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nation doit, en effet, envoyer au-dehors un peu plus qu'elle n'en reçoit en retour; parce que, comme nous le disions, il n'y a qu'un instant, quelques marchandises périssent en chemin, et que d'autres ne sont pas payées, pour causes de faillites ou autres. En définitive, cette absence de paiement constituerait-elle toute la prétendue balance favorable du commerce? Dans cette hypothèse, quel grand avantage!

Et, dans tous les cas, quel mince bénéfice serait-ce que celui qui résulterait de cette prétendue balance favorable du commerce! Suivant Colquhuun, les marchandises importées, tant en Angleterre qu'en Irlande, depuis 1811 jusqu'en 1813, peuvent être évaluées, année commune, à la somme de soixante-six millions de livres sterling, et les exportations peuvent s'élever, de même, année commune, à soixante-neuf millions. Dans cette autre hypothèse, les deux royaumes auraient donc gagné trois millions de livres sterling, par an. Mais il se consomme, de mème par année, dans ces deux royaumes, en pommes de terre seulement, une valeur de plus de douze millions de livres sterling.

En commerçant l'une avec l'autre, deux nations ne jouent point un jeu à perdre ou à gagner. Elles gagnent évidemment toutes deux.

L'une fournit à l'autre ce dont celle-ci a besoin;

et elle en reçoit à son tour ce qui lui est nécessaire. Quelle est donc celle qui pourrait y perdre? Serait-ce, ainsi qu'on se l'imagine communément, celle qui est obligée de payer la différence en numéraire? Mais, suis-je donc constitué en perte, lorsque j'achète avec mon argent une chose qui m'est utile, et que je ne la paie pas au-delà de sa valeur ? Pour que l'une des deux nations gagnât continuellement et que l'autre perdît de même, il faudrait que la première tout entière se composât de fourbes; et la seconde, d'imbéciles: car, encore une fois, l'une ne peut gagner au détriment de l'autre, qu'en supposant que celle-ci paie les marchandises par elle reçues audelà de leur valeur.

Si les marchandises sont payées à leur juste prix, comment peut-il, dès-lors, être question d'une balance? Une nation ne pouvant jamais recevoir en valeur plus qu'elle ne donne, aucune non plus ne peut exporter plus qu'elle ne reçoit. Le commerce d'une nation avec les autres est nécessairement dans un équilibre parfait avec le commerce de ces autres nations. D'ailleurs, une nation recevra-t-elle d'une autre plus de marchandises qu'elle ne lui en fait passer en retour, un rapport directement opposé s'établira

entre elle et une autre nation; elle pourra solder l'excédant qu'elle doit à l'une, par l'excédant qu'elle aura à répéter de l'autre, et l'équilibre subsistera.

Une balance avantageuse ou défavorable ne peut se maintenir long-temps: car bientôt le cours du change détruirait l'avantage ou réparerait le préjudice. Si, par exemple, les exportations d'une nation excédaient constamment, de dix pour cent, ses importations, son change serait constamment aussi de dix pour cent, au-dessous du change, dans les places étrangères, c'està-dire que les lettres de change tirées de cette nation sur ces places étrangères, se vendraient à dix pour cent meilleur marché que les lettres de change tirées de ces places sur cette nation. De cette manière, les marchandises de cette nation seraient donc payées, en réalité, par les étrangers, à raison de dix pour cent moins cher que ces mêmes étrangers ne lui vendraient les siennes, et l'équilibre encore serait ainsi rétabli.

En général, les hommes qui prétendent ́calculer la balance du commerce dans un pays, ne pensent pas à l'existence et aux résultats des lettres de change. Ainsi, lorsqu'ils avancent que l'Allemagne tire de l'Angleterre du café pour la valeur de cinquante millions d'écus, ils raisonnent

tout simplement comme si ces cinquante millions étaient reçus par l'Angleterre en espèces allemandes. Mais ces cinquante millions pèseraient, en argent, au-delà de 40,000 quintaux, dont le transport exigerait au-delà de 1,600 chariots, attelés chacun de quatre chevaux, et, en or, 3,000 quintaux, environ, qui nécessiteraient encore au-delà de 120 chariots.

10° Une balance favorable n'aurait en définitive aucun résultat avantageux. Supposons le cas où une nation parviendrait, en effet, à attirer chez elle l'argent d'une autre. Qu'y gagnera-t-elle, et qu'y perdra celle-ci? Chez la première, l'or et l'argent s'accumuleront; mais, en même temps et par cela même, ils baisseront de prix. Ainsi, y donnait-on, autrefois, un boisseau de blé pour deux loths d'argent, ce même boisseau de blé finira par y coûter jusqu'à 8 et 10 loths d'argent, c'est-à-dire, environ huit écus; et, en général, pour l'achat de toutes choses, il faudra donner une plus grande quantité d'argent.

Dans le pays, au contraire, dont l'argent aura été retiré, l'argent sera devenu rare, mais il aura acquis plus de valeur. Si on y donnait aussi, autrefois, un boisseau de blé pour deux loths d'argent, la même mesure de blé n'y coûtera plus que 1/4 ou 1/6 de loth, c'est-à-dire, cinq

gros environ; et pour toutes choses il en sera de même.

La nation qui aura attiré l'argent de l'autre n'y aura donc rien gagné; puisque avec leur masse de numéraire, ses habitants ne vivront pas mieux qu'ils ne vivaient précédemment : et la nation qui aura vu diminuer ses espèces n'y aura rien perdu. puisque ses habitants n'y vivront pas plus mal qu'ils ne vivaient autrefois.

D'ailleurs, la nation chez laquelle l'or et l'argent abonderaient, ne manquerait pas d'aller acheter chez celle où ces métaux seraient rares, un grand nombre d'objets et de produits qu'elle pourrait s'y procurer à bien meilleur marché que chez elle-même. En effet, pourquoi ne pas tirer de préférence le blé, d'un pays où il ne coûte que 5 gros, plutôt que de l'acheter dans un lieu où il coûte 8 écus. A la vérité, je suppose, ici, une très-grande inégalité dans les différents prix du blé, afin de rendre l'absurdité plus choquante; mais, lors même que cette différence serait beaucoup moins grande, il n'y aurait toujours pas de motif pour adopter une règle de conduite opposée.

Le numéraire de la nation chez laquelle il y aurait pour ainsi dire superflu, refluerait donc, promptement, chez la nation qui en aurait une

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