effet une convention spéciale, et ont nommé pour leurs plénipotentiaires, savoir: Le Président de la République française:

Le sieur Alphonse, baron de Courcel, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de France près Sa Majesté l'empereur d'Allemagne, roi de Prusse,

et

Le sieur Charles Jagerschmidt, ministre plénipotentiaire de 1re classe; Et Sa Majesté l'empereur d'Allemagne, roi de Prusse :

Le sieur Paul, comte de Hatzfeldt-Wildenburg, son ministre d'État et secrétaire d'État au département des affaires étrangères ;

Lesquels, après s'être communiqué leurs pleins pouvoirs, trouvés en bonne et due forme, sont convenus des articles suivants :

ART. 1. Les auteurs d'oeuvres littéraires ou artistiques, que ces œuvres soient publiées ou non, jouiront, dans chacun des deux pays réciproquement, des avantages qui y sont ou y seront accordés par la loi pour la protection des ouvrages de littérature ou d'art, et ils y auront la même protection et le même recours légal contre toute atteinte portée à leurs droits, que si cette atteinte avait été commise à l'égard d'autres nationaux.

Toutefois, ces avantages ne leur seront réciproquement assurés que pendant l'existence de leurs droits dans leur pays d'origine, et la durée de leur jouissance dans l'autre pays ne pourra excéder celle fixée par la loi pour les auteurs nationaux.

L'expression œuvres littéraires ou artistiques » comprend les livres, brochures ou autres écrits; les œuvres dramatiques, les compositions musicales, les œuvres dramatico-musicales; les œuvres de dessin, de peinture, de sculpture, de gravure; les lithographies, les illustrations, les cartes géographiques; les plans, croquis et œuvres plastiques relatifs à la géographie, à la topographie, à l'architecture ou aux sciences naturelles, et, en général, toute production quelconque du domaine littéraire, scientifique ou artistique.

Ce premier article de la convention pose le principe de la réciprocité entre les deux États, consacre la règle d'après laquelle les droits d'un

auteur dans un des pays contractants ne peuvent dépasser ceux qui lui appartiennent dans son pays d'origine et fixe le sens des expressions, œuvres littéraires et artistiques. Chacun de ces trois points est fondamental et mérite des explications spéciales.

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Le principe de réciprocité consacré par le premier alinéa de l'article 2 forme la base de tous les traités du même genre. D'après ce principe, l'auteur allemand est protégé en France comme l'auteur français, l'auteur français l'est en Allemagne comme l'auteur allemand. Mais le second alinéa du même article limite ce principe en établissant qu'une œuvre ne peut être protégée dans l'un des deux États pendant un temps plus long que dans son pays d'origine. Cette restriction est faite par toutes les conventions littéraires. Elle ne s'applique pas seulement à la durée des droits d'auteur, mais encore à la nature des ouvrages protégés, de telle sorte, comme nous l'expliquerons, qu'un ouvrage non protégé en Allemagne, à raison de sa nature, ne peut pas l'être en France, ou, à l'inverse, qu'un ouvrage non protégé en France ne peut pas l'être en Allemagne.

M. Dambach, dans son excellent commentaire (page 3), conclut de l'article 1er (deux premiers alinéas combinés) qu'on doit poser le principe suivant comme dominant toute la convention : Quand la législation allemande et la législation française diffèrent, soit quant à l'étendue de la protection, soit quant à sa durée, l'ouvrage dont il s'agit n'a droit qu'à la protection admise par la législation la moins favorable.

DÉLAIS DE LA PROTECTION.

Les délais de la protection sont moindres d'après la loi allemande que d'après loi française. Les délais de la loi allemande sont donc les seuls qui soient applicables aux auteurs allemands et aux auteurs français dans les rapports entre les deux États. Voici, à cet égard, les principales dispositions divergentes dans les deux législations (') :

A. Manuscrits et œuvres parus sous le vrai nom de l'auteur. Législation allemande (2). La protection dure jusqu'à l'expiration de

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(1) Voir DAMBACH, op. cit., p. 3 et 4.

(*) Loi du 11 juin 1870 (art. 8); loi du 9 janvier 1876 (art. 9).

Législation française (1).

trente ans après le décès de l'auteur. La protection dure jusqu'à l'expiration de cinquante ans après le décès de l'auteur.

B. Euvres anonymes et parues sous un pseudonyme.- En Allemagne, la protection dure pendant trente ans à partir de la première édition; mais la protection s'étend à trente ans après la mort de l'auteur, si, durant le délai précédent, l'auteur ou ses ayants cause ont fait connaître, dans les formes prescrites par la loi, le nom de l'auteur véritable (2). En France, le délai de la protection est toujours de cinquante ans après le décès de l'auteur ou de l'éditeur, selon que l'auteur véritable se révèle ou ne se fait point connaître. Ainsi que nous le verrons plus loin, le protocole de clôture contient une disposition importante sur les œuvres pseudonymes et anonymes.

C. Euvres posthumes. Allemagne La protection expire trente ans après la mort de l'auteur (3). France: Il existe une controverse. D'après les uns, la protection dure pendant dix ans ; d'après les autres, elle dure pendant cinquante ans après le décès de l'auteur. Mais la jurisprudence admet la première solution (“).

D. Euvres publiées par des académies, des universités ou d'autres personnes morales. - Allemagne : Protection assurée pendant trente ans à partir de la date de la publication de l'œuvre (5). France: Dans le silence de la loi, les avis sont partagés; on a soutenu notamment ou bien que le droit exclusif de production est alors perpétuel (6), ou bien qu'il dure trente ans à compter de la publication.

DES ŒUVRES PROTÉGÉES.

