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guerre, on préfère les pièces de fort aloi, et particulièrement l'or, parce qu'on peut le transporter plus facilement. Voilà comment il arrive qu'une espèce d'or ou d'argent, plus recherchée qu'une autre de métal différent, se vend plus ou moins cher que de coutume.

Mais une espèce d'or ou d'argent peut aussi hausser ou baisser de prix, comparativement à une autre espèce de même métal, c'est-à-dire que l'on donnera, en une espèce de monnaie, plus du même métal fin que l'on n'en reçoit en une autre monnaie, par cette opération. Lorsqu'en une sorte de monnaie, on reçoit précisément autant de métal fin qu'on en donne en une autre (ce qui devrait être suivant le cours ordinaire des choses), par exemple, pour cent écus de Saxe, cent cinq écus de Prusse, on dit alors que ces espèces sont au pair. Et lorsqu'on donne plus de métal fin en une espèce qu'on n'en reçoit en une autre, la différence s'appelle agio. L'importance de l'agio, ou le prix d'une espèce échangée contre une autre, s'appelle le

cours.

Au fond, il n'existe aucun agio, proprement dit, de l'or à l'argent; le rapport de ces métaux l'un à l'égard de l'autre est aussi vague que celui de toute marchandise relativement à d'autres

marchandises; on ne peut déterminer quel doit être le rapport du prix du seigle à celui de l'orge. Cette espèce d'agio n'a pu prendre naissance que lorsqu'on eut déterminé conventionnellement et par une loi le rapport habituel des espèces d'or, relativement aux espèces d'argent. La valeur d'une pistole une fois fixée par la loi à cinq écus de Prusse, tout ce que l'on donna au-delà, dut aussi être appelé agio.

Les négociants qui se livrent en détail au trafic de l'or ou de l'argent, pour les besoins des habitants seulement, s'appellent changeurs; ceux qui font aussi le trafic des pièces étrangères, mais pour les besoins des agents du commerce, s'appellent banquiers de sorte que les changeurs et les banquiers diffèrent entre eux, de . même que les marchands en détail et les négociants en gros.

VI. DES LETTRES DE CHANGE ET DES BANQUES.

1° Traites ou Lettres de change. Le paiement de sommes aussi considérables que le sont celles que le commerce extérieur exige de nos jours, rencontrerait des obstacles invincibles, si ces sommes devaient être envoyées en numéraire d'un endroit à l'autre. Le transport de cinquante ou soixante mille écus de Prusse exigerait un chariot attelé de quatre chevaux. Ajoutez à ce

premier inconvénient, celui qui résulterait de la différence des monnaies et de la difficulté de leur

donner partout un cours égal à leur valeur véritable. En outre, l'Europe ne possède pas, à beaucoup près, tout l'argent dont son commerce aurait besoin, pendant six mois seulement. Un commerce aussi étendu que l'est aujourd'hui le commerce de cette partie du monde, serait donc impraticable, si l'une des plus belles inventions de l'esprit humain, invention que l'on peut, quant à ses résultats, comparer à celle de l'imprimerie, ne fût venue lever tous les obstacles que présentent les paiements en argent comptant. C'est au commerce de l'Europe qu'est due la civilisation de notre hémisphère; et ce commerce ne put s'établir que par l'emploi des traites ou lettres de change.

a, Définition de la Traite ou Lettre de change. C'est par un abus des véritables traites ou lettres de change que les changes secs se sont introduits: ces changes secs sont des billets au porteur par lesquels le débiteur s'engage, sous peine de la contrainte par corps, à rembourser comptant, à une époque déterminée, la somme qu'il a touchée à titre de simple prêt; abus que l'on pourrait assimiler à la loi proposée par le Juif Schilock, et qui consistait à couper une livre de

chair au débiteur. Les véritables traites ou lettres de change n'ont véritablement que le nom de commun avec les changes secs. La traite ou lettre de change contient la promesse que, sur le vu de cette lettre, un tiers paiera une certaine somme d'argent; et, si ce tiers ne paie pas et que le tireur ou souscripteur ne rembourse pas aussitôt la valeur énoncée dans la lettre, les intérêts et les dommages, celui-ci est constitué prisonnier jusqu'au paiement. Aucune des sûretés qu'il pourrait donner sur ses biens, aucune caution fournie par ses amis, pas même la vente ou abandon de ses propriétés (*), ne le libèrent de la contrainte par corps. Le paiement comptant et en espèces produit seul cet. effet.

b, Fondement du droit de change. Il est de la plus haute importance pour l'histoire du droit et de l'humanité de rechercher avec soin quels fu

(*) En France, la cession de biens opère toujours la décharge de la contrainte par corps, si ce n'est à l'égard 1o des stellionataires, des banqueroutiers frauduleux, des personnes condamnées pour fait de vol ou d'escroquerie et des personnes comptables; 2° des étrangers, des tuteurs, administrateurs. ou dépositaires. Voy. le Code civil, art. 1265 et suiv., et le Code de commerce, art. 566 et suiv.

rent les premiers fondements du droit de change. C'est par eux que peuvent s'expliquer la possibilité d'une contrainte ou condamnation par corps, les lois particulières et tous les faits relatifs à la lettre de change et à sa circulation.

c, Invention des lettres de change. Après les dévastations que la transmigration de certains peuples occasiona en Europe, la civilisation et le luxe qui marchent toujours ensemble, reprirent insensiblement naissance; et lorsqu'ils furent parvenus à ce degré où les relations de commerce tendent à unir les peuples entre eux, cette union réciproque des différents peuples éprouva de grandes difficultés. Au dixième et au onzième siècle, le Nord était plongé dans la plus grande barbarie; des corsaires sarrasins infestaient la Méditerranée; les actes de violence, l'exercice du droit du plus fort, rendaient les chemins publics impraticables. Les souverains ne pouvaient soumettre leurs vassaux avec le secours de leurs vassaux. L'Église seule, en fulminant l'excommunication, pouvait, pendant les jours saints, suspendre les petites guerres et protéger les hommes qui se mettaient en voyage pour aller célébrer l'office divin. Ce fut dans le giron de l'Église que le commerce trouva un asile. C'était, depuis long-temps, un acte de

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