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PREMIÈRE PARTIE.

PRINCIPES GÉNÉRAUX-PROFESSIONS-RICHESSE

NATIONALE.

LIVRE PREMIER.

PRINCIPES GÉNÉRAUX.

L'ÉCONOMIE politique s'occupe de recherches relatives au revenu et à la richesse des nations; mais elle doit d'abord donner une idée juste du revenu et de la richesse des membres de la société. C'est par la connaissance exacte de la nature de la richesse individuelle, qu'on parviendra à connaître la richesse nationale et la différence qui existe entre ces deux sortes de richesses.

La confusion qui a régné jusqu'ici dans les recherches de ce genre, résulte en grande partie

Tom. I.

I

de ce qu'on a employé des termes empruntés du langage vulgaire, sans préciser la véritable signification qu'on voulait y attacher. Dans le commerce habituel de la vie, l'ignorance et la manie de briller prêtent aux mots, sans inconvénient grave, des sens différents. En fait de science, l'erreur naît dès qu'en établissant des principes, on prend un terme dans une acception, et qu'en tirant les conséquences, on l'applique dans une autre.

Nous commencerons donc par définir les mots dans le 1er § de ce livre. Cette méthode est sèche et aride; mais elle doit conduire à d'importants résultats.

I.

IDÉES FONDAMENTALES.

DÉFINITIONS.

I. BIENS. On a dit que la fortune, ou la richesse, est l'abondance des biens. Cette définition est exacte, si l'on ne prend le mot biens que dans un sens restreint.

Quelques auteurs ont pensé qu'ils devaient traiter, au sujet de l'Économie politique, de biens purement immatériels, tels que la philosophie, la science, la religion, la morale; mais, comme l'Économie politique n'a pour but essentiel que de rechercher de quelle manière

l'État doit prélever sur ses sujets les revenus qui constituent la richesse nationale, les biens immatériels ne sauraient être du ressort de cette science. On ne peut, sans confondre les idées, traiter de biens immatériels là où il ne s'agit que de biens imposables.

Nos recherches porteront donc exclusivement sur les biens matériels et susceptibles d'un usage, d'une possession, d'une propriété, sur tout ce qui est reconnu d'une valeur réelle, dans les relations commerciales, comme propre aux besoins physiques de l'homme ou de la société, et non pas sur tout ce qui peut être considéré comme un objet de desir, comme un bien, si l'on prend ce mot dans son acception générique et la plus étendue.

Chose, Possession, Propriété. En Économie politique comme en droit, il faut distinguer entre les personnes et les choses. Excepté l'homme, tout corps, toute substance, peut être appelée chose, et considérée comme un objet de possession et de propriété.

Avoir la possession d'une chose, c'est en faire usage pour soi et en exclure tous les autres, que cette exclusion ait ou non obtenu leur consentement, qu'elle soit légitime ou non. Il n'en est pas de même de la propriété; elle sup

pose ce consentement. La possession est un fait; la propriété, un droit. Le ravisseur possède le bien d'autrui; et c'est là précisément ce qui le rend coupable. Le locataire paie au propriétaire le loyer de la chose louée, afin que celui-ci n'exerce pas envers lui le droit qu'il aurait de l'exclure de l'usage de cette chose.

II. BESOINS. Nos sens nous rendent utiles les choses extérieures; et cette utilité des choses fait naître en nous le desir. Ce desir, lorsque, faute de le satisfaire, nous éprouvons ou le malaise ou la douleur, est un besoin. Tout besoin produit un desir, mais tout désir n'est pas un besoin. L'homme a sans doute des besoins d'un ordre supérieur à ceux auxquels les choses terrestres peuvent satisfaire; mais c'est par cela même, nous le répétons, que leur examen est hors de notre sujet.

On entend quelquefois, par notre nécessaire, l'ensemble de nos besoins les plus urgents. La douleur ou le malaise que l'on ressent par la privation d'un objet, peut être plus ou moins grande. Il existe donc une série de besoins plus ou moins urgents, mais dont l'intensité et la gradation ne peuvent être exactement déterminées; d'où il résulterait que la division des besoins de l'homme en besoins de nécessité et en

besoins de luxe a quelque chose de trop vague. Un besoin n'est réellement urgent ou nécessaire que lorsque la privation de son objet compromet notre santé ou notre vie. Diogène agissait d'une manière fort inconséquente, en brisant son écuelle comme un meuble inutile, et en conservant son tonneau; car le climat de la Grèce est assez doux pour qu'on puisse y passer les nuits en pleine campagne. Une grotte, un arbre, aussi bien qu'un tonneau, eût pu garantir Diogène de la pluie, supposé qu'un philosophe tel que lui dût craindre la pluie.

1o Luxe. C'est d'une manière tout aussi vague et avec la même inconséquence, que les moralistes et les financiers déclament contre le luxe. Les inconvénients graves qui, selon eux, sont attachés au luxe, ne doivent pas lui être imputés et ne peuvent être attribués qu'à des désordres qui ne lui sont pas inhérents. C'est, par exemple, une habitude fort mauvaise et répréhensible que de s'enivrer, mais ce n'est pas un luxe. C'est au contraire un luxe que de boire du vin, mais il n'y a point de mal à en boire avec modération. C'est aussi une mauvaise économie, et non pas un luxe, que de dépenser au-delà de ses revenus. Les déclamations auxquelles on se livre contre le luxe ne peuvent frapper jus

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