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mérite égal, leur seront livrées à plus bas prix. Il y a plus; ils ne savent le plus souvent les apprécier qu'en raison du bon marché, quoique, par exemple, un drap fin, au prix de huit écus l'aune, mais dont on peut fabriquer un habit qui, en servant journellement, durera trois années, soit proportionnellement moins cher qu'un drap plus grossier, à quatre écus l'aune, mais qui ne pourra durer qu'un an. Ce n'est guère qu'à l'égard des produits d'une industrie rare et fort recherchée, qu'on ne jugera pas ainsi; et encore l'acheteur incline-t-il toujours au bon marché.

Ainsi la manufacture qui gagne et prospère le plus, n'est pas celle qui vend au plus haut prix, mais celle qui parvient à placer la quantité la plus considérable de ces produits. Et c'est pour cela que les fabriques d'objets d'un usage général et journalier sont celles qui rapportent incontestablement davantage, et que les gouvernements s'abusent fort lorsqu'ils se persuadent que les manufactures de choses précieuses sont les plus avantageuses pour le pays. Une bouteille de vin de Champagne, à la vérité, coûte en Russie autant que trente bouteilles de bière; mais, dans ce pays, on boit trente mille bouteilles de bière contre une bouteille de champagne, et par conséquent le bénéfice sur la

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bière peut être mille fois plus considérable que sur le champagne. Pour un écu que l'on emploie en achat de porcelaine, on en dépensera mille à se procurer de la faïence. Le trafic qui se fait en toile de coton, est infiniment plus considérable et plus lucratif que celui des plus riches étoffes de soie. De là résulte qu'en effet beaucoup plus de gens s'adonnent à la fabrication d'objets usuels qu'à toute autre.

La prospérité d'une fabrique dépendant nonseulement de la bonté de ses produits, mais encore et surtout de leur bas prix, tout fabricant devra tendre à vendre à bon marché. Le cultivateur ne peut pas facilement baisser le prix de ses récoltes; mais l'industrie du fabricant peut influer puissamment sur la baisse du prix de ses marchandises. Si l'urgence des besoins que l'on en a ne dépend pas de lui, il peut du moins proportionner sa fabrication à la demande effective de telle ou telle autre production. Le cultivateur n'a pas cette faculté ; et du moment qu'il a confié la semence à la terre, c'est uniquement de l'influence de l'air et du temps que dépend l'abondance plus ou moins grande des récoltes.

Le fabricant doit donc restreindre ses avances et ses bénéfices, de manière à pouvoir vendre au négociant au meilleur marché possible. C'est

son intérêt qui le presse de rechercher tous les moyens de renfermer son bénéfice dans les plus justes limites, et d'épargner sur ses avances, sans néanmoins détériorer ses produits. L'opinion contraire, de laquelle il résulterait que les manufacturiers et les négociants doivent tendre à vendre cher, est entièrement fausse. Le fabricant qui se contentera de gagner deux gros sur une aune d'étoffe, en vendra par cette raison même douze mille aunes, et gagnera neuf cents écus, tandis qu'un autre qui voudra faire un bénéfice double par aune, n'en vendra pas douze cents aunes, et ne gagnera pas cent écus.

Le bon marché, l'épargne sur les avances et un bénéfice modéré étant le fondement de la prospérité des fabriques, il s'agit de rechercher par quels moyens on peut épargner sur les avances, et par quelles règles le taux des bénéfices doit être déterminé.

Les avances que toute fabrique exige, sont. 1o Les frais d'établissement. Il faut des édifices pour la demeure et pour le travail des ouvriers, des moulins, des machines, souvent fort coûteux, des instruments, des outils de tous genres. Ces premiers frais d'établissement ont quelque analogie avec les avances foncières faites par le cultivateur pour ses bâtiments, ses objets

mobiliers, son bétail. Mais ils sont d'une nature toute différente que le capital employé par le cultivateur à l'acquisition du fonds de terre : car les fonds de terre acquièrent de la valeur par la continuité du travail; la fertilité du sol se conserve et même se bonifie, tandis que le capital qu'exigent les frais d'établissement d'une fabrique s'altère et disparaît à la longue, aussi bien que les bâtiments, les objets mobiliers et le bétail du cultivateur.

2o Les frais de conservation. Le manufacturier, de même que le propriétaire foncier, doit calculer ces frais et les fixer annuellement à une somme moyenne. En fait d'économie rurale, ces frais ou les avances primitives ne peuvent s'appliquer qu'à une partie des acquisitions faites avec les avances foncières, attendu que le fonds même de la terre ne nécessite pas de semblables *frais, du moins habituellement. Mais en fait d'industrie manufacturière, ces frais de conservation ont au contraire pour objet de conserver toutes les choses dont les premiers frais d'établissement ont procuré originairement l'acquisition. Or, on conçoit combien doivent être considérables les frais qu'exige la conservation d'un grand nombre de bâtiments, de machines, d'instruments et d'outils, etc. Si les tonneaux de la

brasserie de Withbread à Londres étaient rangés les uns à côté des autres, ils occuperaient en longueur un espace de quatre lieues allemandes. Quelle somme ne faut-il pas payer annuellement au tonnelier pour conserver ces tonneaux en même quantité et en parfait état de service!

3o Les frais de fabrication. On peut les diviser en deux classes, savoir: a, Frais d'achat des matières premières. Ces matières sont celles que la fabrication mécanique ou chimique convertit en produits de l'industrie. Et, aux frais de leur acquisition, il faut ajouter le coût d'achat d'autres matières sans lesquelles le travail et la fabrication ne pourraient avoir lieu. Ainsi, le boulanger, par exemple, est obligé d'acheter le bois nécessaire à la cuisson, aussi bien que le blé ou la farine. Les déboursés à faire pour se procurer ces matériaux accessoires sont souvent considérables, surtout dans les manufactures où les travaux s'exécutent par des moyens chimiques. Cependant il faut encore y ajouter le coût des charrois et des transports, qui souvent l'emportent aussi de beaucoup sur les prix des premiers achats. b, Frais de main-d'œuvre. Les déboursés qu'entraîne le paiement de la maind'œuvre font partie des frais de fabrication; et il faut y comprendre non-seulement le salaire des

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