Au point de vue des œuvres ayant, d'après leur nature, droit à la protection légale en vertu de la convention, quelques observations sont nécessaires.

(1) Loi du 14 juillet 1866 (art. 1er).

(2) Loi du 11 juin 1870 (art. 11); loi du 9 janvier 1876 (art. 9).

(3) Loi du 11 juin 1870 (art. 12); loi du 9 janvier 1876 (art. 11).

(4) Paris, 29 mars 1878 (affaire André Chénier), Journal du Palais, 1878, p. 606; cour de cass., ch. civ., 28 décembre 1880. — Dans le même sens, WORMS, Étude sur la propriété littéraire, t. I, p. 3 et suiv. En sens contraire, POUILLET, op. cit., no 43, p. 336; CH. LYON-CAEN, note sous l'arrêt précité de la cour de cassation dans le Journal du Palais, 1880, p. 251.

(5) Loi du 11 juin 1870 (art. 13).

Euvres photographiques. La convention ne s'applique pas aux œuvres photographiques (1). En France, il est fort douteux que ces œuvres soient spécialement protégées par la loi. En Allemagne, il existe sur les œuvres photographiques une loi spéciale (loi du 10 janvier 1876) (2), qui ne les protège contre la contrefaçon que pendant cinq ans à partir de leur publication. Les deux gouvernements se sont réservé formellement de faire, par la suite, une convention particulière relativement aux œuvres photographiques. (Voir ci-après, protocole de clôture, 3o.)

Dessins et modèles industriels. -La convention ne comprend pas non plus les dessins et modèles industriels. En ce qui les concerne, il n'y a pas de traité unique entre la France et l'Allemagne, mais les traités divers conclus entre la France et les divers États particuliers restent en vigueur.

Plans, croquis, etc. - L'article 1er, 3° alinéa, mentionne spécialement les plans, croquis et œuvres plastiques relatifs à la géographie, à la topographie et aux sciences naturelles. Cette mention n'a aucune portée pratique actuelle; elle ne pourra en acquérir que par la suite les œuvres dont il s'agit (par exemple, les modèles anatomiques, les cartes en relief, etc.) ne sont pas protégées actuellement par la législation allemande. Elles ne sauraient donc l'être dans les rapports internationaux entre la France et l'Allemagne (3). Mais le jour où la loi allemande serait étendue aux œuvres de cette sorte, de plein droit elles bénéficieraient des dispositions de la convention qui les vise (4).

Euvres non publiées. L'article 1er, 1er alinéa, en écartant toute distinction entre les œuvres publiées ou non, implique bien que les œuvres littéraires et artistiques sont protégées indépendamment de toute publication; que, par exemple, peu importerait qu'une œuvre littéraire fût demeurée à l'état de manuscrit. Cela paraît assurément très rationnel, mais ne pouvait être admis par les anciens traités, dont quelques-uns exigaient que, pour qu'un ouvrage fût protégé, un exemplaire en fût déposé dans le pays où l'auteur voulait jouir de la protection légale.

(1) POUILLET, op. cit., nos 100 et suiv.

(2) Traduction française annotée dans l'Annuaire de législation étrangère, 1877, p. 107 et suiv.

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NATIONALITÉ DE L'AUTEUR.

PAYS DE LA PUBLICATION.

Une des plus importantes questions que doivent trancher les conventions littéraires et artistiques, est la suivante : Pour déterminer à quelles œuvres la protection s'étend, faut-il considérer la nationalité de l'auteur ou le pays de la publication de l'œuvre?

Cette question n'est pas seulement résolue par les conventions littéraires et artistiques. Elle l'est aussi par les lois intérieures de chaque État pour les ouvrages auxquels celles-ci s'appliquent. Avant de déterminer la solution qui lui a été donnée par la nouvelle convention, il faut constater comment elle est résolue par les lois de l'Allemagne et de la France pour les pays avec lesquels aucune convention n'a été conclue. La loi allemande du 11 juin 1870 (art. 61), relative au droit d'auteur, sur les écrits, dessins, compositions musicales et œuvres dramatiques, ne protège que les auteurs d'ouvrages nationaux; toutefois, les ouvrages d'auteurs étrangers publiés chez un éditeur ayant son établissement dans le territoire allemand, jouissent également de la protection que la loi accorde. Pour les œuvres des arts figuratifs, la loi du 9 janvier 1876 (art. 20) exige, pour qu'elles soient protégées, quand elles ont pour auteur un étranger, qu'elles soient publiées par un éditeur allemand.

En France, jusqu'en 1852, la loi ne protégeait que les ouvrages publiés sur le territoire français, sans distinction fondée sur la nationalité de l'auteur. Mais le décret du 28 mars 1852 a décidé que dorénavant les œuvres littéraires et artistiques jouiraient de la protection de la loi française, sans qu'il y eût à considérer même le lieu de la publication (1).

En ce point encore, la loi française est plus libérale que la loi allemande. Aussi est-ce cette dernière qui a dû servir de base au traité, conformément à l'observation que nous avons déjà faite.

Notre question est tranchée par l'article 1er, ler alinéa, et par l'article 2. La convention garantit la protection des lois dans chacun des pays respectifs :

1° Aux nationaux, c'est-à-dire aux Allemands en France et aux Français en Allemagne, quel que soit le lieu de la publication. Ainsi, le Français qui publie une œuvre à Saint-Pétersbourg ou à Londres bénéficie des dispositions de la convention;

2o Aux éditeurs d'ouvrages publiés dans l'un des deux États contrac

(1) Consulter RENAULT, De la propriété littéraire et artistique au point de vue international. (Extrait du Journal du droit international privé.)

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